"L’homme au chapeau" et les manœuvres de Daesh
Dès la mi-journée du sanglant 22 mars Bruxellois, les chaînes d’informations sont parties dans une spéculative hypothèse de "représailles" qui vengerait la récente arrestation de Salah Abdeslam, le supposé fuyard, déserteur même, des attentats du 13 novembre 2015.
Par Mohand Bakir
D’abord, une telle hypothèse donne au bonhomme une importance qu’il n’a probablement pas sur l’échiquier. Ensuite, le lien le plus raisonnable qui pourrait être envisagé entre sa neutralisation et le déclenchement des attaques de l’aéroport et du métro belge serait qu’elle faisait peser un risque accru d’interception des djihadistes qui préparaient ces attentats. L’hypothèse est donc que le fugitif était en contact avec ceux-là, ou qu’il continuait même à jouer un rôle logistique, sinon que leurs réseaux respectifs qui lui permettaient de vivre en clandestinité, lui et ceux qui sont passés à l’acte le matin du 22 mars, étaient connectés.
Abdeslam était censé avoir renoncé à sa "mission" dans l’attaque parisienne. Abandonnant sa charge explosive, il est exfiltré vers son pays. Il aurait été logique qu’à la suite de cette dérobade, il put être considéré comme un traître par ses commanditaires. Dans ce cas, il se pose la question de savoir sur quel réseau il a pu s’appuyer pour se soustraire aux recherches policières et à la vindicte de ses chefs. Sur des réseaux d’amis ? Sur des cercles familiaux ? ou bien, au final, sa défection n’était-elle qu’un élément du plan d’opération auquel il participait et que, n’étant pas un traître, son extraction et sa protection ont été l’affaire de ses acolytes de l’EI ?
La question n’est pas anodine, et elle ne s’intéresse pas, spécifiquement, au cas Salah Abdeslam. L’attaque kamikaze de l’aéroport Zaventem, semble avoir été prévue pour être menée par un trio d’assaillants, or l’un d’entre eux aurait (encore ?) renoncé à agir. Sa charge explosive a été retrouvée inactivée devant le comptoir d’une compagnie aérienne belge. Les images des caméras de surveillance diffusées dans le cadre d’un appel à témoin en font, pour les médias, "l’homme aux chapeau". Un peu à la manière du cambrioleur gentleman, Daesh fait revenir l’un des siens du champ de bataille et en fait la signature du crime et un lien avec ses prochains forfaits.
Quelle est le message réel de cette façon de faire et à qui s’adresse-t-il ? Est-elle juste une façon de narguer et de "ridiculiser" les services de police ? Ou est-ce une tentative d’hameçonner des médias friands en sujets de "unes" ? Peut-être n’est-elle qu’une manœuvre à l’adresse des recrues potentielles pour les convaincre que l’attentat terroriste est un «libre choix» et qu’il est même possible de faire marche arrière ? En tout état de cause cet "homme au chapeau", le nouvel "Salah Abdeslam", renseigne déjà sur l’existence de capacités logistiques et probablement aussi sur l’importance que l'organisation Etat islamique accorde dans sa stratégie aux médias. L’EI mobilise à leur égard les mêmes techniques que les scénaristes de séries à rallonges adoptent à l’endroit de leurs fans, toujours maintenir le suspens à la fin de l’épisode, et cela semble marcher….
M. B.
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