Jeux olympiques : moins de corruption, de dopage et moins de propagande nationaliste !
L’idéal olympique est actuellement fortement affaibli par l’intérêt qu’ont les pays à prendre le crédit des performances des membres leur délégation. Remettre les athlètes au cœur des Jeux olympiques pourrait-il revigorer l’idéal de l’amateurisme pur que voulait promouvoir Pierre de Coubertin ?
Alors que les Jeux olympiques de Rio vont commencer, les accusations de dopage des athlètes, de corruption des administrateurs et les manœuvres politiques dans le CIO font la une des médias de la planète entière. Cette série sans fin de situations scandaleuses à corriger dans toute la structure olympique est actuellement vue comme un important problème à résoudre pour avoir des jeux propres et honnêtes. Elle peut cependant aussi être considérée comme le symptôme d’un problème fondamental qui ronge tout le processus de production des Jeux olympiques modernes. Un grand scientifique, Albert Einstein, a dit un jour que le nationalisme est une maladie infantile des civilisations. Il le voyait comme la rougeole de l'humanité. En utilisant cette comparaison, les Jeux olympiques pourraient actuellement être placés parmi les vecteurs les plus puissants de cette maladie contagieuse.
Une puissante machine de propagande
Si la politique a toujours fait partie des Jeux olympiques, ceux d’Adolf Hitler de 1936 à Berlin ont montré qu’on pouvait en faire une puissante machine de propagande. Le régime nazi qui hérite de ces jeux donnés la République de Weimar s’en sert pour désamorcer l’inquiétude grandissante de plusieurs pays qui voient la mise en place de mesures discriminatoires envers les opposants politiques à Hitler. Il fait taire les appels au boycottage en faisant de ces jeux olympiques une campagne de propagande utilisant les meilleures techniques de manipulation de l’époque. Hitler vante la tradition d’hospitalité de l’Allemagne, suspend la répression et refait une beauté à la ville et au pays. Le stratagème fonctionne si bien que l’Europe baisse sa garde et se retrouve trois ans plus tard au centre de la Deuxième Guerre mondiale.
Tous les pays de la planète ont compris le message. Ils peuvent utiliser les Jeux olympiques pour faire passer leurs visions du monde. Ces jeux sont donc devenus au fil des ans des outils pour faire valoir les intérêts des nations. La Suisse, les Pays-Bas et l'Espagne les ont boycottés en 1956 pour manifester leur désaccord avec la répression soviétique en Hongrie. L’Irak, l'Italie, l'Égypte et le Liban n’y ont pas participé cette année-là à cause de la crise de Suez. De nombreux pays africains ont aussi boycotté les Jeux en 1968, 1972 et 1976 pour protester contre le régime d'apartheid sud-africain. Les États-Unis faisaient partie de 65 pays qui ont aussi décidé de ne pas participer aux Jeux de Moscou en 1980 pour dénoncer l’intervention soviétique en Afghanistan. Les Soviétiques ont retourné la faveur en 1984 en se retirant avec 14 autres pays des Jeux de Los Angeles. Dans toutes ces actions, le bien-être et les besoins des athlètes amateurs des pays contestataires ont passé en deuxième, derrière ceux de leurs pays. Ils n’ont pas pu participer à ces jeux olympiques même s’ils s’étaient entrainés intensivement pendant quatre ans pour le faire.
Des olympiques vulnérables aux pays
C’est sous l’autorité suprême du CIO que le Mouvement olympique a adapté ces Jeux aux besoins des États modernes. Les nombreux rituels et symboles aux cérémonies d’ouverture et de clôture laissent actuellement une grande place pour la valorisation des égos nationaux alors que ce devrait être ceux des athlètes amateurs qui sont supposés être mis en valeur. Le CIO a progressivement cédé au professionnalisme et au mercantilisme éloignant les jeux de l’amateurisme pur que voulait Pierre de Coubertin. Ceux qui seront présentés à Rio dans quelques jours sont donc très loin du projet conçu en 1894. L’Olympisme n’est plus une philosophie de vie exaltante et équilibrée fondée sur la joie dans l’effort qui met le sport au service du développement harmonieux de l’humanité. Il ne fait plus la promotion d’une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine. En 2016, les Jeux olympiques sont un spectacle et une marchandise monnayable en fonction des besoins des commanditaires.
C’est donc la structure même des jeux olympiques qui les rendent vulnérables aux nations qui veulent s’en servir pour leurs propres fins. La corruption est aussi devenue une manière comme une autre pour infléchir la structure olympique aux besoins de certaines nations. Cette vulnérabilité du CIO aux puissants intérêts nationaux a été remarquée plusieurs fois dans le passé. Révélé en 1998, le scandale des pots de vin donné par le comité d’organisation des jeux de Salt Lake City à plusieurs membres du CIO pour s’assurer de leurs votes montre que les Russes ne sont pas les seules a triché aux olympiques. En fait, sous les directions d’Avery Brundage et Juan Antonio Samaranch, cette organisation intraitable qui a plusieurs de ses membres élus à vie, a été accusée de corruption, de népotisme et de racisme. Actuellement le CIO retire des revenus en droits télévisés qui se comptent en milliards de dollars. À cela s’ajoutent ceux tirés du programme de sponsorship TOP et diverse licence et produit dériver. L’organisme qui est censé faire la promotion du sport amateur a donc vu passer entre ses mains au fil des ans des dizaines de milliards de dollars. Selon les règles actuelles, il garde 10 % de ces revenus et en redistribuer le reste aux comités nationaux olympiques, aux fédérations sportives internationales et au Comité d'Organisation des Jeux olympiques (COJO) du pays hôte. Tous ces organismes sont aussi perméables aux divers intérêts politiques des pays dans lesquels ils évoluent.
