Algérie : la mutation ou l’extinction !
Je, tu, il ou elle trafique ! Personne ou presque n’échappe à la règle dans l’Algérie d’aujourd’hui.
Au chômage ou en marge d’une activité professionnelle, chacun de nos concitoyens, ou du moins un grand nombre, semble disposer d’un commerce souterrain ou d’un business, nécessaire non seulement pour arrondir ses fins de mois, mais aussi et surtout pour se procurer des produits, des médicaments ou des pièces de rechange qui font défaut, débloquer une démarche administrative qui s’enlise, ou sinon faire fortune !
Il faut dire que la population ayant si bien assimilé le mécanisme, il ne viendrait à l’idée de personne de passer par la filière officielle pour une quelconque démarche, on commencera, toujours, par la combine, c’est-à-dire rechercher les relations susceptibles de faire aboutir ladite démarche.
Il est certes vrai que le terreau s’y prête. Le réseau souterrain de services, trafic d’influence, parrainage et cooptation, magouilles, combines est extrêmement dense. Il croit avec l’informel qui a tout gangrené. Les «usagers» de ce type d’échanges n’ont ni remord ni scrupule. Il s’agit, pensent-ils, d’un échange de «bons procédés». Cela se pratique à un niveau assez bas entre «potes» et connaissances. Mais cela continue jusqu’au sommet de l’Etat ! Même pour ceux qui arrivent à accéder à un poste ou une fonction élective, la première question qui se pose à eux, est la suivante : qu’est-ce que je peux en tirer pour mon profit personnel ?
Alors, c’est ainsi ? Apparemment oui, car les algériens sont, en définitive, travaillés par la fièvre du passe-droit et de l’arrivisme ! Et leurs élus, tout comme leurs responsables locaux se servent des institutions comme de leur propre bien. Aucun contrôle, ou presque, ne pèse sur eux, au sens macro et micro-économique. On ouvre des milliers de postes de travail bidons, ceux du filet social notamment, pour satisfaire la révolte et on couvre d’avantages tous ceux qui font la grève, pour acheter la paix sociale ?
Mais si tout le monde trafiquote et se tourne les pouces, comment la machine pourrait-elle, vaille que vaille, continuer de fonctionner ? Une question lancinante que tout le monde se pose, même si beaucoup de citoyens se mettent à douter profondément, critiquent les chemins parcourus, hésitent à croire ce qu’on leur dit et surtout commencent à s’impatienter. Nous avions tout pour réussir : une indépendance héroïquement arrachée, une démographie de jeunes potentiels, des ressources naturelles aussi inimaginables qu’incommensurables, quand d’autre pays sous-développés, moins nantis, ont réussit leur développement.
Aujourd’hui hélas, nos universités sont à la traine du monde arabe et même en Afrique mais, faut-il l’admettre, le mal n’est pas dans nos étudiants ; il est à rechercher chez les enseignants, médiocres pour la plupart, doctorants bidons par milliers qui ont pris le système universitaire en otage. L’université ne produit pas de génies capables de prendre en charge le défi du développement du pays. Les Chinois et les Canadiens conçoivent et construisent pour nous, non pas des satellites, mais nos routes, nos logements et même notre grande mosquée ! Vont-ils pour autant rester chez nous à nous accompagner dans l’entretien de ces réalisations pour lesquelles nous continuerons à débourser des budgets en devises ?
Les Algériens, c’est vrai, sont aussi fatigués que blasés à telle enseigne qu’ils affichent leur défiance pour tout et partout. Cette défiance est d’abord verticale et les oppose à ceux qui les gouvernent qui, selon eux, cultiveraient «l’entre-soi», sans se préoccuper, ou si peu, du peuple. Il serait pourtant naïf de limiter cette défiance aux seuls gouvernants, elle frappe la classe politique toute entière, principalement les partis dont les efforts de positionnement ne sont en fait, que des tentatives pour se rapprocher du pouvoir, donc de la rente ! A cette défiance verticale s’ajoute une autre défiance de type horizontale : les rapports sociaux s’exacerbent et mettent à mal la cohésion sociale ; les syndicats et à leur tête l’U.G.T.A sont désavoués et, la prochaine tripartite risque de les discréditer davantage aux yeux des travailleurs appelés, par ailleurs, à faire preuve davantage de «sacrifices» !
