Les plaies de la jeunesse algérienne
"L'harga" (l'immigration clandestine) est presque devenue «un effet de mode» pour nos jeunes, si l'on en croit la multiplication impressionnante au cours de ces récentes années des tentatives risquées de départ vers l'Europe, le nombre de clandestins arrêtés au large des côtes méditerranéennes et d'autres qui sont, malheureusement, morts en pleine mer!
En réalité, le phénomène est effrayant dans la mesure où la majorité de notre jeunesse rêve tant de partir n'importe où et par n'importe quel moyen. Pourvu seulement qu'il fasse un autre jour, meilleur celui-là, sous d'autres cieux. Les raisons pouvant expliquer cet engouement sont variées à vrai dire. D'abord, accros au Net, la parabole et les réseaux sociaux, nos jeunes se projettent vite, naïfs et pleins d'espoir, dans cet ailleurs «mirifique» qui les fascine et leur promet des merveilles. Ensuite, il y a l'appel d'air de notre diaspora qui les trompe par nombre de fausses illusions comme par exemple "l'Europe est un eldorado où l'on peut s'enrichir rapidement" ou "les pays occidentaux sont accueillants, égalitaires, porteurs de bonheur et pourvoyeurs de confort pour tous". Ainsi, cette aventure de la traversée leur semble fort passionnante et les vagues de la Méditerranée s'éloignent de l'image d'épouvante relayée par les médias.
Et puis, nos jeunes rêvent de quitter leur pays parce qu'ils s'ennuient entre les murs de villes mortes et sans perspectives. Des villes qui ne les considèrent point, les négligent, leur volant et leur âge et leur patience, en ronflant de surcroît, vides la nuit, sans mouvement ; sans distraction ; sans ambiance ; sans souffle de joie... Bref, des villes qui respirent sans eux, indifférentes. Nos jeunes citadins ont l'air de porter surs leurs épaules tous les chagrins de la terre. Ils moisissent pour la plupart dans la nudité matérielle, la pauvreté affective, les tabous, la délinquance, l'absence de sens à leur existence, etc. Sans oublier les injures des leurs qui ont le poids de l'éternité et la marque de longues années de soumission. Pour ceux des campagnes, pas de grande différence hélas. L'horizon se limite au village, le point de chute est un café-maure, le centre d'intérêt une partie aux dominos. Les uns comme les autres partagent une seule ambition, partir là où personne des leurs ne les voit, dans un lieu invisible, une métropole européenne située de préférence au fin fond du nord ; anonyme ; bondée de monde ; gorgée de belles surprises ; des opportunités ; des chances ; de l'argent par pelletées...
Partir pour ne plus y revenir, jeter leurs racines derrière le dos, se construire dans un autre moule, un nouvel esprit, des habitudes autres que les leurs. Pas seulement pour ça mais aussi pour travailler, avoir une vie tranquille, des sous dans la poche, ne jamais compter sur autrui pour survivre, ne plus avoir cette honte d'être incapable de se payer un café, des chaussures, des habits... tenir un budget personnel. Partir purée pour espérer une vie digne faite par la sueur, l'effort et le mérite. Enfin, nos jeunes veulent partir là où ils ne se sentent guère envahis par la mauvaise haleine des rentiers aux gros ventres, là où ils peuvent goûter à la félicité sans les germes malsaines de l'hypocrisie ; la médisance; l'indiscrétion, les regards désapprobateurs ; la hogra...
Kamal Guerroua
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