L’Algérie, la France, les Etats-Unis et les menaces de violence latente
Le pays qui était considéré jusque-là comme un partisan de l’Ouest semble s’en détacher pour suivre la Russie. Cette situation mérite d’être regardée de plus près, compte tenu des implications directes pour le régime algérien qui vient de se mettre à dos une partie du monde arabe avec cette position singulière. Elle pourrait mener tout droit vers une augmentation de la violence en Algérie pour maintenir les démocrates loin du pouvoir.
Les nouveaux dévoilements faits par le site Wikileaks à la mi-mars ont mis en évidence les liens serrés qu’entretient le régime algérien avec des groupes terroristes. Ces envois diplomatiques montrent des accords ultras secrets du gouvernement algérien avec les islamistes radicaux dirigés par Mokhtar Bekmokhtar. Puisque Bouteflika a pris le pouvoir à la suite d’actions du FIS qui a fait plus de 150 000 morts en Algérie, on peut considérer que les extrémistes sont de très loin les parties prenantes les plus importantes du mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Par son amnistie des membres du FIS, réaffirmée dans la nouvelle constitution, Bouteflika a sauvé la mise à des milliers de ces extrémistes algériens qui se sont dispersés dans d’autres pays et font régulièrement la manchette mondiale depuis ce temps. Quand Bouteflika exhorté le peuple à rester groupé autour de sa bonne gouvernance, lui le tuteur des croyants, il joue publiquement sa carte islamiste et rappelle à lui ses vieux amis.
Une spirale de la violence en Algérie
Cette relation malsaine entre les extrémistes et Bouteflika laisse entrevoir l’amorce d’une spirale de la violence en Algérie. Les propos des plus hauts responsables de l'État qui multiplie les avertissements sur l'ampleur des menaces sécuritaires peuvent à juste titre être considérés comme une nouvelle tentative de faire taire les voix des démocrates qui tentent actuellement de reprendre leur pays en main. L’épouvantail du terrorisme est déjà agité sur la place publique pour faire peur au peuple et le maintenir sous la coupe du gouvernement. Une des principales cibles de cette répression qui se prépare risque d’être la dirigeante du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, qui vient d'obtenir un 5e mandat pendant la conférence nationale qui vient de se terminer. Elle a de plus réussi à faire éliminer des rangs du PT plus de 150 espions de Bouteflika. Un coup de maître qui la rend soudainement très dangereuse pour le gouvernement algérien en perte de prise sur ce mouvement qui a gardé ses racines et sa base ouvrière. On se rappellera que pour discréditer Louisa Hanoune et ses camarades du groupe des 19-4 alliés, de hauts responsables du gouvernement algérien l’ont traîné dans la boue et diffamé.
Les errements de la gouvernance de Bouteflika pourraient donc entraîner à court terme une recrudescence des violences en Algérie. Ce rapprochement de l’Algérie avec des pays plus radicalisés ou la violence est un mode normal de gestion des populations était visible il y a quelques jours à l'occasion du 60e anniversaire de la proclamation de la République du Pakistan. Abdelaziz Bouteflika a alors assuré son homologue pakistanais, Mamnoon Hussain, de son entière disposition à œuvrer de concert avec lui pour la promotion des relations bilatérales. Les deux pays ont plusieurs intérêts communs. Comme l’Algérie, le Pakistan appuie aussi les Russes et la Syrie. La bataille de Palmyre impliquait d’ailleurs des soldats pakistanais en plus des forces spéciales russes. Bouteflika connait la puissance des services secrets pakistanais. Ils pourraient l’aider à dompter un peuple qui se rebelle.
La colère du peuple gronde en Algérie
Mais quelle est la grande peur qui fait actuellement s’activer le gouvernement de Bouteflika? Louisa Hanoune et d’autres vedettes montantes de la démocratie algérienne réclament des élections présidentielles anticipées pour le poste du chef d’État. Affaiblis par les conséquences de son accident vasculaire cérébral en avril 2013, Abdelaziz Bouteflika, qui a eu 79 ans le 2 mars, ne parle plus en public et ne se déplace plus de sa résidence d'État de la forêt de Zéralda. Il délègue aux rencontres où il devrait aller soit le premier ministre Abdelmalek Sellal, soit les présidents des deux chambres du Parlement, Abdelkader Bensalah et Larbi Ould Khelifa. Cette situation en est à un point tel que plusieurs Algériens se demandent actuellement si l’homme en fauteuil roulant qui a besoin d'une assistance médicale permanente est encore celui qui dirige le pays. Dans les rues, on voit la colère de la population qui perd actuellement une bonne partie de son pouvoir d’achat. Malgré la propagande gouvernementale, les gens voient bien que malgré ses promesses, Bouteflika a préféré engraisser les comptes en banques de ses amis plutôt que d’utiliser l’argent pour diversifier l’économie du pays. La conséquence de ces actions est que l’Algérie est depuis deux ans face à une baisse de 70 % de ses revenus pétroliers qui représentent 97 % de ses exportations. Les citoyens commencent à demander son départ avec plus d’insistance à mesure qu’ils voient s’abattre sur eux l’austérité. Pendant ce temps, Louisa Hanoune mène une offensive sans répit contre l’oligarchie et sa prise sur le l’État. Actuellement nantie de sa nouvelle puissance qu’elle vient d’acquérir avec son 5e mandat, celle qui dirige le PT depuis un quart de siècle pourrait ébranler le gouvernement. Une perspective intolérable pour les oligarques.
