Vox populi, Vox Dei (*) : au secours, revoilà Omar Ghrib !
L’ex-coordinateur du Mouloudia Club d’Alger, Omar Ghrib, est de retour ! La suspension qui pesait sur lui, a été levée, à l’unanimité, par les membres de l’Assemblée générale de la FAF.
Cette dernière s’est réunie en session ordinaire. A huis clos ! Du jamais vu selon les journalistes sportifs qui ont été priés de quitter la salle de réunion sans motif valable. Le cas Omar Ghrib a été vite expédié. Trop vite, selon un journaliste d’un quotidien du soir qui en a fait le compte-rendu suivant : "Il a été avancé que les membres de l’AG ont levé la sanction frappant Omar Ghrib, sur proposition des responsables du CSA/ MCA ; or, tout le monde sait que cette demande n’a été signée que par deux membres du bureau exécutif du club algérois, c’est-à-dire à l’insu des autres membres, sans la signature du président légal et avec un cachet humide dérobé».
Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, Omar Ghrib est affranchi. Les "chnaouas" ont, semble-t-il, fini par avoir gain de cause, eux qui, 33 mois durant, n’ont cessé de réclamer son retour aux cris de "l’armée, le peuple sont avec toi Omar !". Ils ont en fait un slogan. Et de Omar Ghrib, leur idole ! Ils ont fait plier "ceux d’en haut" se sont autorisés à dire certains.
Le principal intéressé, une fois la nouvelle reprise par tous les médias, s’est précipité non pas pour saluer Hadj Raouraoua et ses pairs de la FAF qui ont été indulgents à son égard, mais pour remercier le Premier ministre, lui attribuant ainsi tout le mérite de la levée de sa sanction. Une réaction qui n’a pas vraiment étonné et qui a poussé un journaliste de TSA d’affirmer que "Omar Ghrib a été reçu, dernièrement, par des hautes autorités du pays". Ceci expliquant cela ! Faut-il conclure, pour autant, que la décision de l’élargissement d’Omar Ghrib est beaucoup plus politique que sportive ? A chacun de faire sa propre lecture.
Pour l’instant, l’ex-coordinateur du MCA jubile. C’est son jour de gloire. S’il était Américain, il y aurait bien longtemps qu’Hollywood lui aurait consacré un film. Pourtant, tout n’a pas été rose pour l’homme qui a dû, à maintes reprises, faire face à l’adversité ; enfant de la balle, de simple supporteur du club, il en est devenu le patron. Il a aussi réussi à se relever alors qu’on le croyait plus bas que terre. Il semble, systématiquement, sortir vainqueur de toutes les luttes dans lesquelles il s’engage. La toute puissante Sonatrach, par exemple, en a fait les frais, elle qui lui a remboursé tout ce qu’il a "investi" dans le club !
Beaucoup d’ailleurs, se sont demandés comment Omar Ghrib, livré à lui-même quand il était à la tête du MCA, arrivait à maintenir le club, la tête hors de l’eau ? "A l’époque de Omar, se plaît-il à rappeler à la manière d’Alain Delon qui parle de lui à la troisième personne, les joueurs étaient payés à l’échéance du mois et rubis sur ongle !". Petite pique au passage aux gestionnaires délégués par Sonatrach pour gérer le club.
ll n’en demeure pas moins que l’hypothèse selon laquelle Omar Ghrib sollicitait ses "amis" pour lui prêter de l’argent ne convainc personne. Il y a sûrement des hommes de l’ombre qui injectaient de l’argent dans la trésorerie du MCA. A dessein ou juste par amour du club, le temps le dira.
Vox populi, Vox Dei, Omar Ghrib est revenu plus fort que jamais ! Fort du soutien de ses fans. Et aussi peut-être de ses mentors qui attendent un retour sur investissement, subodorent certains observateurs de la vie politique. Il reprendra à coup sûr le club qui a pourtant souffert de la gestion induite par les tenants de l’informel. Son retour, "une question de jours, a-t-il soutenu avec aplomb au journaliste qui l’interrogeait sur le plateau d’Ennahar TV, dont il est lui-même "consultant sportif", en lui faisant croire que les choses sont "actées" !
