La fin de la Françafrique n'est pas pour demain !

François Hollande, le président français, a tout fait pour garder l'Afrique sous influence française.
François Hollande, le président français, a tout fait pour garder l'Afrique sous influence française.

En accédant en 2012 au palais de l’Élysée, le socialiste François Hollande s'est engagé, du moins dans ses discours, dans une démarche de divorce, voire de rupture par rapport aux circuits d'une si tristement célèbre machine néocoloniale appelée "Françafrique".

Par Kamal Guerroua

Ce qui est vu de part et d'autre, c'est-à-dire en Hexagone comme ailleurs, tel un pied de nez à la rhétorique interventionniste française jusque-là en vogue. Cette promesse électorale compte d'ailleurs parmi les priorités de l'agenda quinquennal. Or une fois le mandat présidentiel entamé, ce vœu s'est effrité au fur et à mesure que la situation géopolitique dans le continent se détériorait. A preuve que les dernières interventions militaires françaises au Mali, puis, en Centrafrique en 2013 (opération Serval et Sangaris) motivées en principe par la montée de l’extrémisme religieux d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) dans le nord malien et par le chaos provoqué à Bangui au lendemain de la fuite de François Bozizé auront mis au goût du jour cet amer rituel de "l'influence tutélaire permanente" exercée par l'ex-puissance coloniale sur ces pays Africains perclus d'autoritarisme et subissant les effets du militarisme, l'instabilité chronique ainsi que les famines. Encore sous le joug d'élites aussi aliénées que serviles, prédatrices et assez trop accros à la corruption et aux coups de force, ces pays-là souffrent en outre d'une terrible dépendance de la France sur tous les plans (économique, culturel, politique, etc).

Au fait, ce ne sont pas ces mots, tant s'en faut, que cette intelligentsia africaine elle-même utilise de nos jours pour décrire ses maux et expliquer ses choix et ses décisions quoique ce soit la vérité. Mais indépendamment de ce contexte, la question qui reste ouverte étant la suivante : pourquoi ces multiples volte-face au pas de charge des officiels de l'Hexagone à propos de cette problématique de la Françafrique? N'est-il pas plus utile par exemple de prêter assistance à l'Afrique sans oser y intervenir sous quelque prétexte que ce soit? Et puis, l'Afrique serait-elle éternellement ce continent assisté par les autres et dépouillé de ses richesses ainsi que de ses pouvoirs au profit des grandes puissances et des multinationales? Bref, serait-elle pour toujours ce colosse aux pieds d'argile si vulnérable aux pressions extérieures de toutes sortes, surtout lorsque celles-ci provenaient de la France? A regarder l'ampleur de l'intrusion de la classe politique hexagonale dans les affaires africaines, d'aucuns s’interrogent légitimement en quoi les indépendances nationales, parfois acquises au prix de révolutions et de luttes, sont utiles aujourd’hui aux populations locales. D'autant que celles-là, quasi formelles pour la plupart si l'on ose ici le mot, ne garantissent ni la sécurité intérieure, ni la stabilité, encore moins l’autosuffisance alimentaire ou même la souveraineté nationale, etc.

La faillite africaine actuelle était-elle déjà prévue de longue date? Et la France savait-elle que les Africains allaient être, des décennies plus tard après leur sortie des ténèbres coloniales, déçus par leurs futurs gouvernants? En tous cas, tout laisse à penser et à croire que le drame des nouveaux décolonisés n'est pas involontaire. En effet, au tout début des années 1960, beaucoup de colonies africaines devinrent enfin indépendantes bien que le rêve cher aux peuples de se détacher complètement de l'impérialisme occidental n'ait été que partiellement exaucé. Pour cause, l'anarchie institutionnelle, la désorganisation étatique, l'aliénation culturelle des élites, les masses clochardisées et les guerres déjà déclenchées par les vieilles gardes prétoriennes ou nationalistes en vue de s'accaparer les rênes du pouvoir ont creusé un énorme fossé entre les populations et leurs dirigeants. Ce fut dans ces circonstances, pour le moins critiques, que le général de Gaulle (1890-1970) aurait chargé Jacques Foccart (1913-1997) affublé par certains du sobriquet «Monsieur Afrique» de mettre en place des réseaux occultes entre l’Élysée et les palais africains dont la principale mission est de superviser «in off-line mode» pour emprunter un anglicisme l'étape de la reconstruction post-coloniale, en étroite collaboration bien sûr avec les nouveaux maîtres des lieux et ce dans l'objectif de maintenir par tous les moyens, légaux ou illégaux soient-ils, les territoires anciennement colonisés dans le giron français. Bien évidemment, le simple fait d'évoquer ces territoires rime avec un enjeu énergétique de taille : le pétrole. Au conflit du Biafra (1967-1970) au Nigeria ayant causé la mort de plus d'un million de personnes, la France est indirectement intervenue, en vendant des armes aux rebelles séparatistes pour préserver ses intérêts pétroliers face à son concurrent britannique qui, lui soutenait à l'époque avec les soviétiques, le gouvernement fédéral nigérian. De même, l'action politique du célèbre mercenaire anticommuniste Bob Denard (1929-2007) durant les années 1960 en Afrique, en particulier au Bénin, le Gabon, le Nigeria, l'Angola et les îles Comores, etc., a souvent été dirigée pour le compte de la France. Ainsi ce dernier aurait-il joué le rôle d'expert militaire et pétrolier auprès de quelques présidents africains. Le scandale financier de l'Affaire Elf en 1994 fut aussi un épisode crucial dans ce feuilleton de Françafrique. Il en fut de même pour le génocide rwandais lors duquel les Hutus ont prétendument reçu le soutien actif de l’Élysée pour le massacre des Tutsis au Rwanda en 1994, etc.

