Forum social mondial : le Canada ferme ses portes à des représentants du Sud !
La 12e édition du Forum social mondial a montré le fossé qui existe encore entre les pays du nord, particulièrement le Canada et ceux du sud.
Il y a plusieurs conclusions à tirer du Forum social mondial (FSM) tenu à Montréal du 9 au 14 août. La plus évidente est qu’il existe encore une importance distance idéologique entre les pays du nord et ceux du sud. Ce sommet qui était censé réunir ces deux hémisphères dans la poursuite d’objectifs communs semble plutôt avoir montré le désintérêt des pays du dessus de la planète aux problèmes de ceux du dessous. Un des plus grands indicateurs de ce clivage est la participation au Forum. Ce qui est considéré comme le plus grand rassemblement de la société civile pour trouver des solutions aux problèmes modernes n’a attiré à Montréal qu’une très petite partie de la foule qu’elle entraine habituellement. Alors qu’en 2005, il avait attiré plus de 150 000 personnes au Brésil, les organisateurs qui en espéraient 50 000 ont diminué leurs espoirs de moitié et n’avaient que 15 000 inscriptions au début du Forum.
Le deuxième indicateur de cette différence est le manque de courtoisie de certains médias et parti politique canadien. La Coalition Avenir Québec, le Parti conservateur du Canada et la Fédération canadienne des contribuables ont demandé le retrait de tout financement public au FSM en raison de la présence de groupes qu'ils jugeaient antisémites dans cet événement qui comptait environ un millier et demi de conférenciers. Le maire de la municipalité qui recevait ce forum et qui bénéficiait donc de ses retombées économiques, Denis Coderre, a affirmé le 10 août se dissocier de la programmation du Forum qu’il jugeait antisémite et contre Israël. Certains chroniqueurs tel celui du Journal de Montréal, Richard Martineau, ne se sont pas gênés pour médire du FSM. Le 11 août il le décrivait comme un Pow Wow anticapitaliste. "Ce Pow Wow altermondialiste est un véritable souk où se côtoient militants des droits de l’homme et agités du bocal qui croit que le 11 septembre est un complot capitaliste", a-t-il écrit.
Le Canada s’est d’ailleurs révélé pendant ce Forum être peu ouvert aux citoyens du sud. Les actions du gouvernement canadien ont montré qu’il voulait l’apport économique du FSM tout en restant fermé à sa vision idéologique. C’est donc un Forum social aseptisé, partiellement mondial et avec une vision politique amoindrie qui s’est tenu à Montréal. De nombreux participants des pays du tiers-monde n’ont pu avoir de visas des officiels canadiens. Le continent africain a été particulièrement touché par cette fermeture des frontières. Une bonne partie des plus de 200 conférenciers et participants auxquels ont été refusés des visas d’entrées au Canada était des participants africains. Le très sérieux journal de la gauche française L’Humanité décrivait le FSM le 12 août dans un texte de Damien Roustel comme "un Forum mondial sans les voix du Sud" dénonçant le refus du Canada de donner des visas a de très importants représentants et dignitaires africains qui voulaient venir donner des conférences au Forum. "L'absence de près de 230 conférenciers et invités étrangers, quasiment tous originaires du Sud, victimes d'un refus de visa, a relancé la polémique et en partie occulté les débats sur la question du réchauffement climatique, sur les flux migratoires, les inégalités de revenus ou bien encore l'économie solidaire", y a-t-il écrit dans ce journal. "Le message, c'est que l'hémisphère nord, qui est donneur de leçons de démocratie, foule aux pieds ses principes", a affirmé pour sa part l’ancienne ministre malienne Aminata Traoré qui a très mal pris le refus du Canada de lui donner son visa. Des visas ont aussi été refusés à des Latino-Américains, des Congolais, des Boliviens, des Palestiniens et Haïtiens. Une juriste brésilienne qui œuvre au sein d'un réseau de lutte contre les barrages, Thenna Maso, n’a pas eu son visa. Un sénateur malaisien qui proteste contre l'accord de Partenariat transpacifique Charles Santiago ne l’a pas eu non plus. "Ce choix politique déshonore le gouvernement canadien", ont affirmé les organisations Attac Québec et Attac France.
Ce qu’a montré le Forum social mondial à Montréal, ce n’est pas l’essoufflement des altermondialistes, mais leur étouffement par un pays qui se dit leur ami, mais qui dans le fond ne l’est pas vraiment. Le nord s’est bâti depuis plus d’un siècle sur les ressources du sud et entend à ce que cela continue. À voir les résultats de cette 12e édition du FSM à Montréal, il est évident que l’altermondialisme peine à offrir une alternative à la mondialisation. Une des raisons est la confiance que font ses adhérents aux belles promesses de pays comme le Canada dont les paroles sont actuellement de gauche et les actions de droite. Du temps du précédent gouvernement de Stephen Harper qui était de droite, les altermondialistes pouvaient facilement savoir à quel genre de pays ils avaient affaire. Mais depuis l’élection de Justin Trudeau, les belles paroles de gauches d’Ottawa cachent son agenda de droite. De l’ennemi d’en face des altermondialistes, il est devenu le mauvais ami dans leur rang. Ce que Stephen Harper a fait aux sommets sur l’environnement, Trudeau vient de le faire au FSM.
Michel Gourd
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