On est arrivé progressivement à une impasse ! L’Algérie d’aujourd’hui, tourne le dos au pays profond. Les walis majoritairement n’ont pas amélioré le développement local, encore moins créé de l’emploi et de la richesse ! Certes, l’eau coule quand même dans les robinets, les hôpitaux fonctionnent cahin-caha, des milliers d’enfants sont chaque rentrée scolarisés avec force démonstration, ce qui donne l’impression que le pays bouge, mais pas assez. La faute au «dirigisme» d’Etat, de la lourdeur bureaucratique qui fait de la résistance, des banques timorées et surtout du choix du développement économique qui reste à inventer. Force et de constater aussi que les investisseurs nationaux ne trouvent aucun intérêt ou si peu, à aller vers la production nationale malgré toutes les facilités qui leur ont été accordées en matière de foncier ou de diminution de la pression fiscale ; dans ce cas là, il ne faut pas s’étonner que les étrangers, règle du 49/51 ou pas, fassent preuve de peu d’engagement !
Le Premier ministre vient de l’évoquer : le nouveau plan économique sera bientôt dévoilé. A l’occasion de la 18° tripartite qui est prévue pour le 5 juin prochain. Mais que peut faire ce gouvernement où beaucoup de ministres ne sont pas à leur place ? Malades pour quelques-uns, fortement contestés par leurs syndicats pour d’autres et franchement dépassés pour ne pas dire autre chose, pour certains, issus de la filière des walis ; ils ont été rattrapés par le syndrome de «Peter», selon lequel arrivé à un certain niveau de promotion, la compétence initiale finira par devenir un élément de blocage ; il faut admettre qu’on ne gère pas un ministère comme une wilaya. En tous les cas, le gouvernement dans sa configuration actuelle, et tout le monde est d’accord là-dessus, n’a pas les compétences pour gérer les complexités du pays. Un pays bientôt sans pétrole dixit Abdelmalek Sellal ! Il est juste appelé à gérer les urgences, les révoltes du logement et de l’emploi, pour cause de défaillance des collectivités locales souvent incompétentes, voire même corrompues à voir le nombre d’élus déférés aux tribunaux !
Dans les villes, sales, dépourvues de commodités et aussi d’espaces culturels, sportifs et de loisirs, c’est l’ennui, les tracasseries de la circulation automobile, les petits boulots de l’informel, le piston et la course au visa pour ceux qui veulent voir ailleurs. C’est la marginalité des jeunes qui n’ont pas de droits et qui, en dehors du foot, n’ont aucun moyen de se dépenser. Les garçons trainent dehors. Les filles sont sommées de rester à la maison. C’est aussi l’exil intérieur des femmes, le sexisme, la misogynie, le machisme des hommes, la violence et la réclusion pour un grand nombre d’entre-elles ; celles qui travaillent, nonobstant les préjugés, doivent donner la preuve de leur probité.
C’est une agriculture déficiente, délaissée, c’est également une industrie qui tourne au ralenti et qui a perdu le pari de "l’industrie industrialisante". C’est une production littéraire orientée par l’idéologie islamiste, une chanson phagocytée par le "raï", et un cinéma et un théâtre moribonds. Les algériens en sont encore à s’affronter sur le choix du modèle de société. Sur le choix du modèle culturel : arabophone, berbérophone, francophone, voire anglophone pour certains poussés par Ech-chourouk et leurs ouailles !
