"L'arabo-islamisme de l'imposture", de Aumer U Lamara, publié chez Achab

La couverture de l'ouvrage.
La couverture de l'ouvrage.

Dans ce pamphlet, le romancier d’expression amazigh Aumer U Lamara dissèque les ressorts de l’idéologie arabo-islamique et faire remonter l’aiguille de l’histoire jusqu’à l’origine.

Sorti en plein été, ce livre est un vrai brûlot. Une charge sans concession contre cette "idéologie" dont le pouvoir et ses nombreux relais font une identité de substitution en Algérie. Dès l’incipit de l’ouvrage, l’auteur montre son refus du fait accompli imposé par les tenants de cette idéologie parce «tant qu'il y a des Hommes qui luttent, des peuples unis ou ennemis, ils peuvent à tout moment changer le cours des choses et tracer la voie qui correspond à leurs intérêts. L'histoire est vivante, mouvante, comme le sont les humains, précise-t-il dans la préface. Ajoutant de suite que "ceux qui se sont mis à claironner et déclarer “la fin de l'histoire” ne sont en fait que ceux-là même qui souhaitent que la situation reste telle quelle, comme elle convient à leurs intérêts". Le décor est planté. "Comment peut-on fermer la porte derrière soi, arrêter le cours de l'histoire, et ôter toute initiative de changement aux générations futures ?", s’interroge Aumer U Lamara. Aussi il appelle à une remise en marche du peuple opprimé auquel il appartient.

Aussi, il estime que "le premier geste du révolté qui se soulève pour se libérer du joug et des liens qui l'oppriment, dans son époque, commencera par dénoncer cet état de fait qui le maintient depuis des décennies ou même des siècles, et le rejeter. C'est la seule voie possible. Il commencera par se secouer, se redresser puis foncera et se libérera des liens pour courir vers la liberté."

Le propos est empreint d’espoir, car les peuples sont imprévisibles et les révoltes les plus profondes sont d’abord souterraines avant de monter en surface pour balayer l’oppression.

"Un jour que personne n'attendait, soufflera alors le vent de la liberté, et ce peuple défaira les liens faits d'impostures qui l'attachaient, foncera de toute son énergie et détruira les fondements de son oppression et de ses oppresseurs (tigejda-nni yebnan γeff usekkak)", poursuivra-t-il dans la préface.

L’humain, cette richesse

"De notre point de vue aujourd'hui, ce n'est pas tant la force brute ou la poudre qui constitue cette capacité. La puissance d'un pays se trouve dans sa culture, sa maîtrise de la connaissance et de la technologie. Une nation qui tient à sa culture, à sa langue, dispose d'un bien, d'une puissance que nul autre ne peut lui enlever", écrit Aumer U Lamara.

L’auteur donne une esquisse du processus de révolte et rappelle combien l’histoire est capitale dans la mécanique qui conduit l’homme à sa liberté. "L'homme révolté, esclave parmi les esclaves, commencera par regarder vers son passé, ses origines, et il questionnera alors son histoire. Puis il fera tout pour revaloriser ses origines, en tirer fierté et légitimité afin de répondre et affronter son oppresseur", constate dans sa préface l'auteur.

L’auteur ne va pas par quatre chemins, expliquant que sa volonté n’est pas seulement de comprendre cette idéologie mortifère qui a fait de Tamazgha, ce qu’elle ne devait être. "Dès le départ, nous visons, sans détours, la fin de cette idéologie, en participant à une tiwizi qui assèchera ses fondements pour la faire disparaitre de notre paysage."

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Aumer U Lamara n’est pas un illuminé, mais un scientifique épris de son identité amazighe. Un homme qui consacre toute son énergie à l’écriture en tamazight. Aussi, en esprit cartésien il souligne que «pour tout problème, la solution est souvent atteignable lorsque tous les concernés se concertent, ensemble, pour aller jusqu'à la source du problème, suivre le cheminement de son aggravation qui l'a rendu visible aux yeux de tous".

Il est entendu comme précisé par l’auteur, le livre "L'arabo-islamisme de l'imposture" n’a pas pour objet la religion. Mais prévient-il, "il n'y a pas de religion là où les Hommes ne vivent pas. En toute époque, ce sont les Hommes qui ont véhiculé les religions. Si une religion était au départ une idée, une voie, parfois un message écrit, en fin de compte ce sont les Hommes qui l'adoptent et se l'approprient qui deviennent sa voix, sa puissance". De juste, il observe que "l'histoire de chaque religion dans le monde est intimement liée aux peuples qui l'ont adoptée et propagée".

Puis d’entrer dans l’histoire pour donner d’abord un premier éclairage de ce qu’est l’ensemble de l’ouvrage. "La pénétration de la religion musulmane en Tamazgha (670 – 711), n'était pas un voyage d'agrément pour les cavaliers et ils n'étaient pas reçus avec des youyous. L'invasion s'étendit sur plus de 50 ans de guerre entre les Imazighen et les cavaliers de Okba Ibn Nafaâ. Des villages, des fermes furent rasés, il y eut des milliers de morts et de prisonniers vendus comme esclaves. Deux siècles plus tard, vers 912, toutes les armés arabes avaient quitté Tamazgha et toutes les régions étaient alors dirigées par des sultans autochtones."

