Les universitaires de Tizi-Ouzou : "Le wali et les autres responsables nagent à contre-courant"
La Coordination de la communauté universitaire de Tizi-Ouzou a rendu public le communiqué suivant.
Les déclarations, les dénonciations et les révélations entonnées par le président de la commission chargée de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle de l’APW de Tizi-Ouzou et autres élus de cette auguste instance, ainsi que par le chef de l’exécutif de la wilaya, le lundi 16 mai 2016 à l’hémicycle Aissat Rabah lors de la session extraordinaire consacrée par les représentants de la population de cette région du pays à son université – l’Université Mouloud Mammeri en l’occurrence – interpelle toutes les instances judiciaires et administratives de la République, habilitées, à intervenir en toute urgence par l’ouverture d’enquêtes.
Leurs échos, que la presse a répercutés au lendemain, ont sans aucun doute plongé les citoyens dans l’effroi et sont par conséquent en droit d’attendre qu’il soit mis un terme aux agissements des responsables de la situation dramatique – faite de de violence, de passe droit, de hogra, de précarité, de dysfonctionnements, de velléité de répression des libertés académiques et d’expression,… – qui prévaut à l’UMMTO et les œuvres universitaires, ou tout au moins la neutralisation des réseaux de corruption, de trafic de drogues voire de prostitution qui guettent les étudiant(e)s et se déferlent sur l’université et d’exiger des réparations pour les préjudices commis en infligeant notamment des sanctions sévères et exemplaires à leurs auteurs.
Toutefois, la communauté universitaire de Tizi-Ouzou ne se fait pas d’illusions et ne voit rien se profiler à l’horizon. Ladite session "extraordinaire", qui avait suscité des espoirs lors des auditions de la commission, a laissé un goût d’inachevé. L’APW a clôturé ses travaux sans la moindre résolution alors que le moins qu’on pouvait attendre était l’institution d’une commission d’enquête ou à la limite l’exigence du chef de l’exécutif d’ouvrir une enquête. Au lieu de cela, elle s’est contentée de la mise en place d’une commission de suivi de la réalisation des différentes infrastructures en chantier et qui accuse des retards injustifiés et inadmissibles. La communauté universitaire qui espérait voir les élus, après tous les constats qu’ils ont dressé eux-mêmes, joindre leurs voix à la sienne dans la revendication d’un vrai plan d’urgence pour l’enseignement supérieur à Tizi-Ouzou, est en droit de penser aujourd’hui que cette commission n’est qu’une mesure dilatoire de plus, visant par delà les apparences, le cautionnement de l’APW lorsqu’arriveront les échéances, déjà maintes fois repoussées, sans qu’aucune des infrastructures promises ne soit prête à être livrée, ouvrant ainsi la porte grande ouverte à toutes les réactions que peut susciter l’exaspération.
Mais, qu’espérer quand le chef de l’exécutif lui-même, le premier magistrat de la wilaya duquel l’assistance attendait des décisions, se met lui aussi à dénoncer ?! Comment expliquer qu’un Wali déclare être au courant que «des étudiants ont acquis des villas» grâce aux pressions qu’ils exercent pour imposer à l’université des fournisseurs et des prestataires de services divers comme le transport et autres, sans qu’il décide sur le champ de saisir la justice ou du moins de diligenter une enquête ?
En effet, qu’est ce qui empêchait le chef de l’exécutif de déclarer solennellement, en plénière, sa volonté de saisir la justice pour enquêter sur la gestion des finances et deniers publics de l’université et des œuvres universitaires de la wilaya dont il a en charge la gouvernance, ainsi que sur les retards dans la réalisation des différents projets (infrastructure pédagogique, de recherche, logements,…) parce qu’orchestrés et entretenus depuis leurs conceptions.
La réponse est sans conteste qu’il n’avait pas cette volonté. Ne s’est-il pas livré à un sophisme pour laisser suggérer de façon subliminale que les agents de ces pressions sont ces syndicalistes qui encadrent et organisent la revendication de justice, d’équité, de sécurité, de respect, de fonctionnement normal et de l’amélioration du cadre de vie et de travail et qui encadrent et organisent la contestation des dérives, des dilapidations des deniers publics, de la corruption, des passes droit, de la hogra et des dysfonctionnements ?
Le chef de l’exécutif de la wilaya, n’a-t-il pas menacé que dès l’année prochaine, il ne retiendra plus son courroux et qu’il lui donnera libre cours et le laissera s’abattre sur eux ? Lapsus révélateur de traits de personnalité et/ou de préjugés profonds, n’a-t-il pas promis de normaliser toute la région en raison sans doute de ses traditions révolutionnaires qui font que la population se rebelle contre l’injustice, l’iniquité et le totalitarisme ?
Si maintenant la normalisation consiste pour lui à ramener notre université au moins au même niveau en termes d’infrastructures et d’encadrement que les autres universités du pays, la communauté universitaire sera la première à l’applaudir. Si la normalisation consiste pour lui à ramener notre wilaya au moins au même niveau d’équipement, d’implantation de tissu économique que les autres wilayas, là encore la communauté universitaire sera la première à l’applaudir. Mais si cette normalisation consiste pour lui à faire taire les voix contestatrices et à faire rentrer tout le monde dans les rangs, la communauté universitaire lui répondra simplement qu’il se trompe et de lieu et d’époque.
Le Wali et tous les responsables en charge de l’administration des affaires du citoyen, chacun sa juridiction, doivent comprendre qu’ils nagent à contre courant et que leur acte de gestion revient plus cher à l’Etat. Ils doivent comprendre aussi que s’il y a quelque chose qui a véritablement besoin d’une normalisation aux standards internationaux c’est bien leur gestion incongrue et s’il y a lieu d’incriminer des personnes dans le désastre qui frappe l’UMMTO des décennies durant ils n’ont qu’à chercher parmi tous ceux qui ont eu en charge la gestion de ses affaires et de ses ressources.
Pour leur part, les syndicalistes s’exprimant au nom de la communauté universitaire ont joué, jouent et joueront encore pleinement leur rôle de citoyen et d’universitaire et n’entendent pas abdiquer et capituler devant ses menaces inconvenantes.
Le Conseil national des enseignants du supérieur de Tizi Ouzou
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