La Banque mondiale, le FMI et l’AIE s’inquiètent de l’avenir de l’économie algérienne
Il ne faut pas être utopique, l’Algérie est encore une économie fondée sur la rente des hydrocarbures et elle le sera encore pendant plusieurs années(2020), sous réserve de réformes aujourd’hui, le temps ne se rattrapant jamais en économie. Les exportations hors hydrocarbures sont marginales, moins de 5% du total des recettes devises et sur ces 5% 70% sont des dérivées de matières premières dont les hydrocarbures, 70% de la valeur du dinar est corrélée aux hydrocarbures et 80% de la valeur ajoutée composant le produit intérieur brut (PIB) l’est directement ou indirectement par le biais de cette rente autant que l’emploi et la fiscalité directe et indirecte, tant des hydrocarbures qu’ordinaires à travers la taxe sur les importations.
Trois rapports internationaux (juin 2016)- Banque mondiale, Fonds monétaire international (FMI) et l’Agence internationale de l’Energie (AIE) viennent de paraître en ce mois de juin 2016 inquiétants sur l’avenir de l’économie algérienne mais dont tant le diagnostic que les recommandations ont été faites par des experts algériens qui n’ont pas été écoutées par les tenants de la rente. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire comme dit l’adage. Mais évitons de voir tout en noir en instaurant un climat de sinistrose. Il y a eu beaucoup de réalisations mais également beaucoup d’insuffisances qu’il convient de corriger. Mais analysons avec lucidité ces trois rapports en évitant, solution de fuite en avant, de voir l’ennemi de l’extérieur partout, sinon l’Algérie va droit au FMI 2018/2019.
1.- Au préalable précisions la Banque mondiale est chargée des analyses micro-économiques (ajustements structurels), le FMI des équilibres macro-économiques (balance des paiements) et l’AIE, créée en 1974 après le choc pétrolier, est spécialisée dans la prospective énergétique. Le premier rapport est celui de la Banque mondiale (BM) qui a revu à la baisse ses prévisions de croissance de l’économie algérienne en 2016 en les ramenant à 3,4% contre 3,9% prévus initialement contre 2,9% en 2015. Mais le plus inquiétant ce sont les prévisions de croissance mondiale ramenées de 2,9% à 2,4% notant que "les marchés émergents et les pays en développement exportateurs de produits de base ont du mal à s’adapter à la faiblesse des cours du pétrole et d’autres produits essentiels, ce qui explique la moitié de cette révision à la baisse". Selon la Banque mondiale (BM), "les cours du pétrole devraient continuer à baisser".
Le deuxième rapport est celui du Fonds monétaire international (FMI) du 08 juin 2016, il rejoint celui de la BM : "Les exportateurs de pétrole apprennent à vivre avec du pétrole moins cher recommandant de lutter contre les subventions généralisées", source d’injustice sociale, impliquant des ajustements économiques et sociaux, ce qui suppose de profondes réformes structurelles progressives si l’Algérie veut éviter un ajustement brutal à terme, possédant des marges de manœuvres du fait de ses réserves de change établies à 135 milliards de dollars en juin 2016 et un endettement extérieur faible. Le FMI recommande à l’Algérie pour préserver ses équilibres monétaires dont la valeur du dinar, un endettement extérieur ciblé pour les segments compétitifs, la refonte de son système fiscal, une lutte contre la mauvaise gestion et la corruption et l’encouragement du secteur privé en favorisant l’assainissement du climat des affaires qui malgré quelques efforts demeurent contraignants
2.- Le troisième rapport est celui de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) du 08 juin 2016 qui annonce de mauvaises perspectives pour le marché mondial du gaz naturel à moyen terme, bien que n’analysant pas les nouvelles mutations énergétiques qui s’annoncent 2020/2030 (mix énergétique), reposant sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables dont le coût a baissé de 50% et encore plus dans les années à venir dans le cadre des résolutions de la COP21. Pour l’AIE, qui a revu à la baisse ses prévisions de croissance de la demande mondiale de gaz qui devrait augmenter de 1,5% entre 2015 et 2021 contre 2% initialement, pour atteindre 3900 milliards de m3 en fin de période, le marché européen qui absorbe 65% des exportations algériennes de gaz naturel, représentant plus de 33% des recettes de Sonatrach, verra l’offensive du géant russe Gazprom, le Qatar, l’Iran, la Libye, et l’arrivée d’autres producteurs notamment ceux du Moyen-Orient, (20.000 milliards de mètres cubes uniquement en Méditerranée orientale, supposant la stabilisation politique notamment en Syrie, d’Afrique et surtout les USA et d’Australie, bouleversant la carte gazière mondiale "les capacités de production de GNL devant croître de 45 % entre 2015 et 2021 avec des incidences des prix à la baisse et bouleverser lae structure des échanges mondiaux."
3.- Lors de rencontre du 24 mai 2016 entre l’Union européenne et l’Algérie sur les stratégies énergétiques, la majorité de représentants européens ont fait savoir à l’Algérie que les contrats de gaz à moyen et long terme dans leur majorité qui expirent entre 2018/2019 ne seront pas renouvelées dans les mêmes termes, l’objectif étant plus de flexibilité selon l’application de la "directive gaz" de l’Union européenne. Suite au constat du Conseil des ministres, en date du 6 octobre 2015 quia fourni un état des lieux de la production d’hydrocarbures, qui avait plafonné, en 2007, à 233 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP), a, par la suite, connu une régression continue, avant d’amorcer une légère hausse en 2014, la consommation nationale de produits énergétiques ayant quasiment doublé entre 2000 et 2014 (51 millions de TEP), et les réserves d’hydrocarbures s’élevant à 4.533 millions de TEP (soit 44% des réserves récupérables initiales), dont 1.387 millions de tonnes de pétrole et 2.745 milliards de mètres cubes de gaz naturel, le conseil des ministres du 22 février 2016 a émis une série de recommandations.
Il a préconisé de poursuivre et d’intensifier la prospection des ressources en gaz naturel, le respect des plannings d’amélioration des capacités de production des gisements en exploitation, la dynamisation du programme de développement des énergies renouvelables, enfin, la poursuite des efforts de rationalisation de la consommation d’énergie. Déjà dans le rapport transmis au gouvernement, en janvier en 2013, suite à l’audit que j’avais dirigé sur les carburants en 2007, pour les subventions, l’Algérie étant confrontée à la perspective d’épuisement de ses réserves j’avais proposé une politique énergétique et la mise en place d’une chambre nationale de compensation pour cibler les subventions et d’avoir surtout une vision stratégique tenant compte tant des nouvelles mutations, stratégiques, économiques et énergétiques mondiales.
En résumé, espérons que le nouvel modèle de croissance que le gouvernement présentera bientôt, qui sera selon nos informations, quantifié entre 2016/2019 et 2020/2030, tenant compte des propositions émises par les partenaires économiques et sociaux lors de la Tripartie du 05 juin 2016 permettra d’apporter des réponses concrètes.
Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des universités, expert international
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merci
wanissa