C’est également la place qu’il faut donner à la religion. Les algériens sont pris en tenaille dans le tourbillon d’un débat malsain sur l’islam. Quel islam voulons-nous ? Comment voulez-vous une réponse unanime acceptable pour tout le monde ? C’est rentrer dans des débats infinis affirme très justement un intellectuel, alors que le débat, le vrai, est sur les nanotechnologies. Le problème des Algériens n’est pas religieux, a-t-il ajouté : il est économique et technologique. Et nos partis islamiques sont à ce niveau désespérément silencieux.
En attendant la rente pétrolière continue à payer la facture. Jusqu’à quand ? Le Premier ministre a mis en garde la population ; cela ne l’a pas empêché d’affirmer à partir de Tizi-Ouzou, la volonté des pouvoirs publics d’accélérer les recherches et d’augmenter la production. Et au diable les générations futures ! C’est vrai, nous avons raté nos développements successifs en reproduisant les mêmes erreurs du passé : 98% de notre économie est financé par le pétrole. Le pays n’a jamais été maitre de son destin économique ; il a légué la bonne gouvernance aux institutions étrangères, les banques mondiales et le FMI dont l’objectif final est connu de tout le monde : privatiser et piller les ressources de l’Algérie. De ce qui précède, on peut dire que l’Algérie condense tous les problèmes à la fois : ceux des pays en voie de développement et ceux d’un pays nouvellement industrialisé.
Politiquement parlant, cela ne va pas mieux ! Cela met à nu une classe politique sans vision d’avenir, sans idées. Sans assise populaire surtout. C’est des hommes et des femmes aussi, obsédés par le pouvoir, accrochés à leur siège depuis plus de 25 années pour certains et qui ne veulent rien lâcher. Au prix de retournement de vestes incroyables. Chez les partis au pouvoir, c’est la politique à courte vue, celle des fausses solutions qui tout au plus, accordent un répit à des dirigeants en panne d’idées, qui refusent de se remettre en question et faire leur introspection. Ils sont la majorité au parlement disent-ils, dans un pays ou l’abstention bat des records. Tout comme la triche aux élections ! On parle d’installer une commission indépendante de surveillance des élections. Personne n’est dupe ! La politique des quotas n’est pas finie. On verra bien en 2017. Le parti des Travailleurs et Louisa Hanoune ont quelques soucis à se faire d’ores et déjà à voir la campagne dont ils font l’objet.
Il y a aussi le FLN, coquille creuse prise en otage par des personnes tout juste capables de servir de caution au pouvoir en place ou de se désigner elles-mêmes candidates aux responsabilités et partant, se prêter aux mensonges de ceux qui tirent les ficelles en coulisses. Ou par presse interposée.
Cela va-t-il apaiser le pays pour autant ? Pas si sûr ! Et le peuple ? Qu’on ne s’y méprenne pas surtout de son silence. Il saura, lorsque l’amplitude du tumulte dépassera celle du verbe flatteur, reconnaitre les siens, car il a de tout temps, surtout dans les moments difficiles, su faire la part des choses, c’est-à-dire, séparer le bon grain et l’ivraie. Ce peuple, on devrait s’abstenir de lui montrer ses ennemis, écrivait récemment un général à la retraite. Ce sont ceux de la nation, il les connait, il suffit d’ailleurs de le lui demander et de daigner l’écouter.
L’Algérie au futur n’offre pas de garanties, tout comme les candidats au pouvoir qui veulent être califes à la place du calife. Les Algériens ont tout voulu faire : révolution agraire, révolution industrielle, révolution culturelle et même la révolution de l’ordre mondial ! Ils ont apporté leur soutien au monde arabe et à la Palestine. Ils se sont ouverts à l’Afrique, mais les dividendes tardent à venir face à une démographie galopante et des ressources énergétiques, tarissables à terme.
Notre futur est devant nous, et ce n’est pas une lapalissade. Il nous reste encore une dernière lueur d’espoir de nous ressaisir en ces moments de crise pour prendre les bonnes décisions, car l’équation se pose ces termes : la mutation ou l’extinction !
Cherif Ali
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merci
wanissa
merci