Le livre est bâti en six chapitres.

Chapitre 1 : "De ce côté-ci la culture, de l'autre la sauvagerie" (akka d idles, akkin d tijjehli), interpelle sur la frontière établie, par calcul, par les adeptes de l'arabo-islamisme. Une forme de big bang bis, entre la période islamique de Tamazgha et avant, dénommée ''el jahiliyya'', la non-histoire, ou encore la non-culture. 200 000 ans d'histoire de l'Humanité effacés d'un trait.

Chapitre 2 : La patrie ou la oumma (tammurt neγ lumma), porte un regard sur l'immense imposture, non dite, dans lequel ''le pays de la oumma des musulmans sera unie… mais le commandement sera en Orient, à la Mecque, Ryad, Koweit City ou Doha». Après la mise à nu de l'imposture, il était nécessaire de renforcer l'idée que rien ne peut se faire sur ce qui divise, mais bien sur ce qui unit : la patrie (tawemmatt), avec sa terre, ses frontières, ses lois et la solidarité de ses enfants. La seule muraille indestructible (d agadir ur irettem yiwen).

Chapitre 3 : "Parole de l'humain, parole de Dieu" (awal n umdan, awal n Rebbi). Dans la culture amazigh, la parole est au centre de tout, au-dessus de tout, le coeur du sens ; c'est l'appel pour tiwizi, la complainte du poète, le rêve des hommes libres, le regard vers l'immensité de l'inconnu, là où préside le Grand Roi, Agellid Ameqqran. Nous trouvons, au fond, que l'homme, comme Dieu, qui ''se nomme lui-même'' (Rebbi igan isem i yiman-is), leur parole est unie, confondue, et ne fait qu'une, c'est la voix de l'humanité, là où il n'y a nulle frontière…

chapitre 4 : L'arabo-islamisme en Tamazgha, reconstitue le fil conducteur de la naissance de cette idéologie, ses fondements, ses agents, les impostures multiples pour détourner l'histoire de Tamazgha et agir en sous-traitant de la colonisation française et du nationalisme arabe.

Chapitre 5 : L'arabo-islamisme depuis 1962, fait le bilan des déviations du mouvement national depuis le PPA bien avant 1948, l'alignement sur le nationisme arabe avec le couple Nasser-Ben Bella, l'enterrement de la culture amazigh au 1er festival panafricain, la politique d'arabisation de l'École algérienne, la préparation du terrain pour l'islamisme politique et la vassalisation de notre pays.

Chapitre 6 : La voie de Tamazgha (Asalu n Tamazgha), après la mise à nu de l'imposture de l'arabo-islamisme sous toutes ses formes, pour pouvoir s'en affranchir, propose quelques pistes pour l'avènement d'une Tamazgha libre.

C.P.

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Commentaires (4) | Réagir ?

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algerie

merci bien pour les informations

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elvez Elbaz

Les Arabes se sont acharnés sur l’Afrique du Nord

« l’Ifrîkiya et le Maghreb souffrent encore des dévastations commises par les Arabes. Au cinquième siècle de l’hégire, les Beni-Hilal et les Soleïm y firent irruption, et, pendant trois siècles et demi, ils ont continué à s’acharner sur ces pays […] Avant cette invasion, toute la région qui s’étend depuis le pays des Noirs jusqu’à la Méditerranée était bien habitée : les traces d’une ancienne civilisation, les débris de monuments et d’édifices, les ruines de villes et de villages sont là pour l’attester. » Ibn Khaldoun, « Les Prolégomènes – Tome I »

-Destruction de la bibliothèque d’Alexandrie

Ibn Khaldoun impute la destruction de la bibliothèque au calife Omar qui aurait donné en 642 l’ordre de détruire la bibliothèque à son chef militaire ’Amr Ibn al-’As.

« Que sont devenues les sciences des Perses dont les écrits, à l’époque de la conquête, furent anéantis par ordre d’Omar ? Où sont les sciences des Chaldéens, des Assyriens, des habitants de Babylone ? […] Où sont les sciences qui, plus anciennement, ont régné chez les Coptes ? Il est une seule nation, celle des Grecs, dont nous possédons exclusivement les productions scientifiques, et cela grâce aux soins que prit El-Mamoun de faire traduire ces ouvrages. […] Les musulmans, lors de la conquête de la Perse, trouvèrent dans ce pays, une quantité innombrable de livres et de recueils scientifiques et [leur général] Saad ibn Abi Oueccas demanda par écrit au khalife Omar ibn al-Khattab s’il lui serait permis de les distribuer aux vrais croyants avec le reste du butin. Omar lui répondit en ces termes : « Jette-les à l’eau ; s’ils renferment ce qui peut guider vers la vérité, nous tenons d’Allah ce qui nous y guide encore mieux ; s’ils renferment des tromperies ; nous en serons débarrassés, grâce à Allah ! » En conséquence de cet ordre, on jeta les livres à l’eau et dans le feu, et dès lors les sciences des Perses disparurent.

Les Prolégomènes, 3e partie, éd. Quatremère, trad. de Slane, p. 89-90 et 125.

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