Trois journalistes décryptent l'Algérie d'hier et d'aujourd'hui

Benchicou, Zerrouky et Rezzoug ont débattu avec le nombreux public venu les écouter.
Benchicou, Zerrouky et Rezzoug ont débattu avec le nombreux public venu les écouter.

Dans le cadre des Rencontres avec l’Algérie, organisées par l’Association des amis de l’Algérie, ce vendredi 4 mars à l’Espace Ouest-France, un public nombreux était venu assister à la présentation de deux livres choc, par trois journalistes écrivains algériens de renom : Mohamed Benchicou, Hassan Zerrouky journaliste à l’Humanité (ancien journaliste au Matin) et Youcef Rezzoug, ancien Rédacteur en chef du journal le Matin.

Au-delà de ces deux ouvrages collectifs : "Ce qui nous attend en 2016 et en 2017" et "Novembre et la faillite démocratique" parus chez Marguerite Editions, c’est toute la trajectoire politique et économique de l’Algérie que ces trois experts ont brillamment déroulée, avant d’évoquer sans complaisance la situation actuelle de ce pays.

Ils évoquent tout d’abord l’histoire occultée de cette Lorraine, Emilie Busquant, épouse du leader du nationalisme algérien Messali Hadj. Elle a rédigé le premier texte revendiquant l’indépendance de l’Algérie en 1927, elle a conçu et confectionné le drapeau algérien qu’on connaît aujourd’hui, elle déjoué une tentative de collaboration entre le PPA et Hitler. Jusqu’à la fin, elle imposera l’idée d’indépendance en livrant bataille aux assimilationnistes, aux colonialistes et aux courtisans. Elle est morte seule et abandonnée avant d’être systématiquement effacée de l’histoire de l’Algérie.

Ils parlent ensuite de la guerre l’Indépendance qui n’a jamais été porteuse que d’un "projet d’indépendance" et non d’un "véritable projet de société". Puis peu à peu la mise en place de cette "pseudo-démocratie", sous-tendue par un pouvoir oligarchique, tenue par un seul parti et qui assoit son emprise tant sur le militaire que sur le du religieux. Le peuple n’a pas droit à exprimer son opinion et le pouvoir réglait jusqu’à présent les malaises sociaux en distribuant l’argent du pétrole…On pourrait presque dire que la maffia du pétrole possède véritablement son état: l’Etat Algérien !

Non, l’Algérie n’a jamais offert aux vrais démocrates la possibilité de construire une véritable société telle qu’ils en rêvent.

L’état des lieux est alarmant. Le prix du baril de pétrole en chute libre, les réserves bancaires épuisées, l’agriculture, l’industrie, la pêche, négligées au seul profit de l’exploitation des hydrocarbures n’assurent plus aucune exportation.

Le pays est fragmenté. Le pouvoir n’ayant jamais réussi à créer une véritable nation. Seule l’armée et la répression qu’elle exerce pour réprimer des émeutes dans telle ou telle région représente encore cette notion d’État algérien central. L’exemple de la Kabylie est longuement évoqué par les intervenants. Le peuple berbère a décidé de ne plus même participer aux élections. Il se désintéresse totalement de cet Etat dans lequel il ne se reconnait pas. Pire. La réponse du pouvoir ? Il envoie l’armée "occuper" la région.

Les scénarios suggérés par les trois journalistes pour ce qui est de l’avenir du pays s’avèrent, de ce fait, plutôt inquiétants.

Mais, malgré cela, les jeunes s’organisent en mouvements autonomes. Ils ne croient plus en les partis politiques qui sont des coquilles vides inféodées au pouvoir. Les femmes aussi s’organisent…même si, cautionné par le pouvoir, le Code de la famille qui fait d’elles des mineurs à vie, reste toujours en vigueur ! Dans le sud les mouvements populaires ont réussi à stopper les projets d’extraction du gaz de schiste initiés par nos Sociétés françaises. Preuve que l’Algérie résiste, que l’Algérie bouge.

"À la veille des catastrophes, on ne connait jamais tous les paramètres qui peuvent surgir… et bouleverser la situation", nous affirme Mohamed Benchicou. Message d’espoir sur lequel il quitte un auditoire enthousiaste.

De Rennes, Toufik. H.

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