Un autre phénomène qui laisse présager une possible augmentation de la violence en Algérie est le fait que Bouteflika fait la pluie et le beau temps avec le système judiciaire du pays. Il n’est en fait que le tampon d’une supposée légalité que se donnent les dirigeants du pays. Les résultats des poursuites montrent que la justice algérienne a deux poids et deux mesures différentes pour juger l’élite et le peuple. La règle de droit y sert les intérêts des uns et s'oppose à ceux des autres. Les militants des droits de la personne sont catégoriques : l'indépendance de la justice et l'État de droit n’existent pas en Algérie. Selon la volonté du gouvernement, la cour inculpe ou disculpe toute personne. Le meilleur exemple de cela est le récent retour de l'ancien ministre de l'Énergie Chakib Khelil recherché par l’Italie pour le plus gros détournement de l'histoire de Sonatrach. Une affaire de corruption de 200 millions de dollars n’est qu’un exemple de plus.
Pressions internationales pour sauver les Algériens
Le premier ministre français, Manuel Valls, doit se rendre en Algérie les 9 et 10 avril. La France est le pays qui peut actuellement le plus changer le futur de ce pays. Précédé par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, qui est actuellement à Alger, il sera accompagné d’une dizaine de ministres pour la réunion du Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) le 10 avril. Ceux-ci ont avec les possibles accords économiques un important pouvoir de négociation pour obtenir plus de démocratie en Algérie. Le premier ministre français pourra d’ailleurs se faire une idée lui-même de l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika puisqu’il doit lui parler en personne lors de sa visite. Il pourrait dénoncer les dérives inacceptables du régime qui préservent les intérêts des dirigeants aux dépens de la population. Des comportements totalitaires du régime pourraient être découragés au profit d’une répartition plus juste des richesses nationales. S’ils veulent sauver ce pays et un allié français, ils devraient demander une démocratisation réelle, quitte à changer d’interlocuteur.
La France ne doit pas avoir peur de fâcher son allié algérien puisque les politiques de Bouteflika s’enlignent de moins en moins avec les siennes et la démocratie. Le récent passage en Algérie du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rapproché les deux pays sur des sujets sensibles comme l’intervention en Libye en Syrie et sur le dossier du pétrole. Depuis la signature de la déclaration de partenariat stratégique entre la Russie et l'Algérie en 2001, les relations entre les deux pays se sont renforcées. Les plans et projets concrets entre les deux pays dans le domaine de la coopération commerciale, économique et militaire ne laissent présager rien de bon au niveau des droits de la personne en Algérie.
Les Américains ont aussi le pouvoir d’aider à la démocratisation du pays. Le secrétaire d'État, John Kerry, à la tête d’un groupe d'hommes d'affaires et de responsables d'entreprises, doit effectuer une visite à Alger quelques jours après les Français. Il pourrait lui aussi soulever le sujet de la démocratie algérienne. John Kerry qui a donné un coup de pouce à Abdelaziz Bouteflika juste avant son quatrième mandat en faisant un passage rapide en Algérie à un moment crucial pourrait intercéder pour qu’il cède pacifiquement au moins une partie du pouvoir. Les grandes puissances doivent insister pour que la transition de l’autoritarisme à la démocratie se fasse dans la paix. S’ils ne le font pas, ils risquent de voir s’ériger un autre gouvernement islamiste qui règnera sur l’Algérie. Cette situation pourrait aussi avoir une influence négative sur les pays environnants puisque l’Algérie joue un rôle important dans l’Union africaine. Le danger d’un bain de sang pour empêcher la démocratisation de l’Algérie est plus présent que jamais et les démocraties occidentales ont un rôle à jouer pour le prévenir.
Michel Gourd
Commentaires (5) | Réagir ?
il y a précipitation à vouloir récupérer le couronne du roi avant son décès !
Euh! Eeuuh! Eeêuh! Eeêêêuhh!! J'ai oublié ce que j'allais dire ! Oui, c'est ça ! Schiste comme shipa ! ça me revient ! Yekhla dar mahh!