Le silence des officiels des deux continents traduit souvent la complexité du rapport post-colonial entretenu par la France vis-à-vis de ses anciennes colonies. Sans doute, soucieux de se tailler une place de prestige entre les deux blocs Soviétique et Américain pendant la Guerre Froide (1945-1989), le général de Gaulle s'est attelé à préserver cet espace géostratégique de l'Afrique comme moyen de pression aussi bien contre les Américains qui tenaient déjà, via le plan Marshall de 1947, toute l'Europe entre leurs dents que contre l'Organisation du Traité de l'Atlantique du Nord (O.T.A.N). Une organisation somme toute devenue un instrument tactique de domination et de propagande aux mains de l'Oncle Sam dont son pays, la France, s'était retiré en 1966! Le défi fut également d'enrayer aussi rapidement que possible la vague communiste ayant envahi les régimes africains, «totalitaires» dans leur majorité, et d'empêcher en même temps le surgissement de forces patriotiques sincères et libres au sein des sociétés civiles locales (le but latent de la Françafrique). Certes, si ce plan de noyautage de l'Afrique et de son affaiblissement a réussi, il n'en demeure pas moins que la France s'est fait naïvement piéger au plan international par ses pulsions antiaméricaines, et bien plus tard, par son penchant pathétique pour l'anti-globalisation (l'intelligentsia française qui façonne l'opinion publique cultive jusqu'à nos jours une rare nostalgie pour les idéaux marxistes, maoïstes, idéalistes, etc). Sans qu'elle en prenne toute la mesure, elle s'est longtemps posée comme «pays leader des Non-Alignés», tout en faisant partie intégrante des puissances alliées. Autrement dit, elle n'était ni résolument pro-américaine ni sérieusement anti-soviétique. En ce sens qu'elle a mis sur ses épaules le fardeau trop pesant de l'Afrique et du Monde arabe sans qu'elle ne se donne les moyens d'en assumer la tâche.

Pour comprendre la France de l'époque de l’intérieur, il suffit de regarder par exemple le mouvement de Mai 1968, lequel aurait montré au monde entier les contradictions qui jettent leurs racines dans la société. De même, la fameuse «Politique Arabe de la France» suivie par le leader gaulliste et ses successeurs aurait conféré à cette dernière "le statut de protectrice", du moins symboliquement, d'un territoire engagé dans un "non-alignement actif". C'est pourquoi, ce système de prédation économique, militaire et politique qu'est «la Françafrique» aurait coupé court à cette image reluisante d'une France, berceau des droits de l'homme, généreuse, démocratique et bienveillante! Un système occulte qui n'a, rappelons-le bien, jamais emprunté des voies transparentes, émaillé qu'il est de coups d’État, d'assassinats politiques, d'enrichissement illicite de dirigeants à la solde de la puissance tutélaire (la France), de financement illégaux de partis, de compromissions sur le dos de la démocratie, etc. En un mot, un monde parallèle plein de mystères dont les élites des deux côtés n'hésitent pas à se servir pour consolider la raison d'Etat. Et ce pour échapper au contrôle des sociétés civiles et des institutions étatiques.

De la Droite à la Gauche, rien n' a bougé d'un iota dans ce système. Pire, ni le choc pétrolier de 1973, ni la chute du Mur de Berlin en 1989, encore moins l'avènement de la démocratie dans quelques pays africains ou la mondialisation n'ont influé sur le cours des choses. Ce qui prouve que la Françafrique est un mode sacré de gestion, destiné à durer le plus longtemps possible!

K. G.

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Commentaires (4) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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