Les forces pro-gouvernementales entrent dans Syrte, fief des djihadistes de l'EI en Libye
Les combats se déroulaient jeudi dans le centre de Syrte, le fief du groupe État islamique (EI) en Libye, après l'entrée des forces progouvernementales qui espèrent faire tomber la ville dans les jours qui viennent.
La perte de la ville de Syrte représenterait un énorme revers pour l'EI alors que le groupe ultra-radical fait face à une vaste offensive soutenue par les Américains et les Russes en Irak et en Syrie, les deux pays où il est le mieux implanté. Les forces loyales au gouvernement d'union (GNA) libyen "avancent rapidement contre l'EI en Libye et ont commencé à entrer dans son bastion de Syrte", a salué dans un tweet Brett McGurk, l'envoyé spécial du président américain auprès de la coalition anti-EI. Cette offensive contre la ville portuaire située à 450 kilomètres à l'est de Tripoli est menée à la fois par des forces terrestres, aériennes et maritimes. Elle a permis aux forces du GNA d'avancer jusqu'au centre-ville "où les affrontements continuent", en particulier autour du centre de conférence Ouagadougou, dans lequel l'EI a installé un poste de commandement, a indiqué le porte-parole de ces forces armées, Mohamad Ghassri. "L'opération ne va pas durer encore longtemps", a-t-il ajouté, en indiquant espérer "être en mesure d'annoncer la libération de Syrte dans deux ou trois jours".
Le blocage par la marine de la façade maritime empêche par ailleurs les djihadistes "de s'enfuir par la mer", selon un autre responsable militaire. Les forces loyales au GNA avaient annoncé le 12 mai le début de l'offensive pour chasser l'EI de la bande littorale d'environ 200 kilomètres de long qu'il a conquise depuis 2015. Elles ont ainsi repris Abou Grein (130 kilomètres à l'ouest de Syrte), puis l'importante base aérienne al-Gordabia, la centrale thermique de Syrte ainsi que trois casernes situées à une vingtaine de kilomètres du centre-ville. Et jeudi, l'armée a annoncé la reprise de Harawa, l'une des trois plus importantes localités de la région, à 70 kilomètres à l'est de Syrte. La réalité de la situation militaire reste néanmoins confuse en raison de l'absence de journalistes et de sources indépendantes sur le terrain.
"L'EI va être prochainement défait à Syrte mais ce ne sera pas la fin du groupe en Libye", prévoit Mohamed Eljareh, expert libyen au Centre Rafic-Hariri pour le Moyen-Orient. "Il ne faut pas se faire d'illusion", prévient également Mattia Toaldo, expert au groupe de réflexion European Council on Foreign Relations. "Si Syrte tombe, l'EI sera toujours présente que ce soit par l'intermédiaire de groupes agissant dans le désert libyen ou par des attaques terroristes à Tripoli ou Misrata (ouest)." Le nombre de djihadistes présents à Syrte n'est pas connu mais les services étrangers estimaient à 5 000 hommes les effectifs de l'EI en Libye il y a quelques semaines. De même, il est impossible de déterminer le nombre de civils toujours présents dans la ville. En trois semaines d'offensive, 115 combattants ont été tués et 300 blessés, selon Aziz Issa, de l'hôpital de Misrata.
Symboliquement, des combattants pro-GNA ont détruit les structures d'un panneau publicitaire à l'entrée de Syrte que l'EI utilisait pour exposer, en position de crucifixion, des personnes qu'il exécutait, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux. Les forces du GNA sont essentiellement composées de combattants des milices de la ville de Misrata (150 kilomètres à l'ouest de Syrte) ayant rallié le gouvernement d'union dirigé par le Premier ministre désigné Fayez al-Sarraj. Elles sont soutenues par les gardes des installations pétrolières basées dans le "Croissant pétrolier", une région très convoitée par l'EI qui, à maintes reprises, a tenté de prendre le contrôle de ces ressources énergétiques. Ces "gardes" ont lancé une offensive en direction de Syrte depuis l'est, et ont réussi à reprendre Ben Jawad, à 160 kilomètres de Syrte, et Nofliya à 130 kilomètres.
Unité réclamée
L'émissaire de l'ONU pour la Libye Martin Kobler a récemment lancé un appel à toutes les forces armées du pays à "s'unir" pour vaincre l'EI, malgré les profondes divisions politiques qui persistent. Il a par ailleurs laissé entendre dimanche que des forces spéciales américaines et françaises se trouvaient bien dans ce pays, une présence qui n'a pas été confirmée officiellement. Le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a cependant indiqué mercredi que la France faisait "du renseignement depuis déjà un certain temps". Le 5 juin, Fayez al-Sarraj, a exclu toute intervention militaire internationale pour lutter contre l'EI, à l'image de celles en cours en Irak et en Syrie. Le GNA réclame aussi un assouplissement de l'embargo sur les armes, mais l'ONU veut des garanties que ces dernières ne tomberont pas entre de mauvaises mains. Les pays européens espèrent qu'une stabilisation de la Libye permettra de limiter le nombre de migrants, notamment africains, partant de ses côtes pour rejoindre l'Italie puis le reste de l'Europe.
Avec AFP
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