Face à la Turquie, l'UE dans une posture délicate
Le chantage Turc au déferlement des réfugiés en direction de l'Europe donne des résultats probants. A ce jeu de dupe, il est encore tôt pour pronostiquer les positions finales auxquelles aboutiront les uns et les autres.
L'Autriche souhaite que l'UE mette fin au processus d'adhésion de la Turquie
L'Autriche estime que l'Union européenne devrait mettre un terme aux négociations d'adhésion de la Turquie qui ne sont plus qu'une fiction en l'état actuel des choses, selon le chancelier autrichien Christian Kern.
Nous devons faire face à la réalité: les négociations d'adhésion ne sont plus que de la fiction, a déclaré mercredi soir M. Kern aux médias autrichiens, ajoutant que les normes démocratiques turques sont loin d'être suffisantes pour justifier son adhésion.
Il a ajouté qu'il voulait un débat sur le sujet lors du Conseil européen prévu le 16 septembre.
Dans une interview publiée jeudi par l'agence autrichienne APA, le ministre autrichien de la Défense Hans-Peter Doskozil a été plus loin que le chancelier: Le temps est venu (...) de dire clairement que les négociations avec la Turquie doivent être suspendues ou s'arrêter, a-t-il dit, en comparant le régime turc actuel à une dictature.
Le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE traverse une passe particulièrement difficile depuis que le président turc Recep Tayyip Erdogan a suggéré de rétablir de la peine de mort dans le cadre de la répression du putsch raté du 15 juillet.
La Turquie reste un partenaire important dans les questions de sécurité et d'intégration, a aussi affirmé Christian Kern, soulignant le rôle clé de la Turquie dans la crise des migrants.
La réaction Turque : "Le Premier ministre autrichien a des propos proches de ceux de l'extrême droite"
Omer Celik a insisté sur le fait que les mesures prises contre les putschistes et les membres de FETO se font dans le cadre du droit et de la justice et formulé l’idée que désormais il est nécessaire de redéfinir les liens entre la Turquie et l’Europe
Le ministre turc des Affaires européennes, Omer Celik, a qualifié de «politique très proche de celle de l’extrême droite» la volonté exprimée par le Premier ministre autrichien Christian Kern de lancer une procédure pour mettre fin aux négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne (UE).
Celik s’est adressé aux journalistes, jeudi, juste avant son entretien avec le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjorn Jagland, en visite officielle à Ankara.
«Nos pays amis et alliés européens ont condamné la tentative de coup d’Etat mais juste après ils ont lancé de nombreuses critiques relatives à nos mesures contre l’organisation terroriste FETO. La Turquie ne mérite pas cela. Aujourd’hui, le premier ministre d’un pays membre parle de lancer un processus pour mettre fin aux négociations d’adhésion [de la Turquie à l'UE]. Il aurait même affirmé que ces négociations sont en réalité une mise en scène diplomatique. Il est très gênant de constater de telles positions très proches des politiques de l’extrême droite», a-t-il dit.
Celik a affirmé que la Turquie mérite au contraire plus de soutien et de solidarité pour son combat pour la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit.
«Le peuple turc a fait preuve d’un grand attachement aux valeurs démocratiques. Il doit être applaudi pour ça. Évidemment il peut y avoir des critiques. Mais il faut savoir faire la différence entre la critique et l’hostilité à la Turquie», a-t-il encore dit.
Le ministre turc a insisté sur le fait que les mesures prises contre les putschistes et les membres de FETO se font dans le cadre du droit et de la justice, exprimant l’idée que désormais il est nécessaire de redéfinir les liens entre la Turquie et l’Europe.
«La Convention Européenne des Droits de l’Homme, les normes de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et les valeurs du Conseil de l’Europe (COE) restent des références pour la Turquie. Nous allons renforcer les valeurs que nous partageons avec le COE, car la meilleure solution et le meilleur remède contre les coups d’Etat sont la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit. Le peuple turc a justement montré son attachement à toutes ces valeurs», a-t-il poursuivi.
Celik a terminé ses propos en remerciant une nouvelle fois Jagland pour son soutien au peuple turc dans ce contexte.
Conseil de l'Europe : Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe approuve le nettoyage post-coup d'Etat en Turquie
Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe Thorbjorn Jagland avait reconnu mercredi en Turquie le besoin de nettoyer les institutions de ce pays après la tentative de coup d'Etat.
