Brexit : l'Europe s'impatiente, le Royaume-Uni plonge dans l'incertitude
Toujours sous le choc du Brexit, le Royaume-Uni se débattait dimanche pour retrouver ses repères entre poussée indépendantiste en Ecosse et ambiance chaotique à Westminster, avant une semaine où les Britanniques devront rendre des comptes à Bruxelles.
"Et maintenant'", titrait le Sunday Times, résumant l'atmosphère de malaise dans laquelle était plongé le pays après un référendum qui a exacerbé les divisions identitaires et politiques, et dopé les ambitions sécessionnistes des nationalistes écossais.
"Le Royaume-Uni pour lequel l'Ecosse a voté pour rester en 2014 n'existe plus", a souligné sur BBC la première ministre de l'Ecosse, Nicola Sturgeon, qui souhaite un nouveau référendum d'indépendance après celui du 18 septembre 2014. Brexit oblige, "le contexte et les circonstances ont complètement changé", a-t-elle insisté en soulignant que les Ecossais avaient, eux, nettement voté (62%) pour rester dans le giron européen.
En première ligne depuis l'annonce des résultats du référendum, la passionaria des indépendantistes peut également se targuer de deux sondages publiés dimanche affirmant qu'une majorité d'Ecossais sont désormais prêts à tenter l'aventure hors du royaume de Sa Majesté. Si la menace d'une dislocation ne suffisait pas, le pays doit aussi composer avec les guerres intestines qui secouent ses deux principaux partis politiques.
Péril au Labour
Accusé de ne pas avoir montré assez d'ardeur pour défendre l'UE, le chef du Labour (opposition) Jeremy Corbyn a dû limoger Hilary Benn, un de ses opposants au sein du parti, avant que plusieurs responsables de son cabinet ne claquent la porte. "C'est un homme bon et honnête mais ce n'est pas un leader", a lâché M. Benn sur la BBC.
Jeremy Corbyn ne quittera pas ses fonctions, a toutefois assuré un de ses lieutenants, John McDonnell, mais une réunion houleuse l'attend lundi, lors de laquelle pourrait être étudiée une motion de défiance à son encontre.
La tempête touche également depuis vendredi le parti conservateur, où la guerre de succession a démarré depuis l'annonce de la démission du Premier ministre conservateur David Cameron, pro-UE.
Selon le journal The Observer, l'ex-maire de Londres et chef de file des pro-Brexit Boris Johnson se prépare à lancer l'offensive sur le parti mais les partisans du Remain (rester) seraient bien décidés à l'arrêter.
Signe d'un Brexit qui a du mal à passer pour une partie des Britanniques, en particulier chez les jeunes, la pétition réclamant l'organisation d'un deuxième référendum dépassait dimanche après-midi les 3,2 millions de signataires, bien que 77.000 signatures frauduleuses aient été supprimées.
En plus de ses affaires internes, le Royaume-Uni doit gérer les demandes pressantes des dirigeants et responsables de l'Union européenne d'accélérer un divorce que David Cameron veut laisser à son successeur le soin de gérer.
Martin Schulz, le président du Parlement européen, a exhorté dimanche M. Cameron à entamer la procédure de sortie de l'UE dès mardi à Bruxelles, où démarre un sommet des chefs d'Etat et de gouvernements européen de deux jours qui s'annonce électrique pour les Britanniques. "Cette attitude d'hésitation, simplement pour faire le jeu tactique des conservateurs britanniques, nous nuit à tous", a-t-il dit dans le journal Bild.
Les quatre plus grandes formations du Parlement européen ont rédigé de leur côté une résolution invitant David Cameron à engager le Brexit dès mardi, rapporte le journal allemand Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung.
"Réinventer l'Europe"
Déjà samedi, les ministres des Affaires étrangères des six pays fondateurs de l'UE avaient pressé Londres de démarrer le processus de sortie "dès que possible". François Hollande a estimé dimanche que la France et l'Allemagne devaient "prendre l'initiative". Le président français sera reçu lundi à Berlin, avec le Premier ministre italien Matteo Renzi, par la chancelière allemande Angela Merkel, qui a adopté un ton plutôt conciliant à l'égard de Londres.
Comme le stipule l'article 50 du traité de Lisbonne qui n'a jamais été utilisé jusqu'ici, pour engager son retrait, le Royaume-Uni doit notifier au Conseil européen composé des chefs d'Etat et de gouvernement, son intention de quitter l'Union.
Vendredi, Boris Johnson avait estimé que la sortie de l'Union européenne devait se faire "sans précipitation" tandis que David Cameron a annoncé qu'il fallait qu'elle attende la nomination de son successeur début octobre.
C'est dans ce contexte délicat que le secrétaire d'Etat américain John Kerry se rendra lundi à Londres. Il a dit que les Etats-Unis auraient souhaité voir le Royaume-Uni "prendre une autre direction", dimanche à Rome.
Sur le plan économique, "il serait stupide de ne pas attendre davantage de volatilité et des marchés déprimés", a estimé dimanche Erik Nielsen, chef économiste chez UniCredit. Dans cette séquence de profond doute pour le Vieux Continent, une trentaine de personnalités de la culture, de la société civile et de la politique ont appelé "réinventer l'Europe" dans une tribune publiée par sept journaux européens.
Les Européens doivent "relever des défis collectifs considérables", écrivent les signataires, parmi lesquels l'ancien commissaire européen et ex-ministre français Michel Barnier, l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères Joschka Fischer et l'écrivain italien Roberto Saviano.
AFP
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merci pourl'info