Bouteflika, caudilllo d'une époque incertaine

Bouteflika, caudilllo d'une époque incertaine

Par Hassane Zerrouky

Liamine Zeroual, dont l'absence à la cérémonie du 1er novembre à laquelle assistaient les ex-présidents Ben Bella, Chadli Bendjedid et Ali Kafi, a été remarquée, avait voulu sa Constitution. En 1996, il avait donc proposé des amendements constitutionnels entérinés par un référendum boycotté par l’opposition démocratique. Toutefois, à la différence d’Abdelaziz Bouteflika, Liamine Zeroual avait au moins mis les formes: le projet de révision constitutionnelle avait été soumis à tous les partis politiques et acteurs de la société civile (associations de femmes, de victimes du terrorisme et ONG). Ensuite, ce projet de texte avait été discuté âprement au sein des commissions auxquelles participaient ces partis, et ce, avant qu'il ne soit adopté dans le cadre d'une conférence du dialogue national en août 1996. Et quoi qu'on en pense aujourd‘hui - la presse s'en était faite l'écho - les Algériens savaient ce que les partis politiques avaient défendu dans le cadre de ces commissions. Il y avait, du moins, une certaine transparence.

Bien sûr, le système avait fini par avoir le dernier mot puisqu‘il a réussi à faire adopter une Constitution qui ne satisfaisait pas les démocrates.

Pour aller vite (cela demande de longs développements), la conférence du dialogue national, boycottée par l'opposition démocratique, a adopté un texte ( l'actuel) qui traduisait l'état du rapport des forces de l'époque entre principalement trois courants : d'une part, celui qui refusait tout compromis avec les islamistes, celui qui estimait au contraire un compromis nécessaire avec à la clé une intégration des islamiste au jeu politique y compris l'ex-FIS et, enfin, un troisième courant qui prônait une ligne médiane, à savoir, éradiquer militairement les islamistes armés laissant la porte ouverte au dialogue mais excluant tout retour de l'ex-FIS sur la scène politique et, à la condition qu'ils renoncent à l'Etat islamique. Liamine Zeroual, qui avait alors déclaré que « le dossier de l'ex-FIS est clos » faisait l'arbitre entre ces trois courants. Il faut convenir que dans le jeu complexe des luttes au sein du pouvoir, dans un contexte où en raison de l’exacerbation du terrorisme les partis démocrates étaient socialement insuffisamment ancrés, c'est le courant partisan d'une intégration politique des islamistes, y compris en leur cédant des espaces politiques qu'ils avaient perdu, qui l'a finalement emporté sur les deux autres. C'est ce troisième courant qui a permis l'élection de Bouteflika en 1999.

S'agissant du projet de révision constitutionnelle actuel, Abdelaziz Bouteflika ne prend même pas de gants pour modifier selon ses convenances le texte de loi fondamentale. Il a décidé d'ignorer les partis politiques ou ce qu'il en reste, estimant sans doute que ceux-ci étant représentés à l'APN, cette dernière est apte à faire adopter les amendements constitutionnels. Or, comme on l'a si souvent écrit et réécrit, cette Assemblée nationale, élue par moins de 35% des électeurs - le taux d'abstention ayant dépassé les 65% selon des chiffres officiels (c'est dire) - n'est pas représentative. Rapporté au nombre d'inscrits, les députés du FLN, parti majoritaire, n'ont été élus que par 8% des électeurs. L'Alliance présidentielle (FLN, RND et MSP), qui détient la majorité à l’APN, a totalisé quant à elle moins de 13% de voix (2,3 millions de voix) ! Cela se passe de commentaire !

C'est donc un Parlement souffrant d'un fort déficit de légitimité politique qui va voter les amendements constitutionnels ouvrant la voie à un troisième mandat pour l'actuel locataire du palais de Mouradia ! Car la révision constitutionnelle passera sans coup férir comme une lettre à la poste.

Ajoutons pour terminer le tableau, que cette révision intervient dans un climat socio-politique lourd marqué par deux faits essentiels. D'abord, une reprise des conflits sociaux et des émeutes sociales consécutifs à un taux de chômage élevé et à une pauvreté qui touche, selon des indications officielles, entre 15 et 20% de la population: à ce titre, le phénomène des haragas reste l'un des indicateurs les plus fiables du degré de désespérance sociale des jeunes Algériens. Et ce, dans une conjoncture caractérisée par une chute du prix du baril en dessous de 70 dollars contre 140 dollars ces derniers mois. Ce qui fait que l'avenir s'annonce incertain : tous les objectifs projetés à court ou moyen terme vont être revus à la baisse. Le pouvoir sera contraint de puiser dans ses réserves de change pour financer des importations en hausse afin de satisfaire des besoins incompressibles ( produits de première nécessité, médicaments, etc). Et dans ces conditions, consacrer trois milliards de dollars à la construction de la mosquée d'Alger alors que le pays va affronter une période difficile rappelant celle de 1986 (chute du baril et fin des investissements productifs), n'est pas très sérieux. Ensuite, il faudra compter avec cette persistance de l'activité terroriste islamiste, d'un islamisme fleurissant sur le terreau de la pauvreté et du chômage, mais se nourrissant surtout du manque de perspectives politiques ! Un exemple de cette absence de perspective ? Quand Abdelaziz Belkhadem promet une révision durant le troisième mandat de Bouteflika (El Khabar du 30 octobre) sous-entendant que la réélection de ce dernier est déjà réglée, n'est rien d'autre que l'expression d'un refus de toute alternance politique au système actuel avec en toile de fond un mépris souverain pour la grande masse des Algériens ! Enfin, cette révision intervient dans un contexte répressif d'atteintes aux libertés d'expression, aux libertés syndicales et de verrouillage du champ médiatique et politique.

Et que dire pour conclure à ceux qui reprochent aux capitales occidentales de fermer les yeux sur ce qui se passe en Algérie ? Ce reproche n'a d'égal que ce discours qui met tous les maux que connaît l'Algérie actuelle sur le compte du colonialisme.

H.Z

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Commentaires (27) | Réagir ?

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Ghanima

La conquête du Far-West, c'était aussi la ruée vers l'or, l'éclosion de fortunes rapides et sauvages, c'était aussi l'époque des bandits de long chemin et dévaliseurs de banques comme Jessie James, Butch Cassidy etc...

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Ghanima

Ali Yahia Abdenour ne s'est pas trompé en déclarant il y a quelques années, à peu prés ceci : " En Algérie, Le pouvoir peut être brigué par les Armes ou par les Urnes " Il y a un puissant lobby islamiste qui s'est reconverti à la pseudo-Démocratie, auquel s'est accoquiné la Famille Révolutionnaire aux ramifications maffieuses qui est derriére cette campagne institutionnelle pour réediter une nouvelle conquête du Far-West avec le Caudillo Providentiel Bouteflika complètement déglingué. Ah ! La belle Affaire !

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