Affaire du "Panama Papers" : criminalité et délinquance offshore
Alors qu'on croyait le journalisme condamné par la mondialisation et la concurrence des réseaux multi-canaux, voilà qu'il renaît de ses cendres, fort comme il ne l'a jamais été auparavant. Un consortium international de journalistes prévient les criminels et les délinquants financiers mondialisés que le quatrième pilier de la démocratie est bien vivant, puissant et encore indispensable.
Par Sid Lakhdar Boumédiene
L'affaire est un séisme à travers le monde et l'onde de choc n'est pas prête à se résorber. Jamais l'ampleur d'une investigation journalistique n'a été aussi performante et collaborative sur le plan international. Une centaine de journaux dans le monde ont été destinataires d'un listing complet du cabinet Panamée Alfonseca, portant sur un nombre impressionnant de personnalités civiles et politiques, dont des chefs d'Etats, minsistres ou leurs proches, ayant eu recours à la domicialition offshore.
Ces manœuvres ont toujours bénéficié de l'impuissance ou de la complaisance des États à combattre le réseau international de la criminalité financière. Les bénéficiaires se pensaient être définitivement à l'abri derrière l'opacité qu’offrait la complexité du montage financier international de blanchiment d'argent ou de dissimulation fiscale. Un premier coup fatal vient de leur être porté par une force que l'on pensait pourtant déclinante, le journaliste d'investigation.
Pour comprendre cette affaire du "Panama Papers", il faut revenir aux bases de ce qu'est la dissimulation offshore puis expliquer l'incroyable coup de force de la presse. Et bien évidemment, on ne peut passer sous silence ce qui concerne directement l'Algérie.
L'offshore, le gangstérisme en col blanc
La technique du offshore est connue depuis longtemps. Un client qui souhaite l'anonymat demande à un avocat spécialiste de lui créer une société dans un pays à fiscalité basse ou nulle. Ce dernier s'adresse à un cabinet du pays en question qui s'occupe des formalités. L'intérêt est double, la fiscalité en elle-même mais également le fait que le client n’apparaît jamais dans les documents. Ce sont des prête-noms qui font office d'associés.
Les législations de la plupart des pays occidentaux n'interdisent pas l'ouverture de sociétés offshore (ou d'ouvertures de comptes bancaires) mais les encadrent de conditions fiscales très sévères. Parmi celles qui sont habituellement exigées est la réalité des activités commerciales et financières dans le pays d'accueil. Les ouvertures ne sont pas toujours soumises à déclaration mais il existe des conditions, notamment des paliers d'investissement, à partir desquels elle devient obligatoire.
Si l'illégalité n'est pas toujours avérée, on voit bien que la démarche n'est pas entièrement dénuée de soupçons. Tout d'abord par le fait de l'anonymat et du montage souvent complexe des liens capitalistiques qui se perdent dans un enchevêtrement de participations "voyageuses". C'est bien la preuve que l'activité réelle dans le pays concerné n'est pas le but premier. La seconde raison est que ce système est exactement celui qu'utilise la criminalité mondiale pour blanchir l'argent sale.
On pourrait rajouter qu'il est immoral que des populations souffrent d'une économie exsangue et souvent, d'une fiscalité écrasante, alors que d'autres s'enrichissent illégalement et ne versent, à fortiori, aucun impôt. La domiciliation des comptes et sociétés offshore est une plaie mondiale qui alimente le crime et la corruption. Certains pays en font commerce depuis longtemps, comme le Panama ou Singapour. Au sein même de l'Europe, l'Irlande, le Luxembourg ou la Suisse ne s'en privent pas.
Et s'il fallait ajouter une raison de plus dans l'indignation, il faut savoir que le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait rayé le Panama de la liste des paradis fiscaux. Quant à la lutte du G8 contre ces paradis fiscaux, nous l'attendons toujours. Il faut donc se féliciter que la presse d'investigation s'engage enfin à s'attaquer à cette gangrène mondiale.
Le réveil du quatrième pouvoir
On le croyait mort par la disparition progressive du papier, de son modèle économique, de la montée d'une société d'inculture et, surtout, de la concurrence avec les nouvelles technologies. L'appropriation des images, des vidéos, des communications et des réseaux sociaux ont fait, un moment, croire que la fonction d'information s'était diluée et que les journalistes, au sens traditionnel, n'avaient plus vraiment leur place.
C'est un sentiment récurrent dans l'histoire de penser que l'homme disparaît au profit de l'action des machines et des systèmes. On avait tout simplement oublié que l'homme est toujours à l'origine des innovations et qu'elles sont entièrement contrôlées par lui.
Pour l'exemple des journalistes, c'est une erreur que les enseignants connaissent bien. Il y a toujours eu une croyance que la prolifération des supports de connaissances et d'informations allaient rendre inutile le métier de l'enseignant comme celui du journaliste.
Non seulement il n'en est rien mais c'est bien le contraire qu'il faut admettre. Plus la connaissance et l'information sont pléthoriques et plus la fonction de médiateur devient indispensable. Le journaliste comme l'enseignant sont les filtres, ceux qui procèdent à une remédiation afin de remettre du sens dans la connaissance brute qui ne peut jamais être exploitable. C'est eux qui «apprennent à apprendre» et développent le sens critique.
Comme tout médiateur, l'enseignant et le journaliste sont le meilleur mais peuvent être le pire s'ils ne sont ni formés ni contrôlés ou bénéficient d'un statut de monoplole. La démocratie est ainsi faite qu'elle repose sur une constante vigilance qui est mixé de confiance et de contrôle. Mais comme toujours, s'il y a des corrompus, c'est qu'il y a un système corrupteur. Qu'en est-il de la morale de cette affaire pour l'Algérie.
Nationalisme et religion d’État mais, portefeuille offshore !
Pour arriver à ses fins, une délinquance financière aux montants pharaoniques doit impérativement être corrélée au pouvoir politique ou à l'environnement de ce pouvoir. Mais, à terme, cela ne suffit jamais car la montée des consciences est l'ennemi numéro un de ce type de projet. Il lui faut impérativement sceller la rente financière d'une adhésion populaire sans faille.
Dès lors que les chaînes de l'esprit sont verrouillées, rien ne peut arrêter le système d'appropriation des consciences et des finances publiques. Pendant que les uns ressassent les exploits d'une révolution passée et que la majorité est aveuglée par la dévotion à l'invisible, les bons prêcheurs se gardent bien de maintenir leur esprit éveillé dans sa capacité à comprendre la finance internationale. Cette dernière ne se soucie ni de la morale des martyrs ni des lois célestes.
L'Etat n'a rien vu, les magistrats ont été aveugles, sourds et muets, et la population anesthésiée. Heureusement que dans le monde, il reste encore un autre pouvoir qui, en ce moment, se rebelle et veut reprendre sa place d’antan, celle du journalisme d'investigation.
Si c'est avec cette qualité d'initiatives, nous le lui accordons volontiers. Mais il sait que nous sommes conscients, qu'à son tour, il est à surveiller car son histoire n'est pas exempte de compromissions. Aujourd'hui encore....
S. L. B.
Sid Lakhdar Boumediene est enseignant
Commentaires (6) | Réagir ?
mercii
IL est temps de s'attaquer à l'origine du mal... donnc aux dealers à la place des consommateurs... Comme pour la droguie... il faut cibler ces bureaux d'avocats "fiscalistes" véreux qui s'adonnent au CRIME de l'optimisation fiscale !!!