Colère de Khaled Nezzar : le général amnésique !
Contribution. Et si les généraux algériens étaient irresponsables pénalement car totalement inconscients de leurs actes ? Voilà une réponse à laquelle je n'avais jamais pensé pendant toutes ces années où j'ai rédigé des articles violents envers eux, notamment lors de mon passage à la direction nationale du FFS. Le général Nezzar semble être dans cette zone mentale qui supprime le discernement et donc, la responsabilité pénale.
L'homme ne cesse de s'épancher en plaintes devant les médias à propos de ses anciens petits camarades, parfois devant les tribunaux. Un lieu dont il n'avait pourtant pas conscience de l'existence dans sa carrière. Et d'ailleurs, nous non plus car il ne nous serait jamais venu à l'esprit cette idée folle d'y faire appel contre lui. Un acte totalement saugrenu et inutile lorsqu'on a à faire à celui qui était le maître du monde et, par conséquent, de la magistrature.
Il savait leur existence mais seulement comme organe d'exécution, lorsque ce mot n'était pas signifié au premier degré, c'est à dire au prix de la vie. Les tribunaux étaient réservés aux pauvres bougres, encore vivants, pour se voir prononcer une condamnation expéditive et lourde. Une espèce de secrétariat des affaires courantes au service du pouvoir militaire.
Voila donc un vieil homme brimé par la dictature qui s'insurge aujourd'hui contre les dérives de gens dangereux. Il nous annonce que la république et la démocratie sont en danger et qu'il faut faire face aux tentatives criminelles de ceux qui veulent interdire la parole, intenter aux valeurs du droit et aux libertés fondamentales.
C'est comme si le général Pinochet ou Franco étaient encore vivants et se mettaient soudainement à en appeler au droit et à étaler leur crainte d'une chape de plomb qui s'abattrait sur la société libre de leur pays qu'ils ont, leur vie durant, façonnée et protégée. Nous serions devant un cas de sénilité et, dans n'importe quel droit pénal d'un pays démocratique, il y aurait impossibilité de poursuite judiciaire.
Le pauvre homme !
Le général Nezzar, ce nom, je ne l'ai pas oublié car, pour ma part, je ne suis pas frappé d'amnésie, ou pas encore. C'était lui qui nous faisait face lorsque nous avons essayé d'installer la démocratie. Puissant, sans aucun état d'âme intellectuel, le général savait son immense pouvoir de gérer la peur qui a toujours accompagné les actes de sa corporation.
Il est le symbole même de la menace et de la puissante domination sur l'Algérie. Je ne me souviens pas que le général ait été indigné par l’emprisonnement des démocrates, par la censure de la parole et de la mise sous séquestration de tout ce que l'Algérie comptait comme forces vives et intellectuelles, une notion éloignée de ses préoccupations.
Je n'ai aucun souvenir que le général ait été à nos côtés pour combattre les dérives dont il accuse aujourd'hui l'ampleur. Le pauvre vieil homme est probablement blessé de ne plus avoir le pouvoir qu'il avait sur les autres, jusqu'à celui de la vie et de la mort. Il ne peut plus supporter que ses collègues de la «société des démocrates» l'écartent et le condamnent au silence, c'est tout simplement insupportable pour lui. C'est qu'il a oublié, ce brave homme, que réduire au silence ceux qui n'avaient aucune arme pour se défendre sinon leur parole, c'était ce qui a fondé sa carrière. Et, dans cette considération, elle fut brillante.
Nous pouvons comprendre que l'homme bafoué, épuisé, puisse ne pas se souvenir que tous ces monstres qu'il accuse aujourd'hui, étaient sous ses ordres, ses amis. Mais nous pouvons tout de même lui rappeler qu'il est temps qu'il se taise et qu'il soit heureux d'avoir échappé au tribunaux, du côté du banc des accusés cette fois-ci. Il devrait faire attention car la justice n'a que faire de l'âge et du temps, elle finit toujours par rappeler à son bon souvenir lorsque le vent tourne et que les magistrats veulent à tout prix faire oublier leur ancienne incapacité, sinon leur complaisance. Beaucoup y sont passés, grabataires et au seuil de leur vie au nom de ce zèle de dernière minute.
La parole, pour quoi faire ?
Le débat actuel concerne la loi sur le silence imposée aux généraux en retraite. Il est vrai que dans le fond, on pourrait y voir une certaine solidarité. Mais le général se trompe d'objectif car notre condamnation de cette disposition n'est pas exactement du même ordre.
Si le général veut parler, alors qu'il le fasse. Qu'il dénonce les crimes de ses anciens amis. Qu'il nous révèle la réalité de la gigantesque corruption de son corps d'origine. Qu'il nous révèle les noms, les méthodes et les numéros de comptes offshore. Qu'il nous éclaire sur cette fantastique capacité qu'ont ses collègues et son entourage à posséder un parc immobilier et des parts d'entreprises correspondant à dix siècles de leur traitement de fonctionnaire ou de celui des bénéfices déclarés.
Qu'il nous confie qui a ordonné les arrestations arbitraires, dirigé les interrogatoires musclés et causé les accidents ou disparitions inexpliquées. Nous serons alors attentifs à ses paroles et nous reprendrions le flambeau du militantisme pour marcher derrière lui et sa bannière de justicier, claquant au vent de la liberté et de l'espoir.
Mais si c'est pour pleurnicher sur son sort et nous faire comprendre que son monde d'origine abat les hommes vieillis, malades ou en disgrâce, nous avons autre chose à faire. Il est vrai que le général doit être terriblement vexé que ceux qui ont la parole sont ceux qui ont fait preuve d'une poursuite judiciaire à l'étranger ou à l'intérieur et qui s'expriment pour nous brandir leur immunité. Cela doit faire mal lorsque le vieil homme s'aperçoit que les petits corrompus ont dépassé le maître et se dandinent à la lumière alors que, lui, est condamné à se taire.
Mais tel est le monde qu'il a choisi, brutal et sans aucune concession pour les faibles et ceux qui ont un genoux à terre. Le général a passé sa vie dans cette organisation et en a signé de ses tripes les valeurs inscrites, jusqu'à en être le chef. De quoi se plaint-il ?
Sid Lakhdar Boumédiene
Enseignant
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merci
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