La déperdition scolaire et universitaire en chiffres

Les statistiques sur la déperdition universitaire sont effarantes.
Les statistiques sur la déperdition universitaire sont effarantes.

La déperdition de la première année primaire jusqu’en classe de terminale ayant fait l’objet d’une évaluation par le Ministère de l’Education Nationale (MEN) et dont le résultat global a été rendu public, il s’agit ici en un survol, au moyen de quelques chiffres, de tenter une comparaison de ce phénomène avec celui observé dans l’enseignement supérieur.

En premier lieu, le MEN par la voix de sa ministre "déplore" récemment que "sur 1.000 élèves qui rentrent à l'école primaire la même année, 41 seulement obtiennent leur baccalauréat, soit environ 4%" ; ceux qui doublent ou abandonnent figurent alors dans le flot des 96%.

Pour la déperdition à l’université, à défaut de statistiques rendues publiques par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS), ce papier qui fournit des chiffres extrapolables à l’échelle nationale, se rapporte à une étude locale (1) réalisée au sein de l’université d’Oran 1 Ahmed-Ben-Bella, sur un échantillon de 339 étudiants inscrits en Sciences et Techniques (ST) durant l’année universitaire 2006-2007. Le résultat parait significatif et valable également pour des domaines tels les Sciences de la Matière (SM) ou celui de Mathématiques & Informatique (MI).

Ainsi, plus de 20% des étudiants de première année de licence en ST sont défaillants, c'est-à-dire inscrits sur les listes mais absents durant les épreuves, sinon tout au long du semestre ou de l’année universitaires pour la majorité d’entre eux. Quant à la réussite et au passage en deuxième année, sans dette aucune et même en comptabilisant ceux qui ont subi la deuxième "chance" des épreuves de rattrapage, le taux est de 36%. Il faudra peut-être signaler qu’il n’y a pas de notes éliminatoires, contrairement au système classique où il était exigé un minimum de 05 / 20 pour chaque matière. Signalons également l’existence d’un système de compensation semestriel puis annuel où l’étudiant peut accéder à l’année supérieure alors qu’il a de mauvaises notes dans au moins une matière fondamentale qu’il compensera, ce qui s’avère préjudiciable pour son cursus.

En effet, selon les textes et dans les faits, des étudiants obtiennent une note inférieure ou égale à 02/20 dans une matière fondamentale et accèdent à l’année supérieure, en optant de surcroit, pour une filière où cette matière est prépondérante. Du reste, plus de 60% des admis en deuxième année sont d’un niveau moyen. Concernant ceux admis avec dettes (10%), l’auteure précise qu’il est à craindre des difficultés pour eux, «dans le cas où il n’y a pas prise en charge pédagogique durant la deuxième année d’études». Et effectivement, que ce soit pour les endettés ou bien ceux qui doivent subir les épreuves de rattrapage, tous les deux ne sont pas pédagogiquement pris en charge, puisque les endettés par exemple, poursuivent des enseignements pour se préparer aux épreuves de telle année, alors qu’ils doivent également subir celles des matières en dette d’une autre année. Ces étudiants endettés sont donc à cheval entre deux années qui ne sont pas forcément consécutives et si l’on peut faire dans l’analogie, c’est comme si un recalé à l’examen du code de permis de conduire pouvait passer l’examen de conduite et sans qu’il refasse des cours supplémentaires pour l’épreuve de code. D’où la question suivante : peut-on conduire un véhicule si on ignore le Code de la route ?

Si l’on veut faire maintenant dans l’actuel, en fournissant des pourcentages récents, il faudra noter que cette année universitaire 2015-2016, et toujours dans la même université, le taux d’étudiants ayant réussi leur premier semestre en ST et sans épreuve de rattrapage s’élève à 28%. Il est à remarquer que tous les taux de réussite dont il est ici question, ne prennent pas en compte les défaillants, mais juste les examinés. De plus, pour ce dernier pourcentage, il en est qui ont été rachetés pour leur éviter ces rattrapages, comme il en est ceux qui refont l’année plus de deux fois.

Pour revenir à l’étude susmentionnée et en référence, si la première année d’université est une délicate étape de transition qui justifierait une déperdition où 20% de l’effectif est inscrit mais inconnu, il faut quand même remarquer que cette défaillance a aussi lieu en deuxième année, bien que son taux baisse à 5%. Quant au passage en troisième année, il est de 48%. Résumant autrement, on peut dire que sur 1000 bacheliers inscrits dans les Facultés des sciences et de la technologie, moins de 173 d’entre eux dépassent le cap des deux premières années sans trop de difficultés et restent toujours d’une manière générale, d’un niveau moyen ; ce qui nous donne un taux de réussite de 17%, soit un échec de 83%. Quant à la troisième année de Licence, elle connait certainement et encore, défaillances, dettes et déperdition fussent-elles moindres.

Dès lors, si dans les cycles de l’Education nationale l’échec est de 96% au bout d’une douzaine d’années d’études, il est de 83% après deux années d’université seulement. Et là, on pourrait dire que l’un de ces deux derniers pourcentages n’a rien à envier à l’autre. Nous ne disposons maintenant d’aucune donnée pour connaitre le taux de réussite en Licence et celui en Master ou en Doctorat, mais il faudra s’attendre encore à des déperditions.

Et pour l’étudiant chanceux qui termine son cursus, s’il ne fait pas partie du lot des chômeurs, il peut être recruté en occupant une fonction qui n’a aucun rapport avec sa formation qui souvent est de qualité moyenne. Quelle est alors, pour une promotion d’étudiants, le taux de ceux qui finissent leurs études sans nul accroc et qui trouvent un emploi conforme à leur parchemin ? Il vaut mieux ne pas se l’imaginer.

Ainsi, les enseignants à l’université se sentent désarmés face à l’écrasante majorité de leurs étudiants, sachant que durant les cycles antérieurs, les lacunes telles cette absence d’esprit critique résultant d’un formatage, cette insuffisance des connaissances requises et cette méconnaissance entre autre de la langue d’enseignement sont handicapantes.

Il est donc impossible de parler de performances à l’université, tant que les nombreuses déficiences persistent au niveau des cycles de l’éducation nationale. Car en construisant une maison, on commence par la base, les fondations, jamais par la toiture, comme le souligne un dicton bien de chez nous. D’autre part, on pourrait également dire que toute performance exige une sélection et une orientation étudiées. Sinon, il faut espérer que les réformes entamées dans l’Education nationale et confrontées à de remarquables résistances, puissent aboutir dans des délais ni trop longs, ni précipités.

Voilà ce qu’il a été possible de comparer en dégageant une ahurissante déperdition rimant avec perdition, sachant les impacts induits sur le plan humain, matériel et financier qui sont incalculables tant ils sont latents ou cachés ou indirects. Quant aux multiples facteurs de déperdition, là c’est un tout autre sujet où il est peut être question d’une réflexion commune regroupant entre autres, le MEN, le MESRS et le Ministère de la Formation et de l’Enseignement professionnel. D’autres évaluations plus fines s’imposent et devraient s’interpréter dans le champ scientifique puis transparaitre ensuite à l’échelle publique. Enfin, il s’agit de voir qu’il existe bel et bien une vision ou une projection globale, cohérente, unifiée et synergique, pour la gouvernance du système éducatif.

Rachid Brahmi

Référence : "Le LMD en Sciences et Techniques : quelle réussite ?"

Observatoire de la Pédagogie : Actes_11_2009.pdf

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Commentaires (1) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

wanissa