M. Jagland a été le premier responsable européen à apporter son soutien à Ankara dans la vaste purge en cours. Il a toutefois rappelé la nécessité de respecter l'Etat de droit, alors qu'a lieu une traque implacable des sympathisants du prédicateur Fethullah Gülen, en exil aux Etats-Unis, accusé d'être derrière le putsch avorté.
Je voudrais dire qu'il y a eu trop peu de compréhension de la part de l'Europe au sujet des défis que cela (le putsch raté) a créés pour les institutions démocratiques et l'Etat (en) Turquie, a dit le secrétaire général du Conseil de l'Europe après une rencontre avec le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu.
Les critiques ont plu en Europe concernant l'ampleur de cette purge menée tambour battant en Turquie, qui a laminé l'armée, la justice, l'éducation et la presse.
Je reconnais que bien sûr il était nécessaire de lutter contre ceux qui étaient derrière ce coup d'Etat raté et aussi ce réseau secret, qui a infiltré les institutions de l'Etat, l'armée et aussi la justice, a dit M. Jagland, au sujet des sympathisants de M. Gülen.
Nous avions été informés de cela (les réseaux de Gülen) depuis très longtemps. Donc bien sûr nous voyons le besoin de nettoyer tout cela, a dit M. Jagland, avant ses rencontres avec le président Recep Tayyip Erdogan puis le Premier ministre Binali Yildirim.
Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a aussi déclaré être «venu en Turquie pour apporter [son] soutien aux institutions démocratiques de la Turquie après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet. [Qu'il] voudrais mieux comprendre le processus en cours et apporter [son] soutien à la Turquie».
«Ce soir-là [du 15 juillet], il n’a pas été difficile pour moi de tout de suite prendre position pour condamner le coup d’Etat. J’ai tout de suite compris ce qu’il se passait et avant le milieu de la nuit je me suis exprimé. Car il n’y a pas de place pour un coup d’Etat sur le continent européen. Si la tentative avait abouti, nous aurions été obligés de tout de suite suspendre la Turquie du Conseil de l’Europe, car en Europe vous ne pouvez pas prendre le pouvoir par les armes, mais seulement par le vote», a-t-il ajouté.
Jagland a par ailleurs souligné l’importance de la poursuite de ce processus en Turquie dans le respect des droits de l’homme et de la justice, et s’est déclaré heureux de se trouver à Ankara et au Parlement turc, qualifiant ses échanges de très constructifs
Mais il est aussi très important que cela soit fait en conformité avec l'Etat de droit et les normes de la convention européenne des droits de l'homme, a-t-il ajouté.
Celle-ci mentionne des principes très importants selon lesquels toute personne est innocente tant que sa culpabilité n'a pas été prouvée, a-t-il souligné.
M. Jagland s'est félicité du fait que le gouvernement turc ait accepté de travailler avec des experts du Conseil de l'Europe pour que ceci se passe convenablement, au sujet de la période post-coup d'Etat lors de laquelle la Turquie vit sous l'Etat d'urgence pendant trois mois.
Comme l'avait fait la France après les attentats de novembre 2015, la Turquie avait annoncé qu'elle allait déroger à la Convention européenne des droits de l'homme, ce qui la prémunit, dans certaines limites, de poursuites.
Elle est membre depuis 1949 du Conseil de l'Europe, qui réunit 47 pays et dont la mission principale est la défense des droits de l'homme et de l'Etat de droit.
UE : Juncker défend les négociations après une passe d'armes entre Vienne et Ankara
Rompre les négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne serait une grave erreur, a jugé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker après un appel en ce sens de l'Autriche qui a attisé les tensions avec Ankara.
En ce moment, si l'on donnait l'impression à la Turquie que, quelle que soit la situation, l'Union européenne n'est pas prête à accepter en son sein la Turquie, ce serait selon moi une grave erreur de politique étrangère, a-t-il dit à la chaîne ARD dans un entretien qui doit être diffusé dimanche et dont des extraits ont été publiés dès jeudi.
Je ne vois pas ce que cela apporterait si nous signifions unilatéralement à la Turquie que les négociations sont terminées, a-t-il insisté.
Mais M. Juncker a aussi relevé que la Turquie était très loin de pouvoir prétendre à l'intégration européenne, en particulier du fait de la répression engagée après le putsch raté du 15 juillet.
