Les 13 militants anti-esclavagistes condamnés en Mauritanie vont faire appel
Les avocats de 13 militants de l'ONG anti-esclavagiste mauritanienne IRA, condamnés à des peines de 3 à 15 ans de prison ferme, vont pouvoir interjeter appel, la cour ayant finalement accepté de recevoir leur recours, a affirmé vendredi à l'AFP la défense.
Les 13 membres de l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) ont comparu devant la Cour criminelle de Nouakchott, qui les a déclarés coupables et condamnés jeudi soir. Le verdict a été prononcé en l'absence du collectif constitué pour leur défense, qui avait décidé de se retirer du procès pour protester contre les tortures infligées, selon ces avocats, à leurs clients.
Après la condamnation des militants anti-esclavagistes, le collectif avait expliqué que toute possibilité de recours leur avait été refusée par le tribunal en raison de leur boycott. Le président de la Cour est revenu sur cette décision.
L'appel sera introduit certainement lundi et portera sur la condamnation ainsi que les demandes de réparation en raison de la torture subie par nos clients, a expliqué Me Gourmo Lô, membre du collectif.
La partie civile a par ailleurs décidé de faire appel du jugement pour réclamer des dommages et intérêts, a indiqué à l'AFP un de ses avocats, Bilal Ould Dick. "Nous avions demandé 78 millions d'ouguiyas (près de 191.000 euros) de réparation alors que le jugement a statué sur seulement la moitié du montant", a-t-il affirmé.
Les 13 militants anti-esclavagistes ont été arrêtés entre fin juin et début juillet pour leur implication présumée dans une manifestation violente survenue lors du déplacement forcé par les autorités, le 29 juin, d'habitants du bidonville de Ksar à Nouakchott. Un véhicule de la police avait été incendié et plusieurs policiers blessés, selon les autorités.
Ils étaient accusés de rébellion, usage de la violence, attaque contre les pouvoirs publics, attroupement armé et appartenance à une organisation non reconnue. Leur condamnation a été dénoncée par l'IRA et Amnesty International.
Le président de l'IRA, Biram Ould Dah Ould Abeid, a fustigé une justice discriminatoire au service de l'exécutif, selon ses propos rapportés par la presse locale. Pour Alioune Tine, directeur d'Amnesty pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, cette condamnation envoie un message inquiétant pour la liberté d'expression et d'association en Mauritanie. Elle doit être annulée et les 13 militants anti-esclavagistes immédiatement remis en liberté sans condition, a déclaré M. Tine, estimant que les autorités semblent vouloir faire taire ceux dont le seul +crime+ est de lutter pacifiquement contre la pratique de l'esclavage en Mauritanie.
L'esclavage a officiellement été aboli en 1981 dans ce pays mais certaines de ses pratiques perdurent, une situation dénoncée avec véhémence par l'IRA.
La situation a néanmoins évolué récemment, avec l'adoption en août 2015 d'une nouvelle loi faisant de l'esclavage un crime contre l'humanité, réprimé par des peines allant jusqu'à 20 ans de prison, contre cinq à dix ans auparavant.
AFP
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