Le Printemps amazigh et les noces de loups...
"Ciṭuḥ nettɛaddi fell-as, A w ibɣun ad yess yimɣuṛ, Ma d aṭas ur-t-neǧǧaǧa, ammar w itteddun meɣṛuṛ", Youcef Ou Kaci.
"La vérité ne porte jamais préjudice à une cause juste", Gandhi
L’histoire est faite de vérités face auxquelles aucune manipulation, aussi sophistiquée soit-elle, ne peut résister. Car, soumis à l’épreuve du temps, le mensonge finit toujours par se trahir.
En ces jours où nous célébrons le 36ème anniversaire du Printemps Amazigh, il nous est important de nous remémorer les sacrifices consentis par celles et ceux qui ont fait de la cause amazighe la plus belle promesse d’un printemps démocratique en Algérie et dans l’espace de l’Afrique du Nord.
Cependant, il nous appartient, aujourd’hui, d’œuvrer à la réalisation de cette promesse. Par fidélité à cette cause, il est de notre devoir de nous rappeler certaines vérités et de poser un regard critique sur la situation qui prévaut, actuellement, en Kabylie. Une situation des plus critiques l’empêchant de renouer avec son rôle historique de locomotive du combat pacifique pour la réhabilitation de la souveraineté populaire en Algérie.
S’astreindre au devoir de vérité fait, parfois, mal. Seulement, la vérité agit toujours dans le sens de libérer les consciences du mensonge, les mémoires (individuelles et collectives) de l’oubli et le rêve de tous ses faux-semblants.
Aujourd’hui, au lieu de perdre notre énergie et notre temps à vouloir ressusciter les rêves perdus de leurs cendres, il nous est impératif de nous lancer dans la construction de nouveaux rêves. Comme le disait Mouloud Mammeri : "On ne ressuscite pas les horizons perdus. Ce qu’il faut, c’est définir les horizons nouveaux."
La recherche du rêve perdu ne peut avoir d’autre rôle que celui de nourrir l’illusion de le retrouver. Soumise à l’égoïsme d’une représentation politique conditionnée par l’agenda électoral du régime totalitaire - dont le crime organisé et la mafia de l’argent sale font la pluie et le mauvais temps en Algérie - et à son discours aliénant, cette illusion favorise la multiplication des arrangements de l’ombre et des alliances contre-nature auxquels nous assistons aujourd’hui.
En conséquence, la langue amazighe a fait les frais de ces arrangements ayant abouti à une officialisation factice sujette à une remise en cause au gré de nouveaux rapports de force.
Ces noces de loups qui habitent la nuit ne peuvent, en aucun cas, subtiliser à notre imaginaire social et à notre conscience collective les couleurs du Printemps Amazigh. Aussi, elles ne peuvent nous priver de sa dimension démocratique, en la sacrifiant à des jeux de hasards programmés.
Le printemps Amazigh constitue, pour nous, un évènement majeur dans l’histoire de la Kabylie, de l’Algérie et de l’ensemble de l’Afrique du Nord.
Ce rendez-vous où notre histoire a retrouvé sa mémoire grâce à la mobilisation d’une jeunesse dont la conscience a été forgée par une prise en charge intellectuelle, culturelle et politique sans relâche, a montré que la question identitaire est inscrite au cœur du combat démocratique pour une construction humaine d’une citoyenneté transcendante permettant de rendre les Etats nord-africains à leurs peuples.
La célébration annuelle de ce printemps ne saurait faire abstraction de ces valeurs qu’il a enracinées en chacun de nous. Des valeurs qui ne peuvent être marchandées sous forme d’un carriérisme réduisant la politique à une représentation caricaturale ou d’une multi-polarisation folklorique encageant le combat démocratique sous l’étiquette d’une opposition organique.
La différence est source de richesse. En ce sens, chacun est libre d’agir selon ses convictions, sa condition et sa propre lecture de la situation. Seulement, quand le différend est maculé de sang, de là à lui sacrifier la vérité et la justice pour le faire cesser, il n’y a qu’un pas à franchir. Ce pas, nous refusons de l’effectuer. Les collisions provoquées de nos mémoires collectives n’auront pas raison de notre lucidité, de notre vigilance et de notre détermination.