Des cobayes olympiques
Comme les nations se servent des performances de leurs athlètes pour leurs propres intérêts, plusieurs n’ont donc pas hésité à utiliser des méthodes qui transforment ces athlètes en machines à récolter des médailles. Ceux-ci sont devenus des cobayes qui utilisent les plus récentes technologies de leurs pays pour gagner la fraction de seconde où le centimètre qui peut faire la différence entre une première et une quatrième place. Le très accablant rapport de Richard McLaren sur le dopage étatisé en Russie montre bien cette situation.
L’athlète olympique est un cobaye pour les toutes dernières technologies de la haute performance et cela souvent aux dépens mêmes de sa santé future. Il n’y a pas que le dopage qui est utilisé pour augmenter la performance des athlètes. Des armées de chercheurs en physiologies, en psychiatrie, en chimie et en biologie aident les athlètes des pays les plus riches. À quelques exceptions près, il y a donc une forte corrélation entre le niveau de développement des pays et le nombre de médailles qu’ils récoltent. Plus un pays est technologiquement développé, plus il aura de médailles. Le meilleur exemple du pouvoir de l’argent pour améliorer les résultats des athlètes est que la première puissance du monde, les États-Unis, est aussi de loin le pays qui a le plus de médailles olympiques. Les Russes ne font donc que jouer à leur manière dans cette lutte entre les nations qui est maintenant omniprésente aux Jeux olympiques.
Il est décourageant de voir de grands médias internationaux éluder complètement cette dimension politique des jeux dans leur condamnation du programme de dopage des Russes. La route de Rio est donc barrée aux athlètes des pays sous-développés qui utilisent les vieilles techniques de dopage. Cependant, parmi les gagnants se trouveront dissimulés ceux qui utilisent les nouvelles. Il est particulièrement troublant d’entendre des individus qui se disent raisonnables demander une punition collective contre les athlètes russes sans égard à leur culpabilité. Ce n’est pourtant pas le seul pays ou les athlètes sont encouragés à faire tout ce qui est nécessaire pour améliorer leur performance et gagner les précieuses médailles qui seront cumulées par pays dans le tableau final de ces jeux. En faisant passer l’intérêt des nations avant ceux des athlètes amateurs ils font triompher la propagande sur l’humanisme et même sur les droits de la personne.
Remettre l’athlète amateur au centre des jeux
En faisant planer un espoir de gloire pour les athlètes amateurs, un système entier s’enrichit actuellement sur leur dos. Il leur prend non seulement leur santé, mais aussi une bonne partie des bénéfices financiers de leur performance. Les pays se mettent en vedette et l’argent tiré de la présentation des exploits des athlètes amateurs s’accumule dans les poches d’intermédiaires corrompus qui vivent littéralement comme des parasites sur leur dos. Des athlètes qui dévient des demandes nationales ont donc été obligés d’utiliser des plateformes de type crowdfunding Sponsorise.me pour financer une partie de leur préparation aux Jeux olympiques de Rio 2016. L’athlète est devenu un outil de la technologie, une coquille vide qui sera laissée tombée aussi tôt qu’il sera usé ou déclassée. Ce qui compte, c’est le nouveau produit qui incorporera les meilleurs systèmes de développements intégrant des composantes technologiques, psychologiques biologiques et chimiques. Le Canadien Ben Johnson, l’américain C.J. Hunter, l'Espagnol Johann Mühlegg, les sprinteurs grecs Kenteris et Thanou, le coureur cycliste Tyler Hamilton, Rashid Ramzi du Bahreïn, l'Italien Davide Rebellin et des dizaines d’autres ont payés de leur personne d’avoir cru les rêves que leurs ont vendu leurs gouvernements.
Qu’ils soient intègres ou pas, les athlètes amateurs sont donc actuellement exploités sous presque toutes les formes possibles aux Jeux olympiques. C’est une exploitation qu’ils acceptent en espérant la gloire, mais qui voisine l’esclavagisme dans plusieurs situations. Les membres du CIO ont une responsabilité dans la mise sur pied de cette machine à créer de la gloire pour les pays et de la misère humaine pour les participants. Pourraient-ils s’entendre pour remettre la priorité sur la promotion de l’amateurisme pur que voulait Pierre de Coubertin? L’élimination de tous symboles nationaux qui lient les performances des athlètes à leur pays pourrait être une des choses à faire à court terme pour y parvenir. Quand les pays n’auront plus d’intérêt à «aider» leurs athlètes à gagner des médailles, la corruption et le dopage pourront reprendre des dimensions individuelles qui seront plus facilement contrôlables.
Michel Gourd
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merci bien
merci bien pour les informations