Salah Oudahar : les témoins du temps
De Strasbourg à Tizi-Ouzou en passant par Paris, le poète kabyle d'expression française Salah Oudahar promène son récital pour dire l'indicible et mêler sa voix à celles de ceux qui souffrent, résistent, luttent et se souviennent.
Dans une pénombre de circonstance bercée par un son de flûte venu des âges anciens, un public nombreux écoute religieusement le barde, debout sur la scène, sous un rai de lumière blafarde. L'atmosphère est à l'évocation.
Le poète déroule un récit éclaté sur plusieurs dimensions dans une trame serrée autour de la question de l'identité. Celle-ci est déclinée à travers ses différents attributs maintenus sous une oppression et une négation séculaires, valeurs, langue, histoire et territoire semblent subir dans un mouvement de reflux une désertion qui prépare à son anéantissement. Serions-nous devant l'irréversible ?
L'inerte et le vivant sont sollicités dans un soliloque évocateur qui sonde la mémoire et interroge le destin. Des mots ruisselants de poésie et de sens brisent le silence de la pierre, de la terre et de la mer pour témoigner du passé, oublié, nié ou perverti par les circonvolutions de l'histoire et l'arbitraire des hommes. Le récital aurait pu aussi s'intituler "De quelles vérités sommes-nous fait ?", car le voyage auquel nous convie l'artiste est une introspection sur nous mêmes, ce que nous fûmes et ce que nous sommes devenus à notre insu.
Les pierres antiques parlent, racontent et font méditer ceux qui les observent. Salah Oudahar les côtoie dès son premier éveil à la vie, elles font partie du décor de son enfance, elles captivent sa sensibilité. Il s'empare de leurs murmures et pénètre le mystère du temps qui passe qu'elles portent dans leur silence éternel.
Que reste-t-il des temps héroïques plein de gloires et de promesses ? Un vol de mouette au-dessus des plages muettes ? Des pierres figées dépouillées de leur histoire par l'indifférence générale qui les condamne à devenir poussière?des rêves en ruines délaissés par des hommes jadis libres ? Une mer qui n'appelle qu'aux départs ? Tous les combats seraient-ils vains quand la souffrance, l'exil et l'errance pèsent sur les jours présents et menacent ceux à venir ? Que vaut un retour d'exil quand la rupture est déjà consommée ?
L'aède déclame son ire et sa douleur, mais ne se résigne ni à l'impuissance ni à l'abandon. La pierre, la terre, la mer, les hommes et les femmes de son pays ui collent au verbe dans un monologue qui rejette toute tentation de renoncement par humanité et amour de la liberté hérités de ses ancêtres.
Mokrane Gacem
Bio express
Salah Oudahar est né en 1951 à Iflissen, diplômé des sciences politiques, il a enseigné à l'université de Tizi-Ouzou. En 1992, il s'installe à Strasbourg pour s'investir dans la création artistique et l'animation culturelle autour des thèmes de l'histoire et de la mémoire. Il est directeur artistique du Festival Strasbourg-Méditerranée et président de la Cie de théâtre et de danse Mémoire Vives.
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merci bien pour les informations