La Turquie dans son état actuel ne peut pas devenir membre de l'Union européenne, en particulier si elle fait ce que certains réclament à savoir le rétablissement de la peine de mort. Cela aurait pour conséquence la rupture immédiate des négociations, a-t-il souligné.
En mars, Ankara et l'UE ont signé un pacte destiné à tarir les traversées de migrants des côtes turques vers les îles grecques et qui permet le renvoi en Turquie des migrants, en échange de contreparties politiques et financières, dont l'accélération des négociations d'adhésion.
Cet accord est cependant à la merci de relations toujours plus tendues. Les autorités turques ont notamment menacé de rompre ce pacte si l'UE ne lui accordait pas d'ici octobre une exemption de visa, mais celle-ci ne peut intervenir que si Ankara assouplit sa loi antiterroriste ce que le pouvoir turc refuse.
Les conditions sont les conditions. Nous ne pouvons pas nous écarter de notre position sur les droits de l'homme et la loi antiterroriste. Une loi antiterroriste ne doit pas être utilisé pour mettre des journalistes, des professeurs et d'autres gens en prison, a répété M. Juncker à ARD.
Erdogan : L'État coupera tout lien financier de FETO avec le monde des affaires en Turquie
De son côté le président turc Recep Tayyip Erdogan avait déjà lancé une violente charge contre les Occidentaux mercredi, les accusant de soutenir le terrorisme et les putschistes qui ont failli le renverser.
Le président turc a rappelé que les dernières manifestations de démocratie contre la tentative de coup d'État seront observées dimanche 7 août à Istanbul
L'État turc est déterminé à couper tout lien financier de l'organisation terroriste FETO avec le monde des affaires en Turquie, a déclaré le président de la République, Recep Tayyip Erdogan.
Le chef d'État a prononcé un discours durant une réunion de Consultation avec les présidents des Chambres et Bourses, jeudi au palais présidentiel à Ankara.
Il a abordé la situation après la tentative de coup d'État du 15 juillet, menée par les membres du FETO qui se sont infiltrés dans les Forces armées du pays.
Le président a dit que les gardes à vue dans le cadre de l'enquête sur la tentative de coup d'État, ne sont que la partie visible de l'iceberg.
«Le FETO a aussi une branche dans le monde des affaires, peut être même la plus solide. Nous sommes déterminés à couper tous les liens de cette organisation avec le monde des affaires» , a affirmé Erdogan.
Il a par ailleurs mis en garde contre la «perversité religieuse et nationale» de l'organisation terroriste, présente dans 160 pays, et contre ses velléités à développer des activités illégales [pour s'infiltrer dans l'administration de ces pays], y compris aux États-Unis d'Amérique, où le dirigeant du FETO, Fetullah Gulen, est en exil volontaire.
Toutes les écoles, centres d'études et maisons d'accueil de cette organisation (FETO) sont «des nids de terrorisme», a ajouté Erdogan, précisant que toutes leurs entreprises, associations et fondations sont des organisations terroristes.
Erdogan a rappelé que les dernières manifestations de démocratie conte la tentative de coup d'État seront organisées dimanche 7 août à Istanbul.
Dans ce cadre, il a exprimé son souhait de voir le président du Parti républicain du peuple (CHP – opposition), Kemal Kilicdaroglu, participer en personne aux manifestations du 7 août.
Le président du Parti d'Action nationaliste (MHP, opposition), Devlet Bahceli avait répondu positivement à l'invitation d'Erdogan, déclarant qu'il se rendra à la place Yenikapi où se dérouleront les manifestations.
Des membres du FETO dirigée par Gulen, infiltrés dans l'Armée turque, ont tenté un putsch militaire le 15 juillet.
Les autorités turques ont appelé le peuple à descendre dans la rue pour manifester contre le soulèvement. Les putschistes ont tiré sur les manifestants dans plusieurs lieux, notamment sur le pont du Bosphore à Istanbul.
L'UE piégée, par la Turquie ou par elle-même ?
En mars, La Turquie et l'UE ont signé un pacte destiné à tarir les traversées de migrants des côtes turques vers les îles grecques, et qui permet le renvoi en Turquie des migrants, en échange de contreparties politiques et financières, dont l'accélération des négociations d'adhésion. L'on comprend donc que l'UE se trouve dans une situation pour le moins délicates de celles qui vous mènent à l'affrontement et au déshonneur.
Synthèse Aghiles Saadhi
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merci pour l'information et le partage