Nous voulons connaître la vérité, toute la vérité, rien que la vérité sur le détournement du boycott scolaire de 1994.
Nous voulons connaître la vérité, toute la vérité, rien que la vérité sur l’assassinat de Matoub Lounès commis, rappelons-le, durant la phase "résiduelle" du "terrorisme pédagogique".
Nous voulons connaître la vérité, toute la vérité, rien que la vérité sur la stratégie du chaos local appliqué dont la première phase expérimentale a été menée en Kabylie, en 2001, donnant lieu à ce qui est appelé "le printemps noir".
Nous voulons connaître la vérité, toute la vérité, rien que la vérité sur le massacre des 127 martyrs de la Kabylie en 2001, les martyrs du M’zab, les 200 000 morts de l’ensemble de l’Algérie et les 20 000 disparus.
C’est au prix de ces vérités, parmi tant d’autres, que nous pourrons construire un nouveau rêve et renouveler notre être dans le langage humain. Un renouvellement à même de nous permettre d’engager une nouvelle construction de notre citoyenneté.
Aujourd’hui notre pays est dans une impasse qui le menace d’une désintégration dont l’onde de choc risque de se propager à l’ensemble des Etats nord-africains.
Pour sortir de cette impasse, il nous est impératif d’abattre nos propres frontières cognitives, de transcender nos limites, d’employer nos énergies à la mobilisation de nos richesses populaires, d’opposer une solidarité citoyenne agissante aux interdits du régime pour lui substituer une alternative démocratique porteuse de l’espoir de construire une Confédération nord-africaine des peuples.
Les signataires :
- Dr Said Khelil : Ancien détenu Politique et ex secrétaire général du FFS.
- Rachid Ait Ouakli : Ancien détenu politique enseignant en Retraite.
- Chemim Mokrane : Ancien détenu politique et écrivain.
- Mohamed Nait Abdelah : Ancien détenu Politique et retraité de la santé.
- Dr Sadeg Said : Médecin.
- Said Boukhari : Retraité de l'enseignement.
- Mahieddine Ouferhat : Enseignant responsable politique à l'immigration.
- Dr Hamid Salmi : Thérapeute, formateur Ethnopsychiatrie.
- Fatiha Benabdelouhab : Association Femmes-Pluri-Elle, entraide et Solidarité.
- Dr Amar Taleb : Médecin.
- Shamy les Abranis : Auteur compositeur.
- Salah Ait Gherbi : Professeur universitaire et auteur compositeur.
- Smail Lamrous : Ingénieur Retraite, militant des droits de la personne humaine.
- Ali Ait Djoudi : Journaliste, cadre Associatif.
- Essaid Aknine : Militant des causes démocratiques.
- Salma Boukir : Cadre dans le privé et ancienne responsable syndicale.
- Sadek Hadjou : Cadre Associatif.
- Meddour Madjid : Retraité.
- Tabèche Nacer : Ancien Maire d'Ath Yenni.
- Mohamed Djebouri : Ancien Maire de Tizi N’Tleta.
- Tahar Si Serir : Syndicaliste.
- Cid Kaciouii : Ingénieur à Alberta au Canada.
- Gaya Mohamed : Ecrivain.
- Hamid Arab : Journaliste.
- Ait Abdelmalek Said : Commerçant.
- Belaid Nait Mohand : Enseignant.
- Mouaci Larbi : Retraité de l'enseignement.
- Habib Youcef : militant associatif
- Talbi Salah : Enseignant
- Said Chemakh : Professeure à l’université Mouloud-Mammeri de Tizi- Ouzou.
- Haddadou Hamid : Fonctionnaire
- Adel Amrani : Musicien.
- Ali Sini : Gestionnaire.
- Bouzidi Nacer : Retraité de l’enseignement.
- Rabhi Mustapha : Cadre syndical
- Sofiane Moali : Artisan bijoutier.
- Hacène Loucif : Journaliste.
Le titre est de la rédaction
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