Pendant ce temps-là, les représentants de Sonatrach, principale sponsor du club, affichent le silence le plus complet, au moment même où Omar Ghrib a lancé "publiquement" une véritable OPA sur le MCA. Ils ont, pourtant, clairement posé et dès le début de leur manifestation d’intérêt pour le club, les enjeux et les objectifs qu’ils voulaient atteindre. Ce qui leur a valu le soutien du monde sportif en général, et des supporters du club également. Le président du CSA/MCA Achour Betrouni a, pour sa part, refusé de commenter la levée de suspension de Omar Ghrib. Ce qui en dit long sur son opposition quant à l’éventuel retour "aux affaires" de ce dernier. Encore faut-il, se sont dits certains observateurs, qu’il ait les moyens de s’y opposer lui qui a été qualifié par Omar de "simple cadre retraité qui doit maintenant, s’en aller" ! (comprendre lui laisser le MCA).
Vox populi, Vox Dei, Omar Ghrib est de retour ! La nouvelle a ravi, semble-t-il, les présidents des principaux clubs du championnat Mobilis ! Discrets pour la plupart, ils n’ont pas voulu pour autant s’exprimer sur la nouvelle qui a ravi tout le peuple du Mouloudia. Encore moins révéler leur mode de gestion financière ; ils prétendent tous "qu’ils y vont de leur poche, qu’ils se sacrifient pour leur club !".
En attendant, la probable "ré intronisation" de Omar Ghrib à la tête de la section football du MCA, voire plus si affinités, les médias continueront de parler des salaires des joueurs et des entraîneurs. Des débats houleux sur le football existent, mais ils se rapportent beaucoup plus à des querelles byzantines sur le sexe des anges qu’à un vrai questionnement sur ce sport qui fait chavirer les foules. L’opium des peuples !
Alors que dans d’autres pays les clubs de football sont devenus de véritables entreprises gérées de manière transparente, cotées en bourse et obéissant à des obligations de résultat, les nôtres sont encore considérés comme de simples "associations" et donc gérées en tant que telles. Résultat, un club ne peut pas faire de bénéfices, tout comme il ne peut pas être propriétaire d’un quelconque bien. Encore moins, du stade dans lequel il évolue chaque semaine.
Comment voulez-vous parler dans ces conditions de professionnalisme ? Ou plus encore de rentabilité, à l’ère des vaches maigres ? Tout le talent d’un président de club "professionnel" consiste à se sortir des situations financières délicates auxquelles il doit faire face, au besoin, en s’adressant aux amis ! Tout comme Omar Ghrib.
En Algérie, faut-il le rappeler, l’entrée du football dans le professionnalisme a été un échec pour cause, déjà, de refus des présidents et des dirigeants des clubs de se plier à la transparence, d’assainir leurs comptes et aussi, d’établir des vrais contrats avec leurs collaborateurs, joueurs, entraîneurs et assistants. Ils ont été incapables d’ouvrir des centres de formation pour jeunes talents sans parler de la valse des entraîneurs qu’ils "répudient" à leur guise, sans se soucier pour autant, des graves préjudices financiers qui en découlent. A qui la faute ? A la FAF, sûrement. Aux pouvoirs publics, également.
On tape toujours sur les joueurs ! Sur l’argent qu’ils touchent ou sur leurs attitudes. Sur leurs déviances aussi et le cas de dopage de Youcef Belaili en a été l’illustration et a sonné comme un avertissement à tous ceux, parmi les joueurs, qui seraient tentés d’absorber des substances illicites pour améliorer leurs performances.
Comment, en définitive, ne pas donner raison aux personnes qui critiquent ce sport pollué par l’argent ? On se croirait dans le monde politique avec ses coups bas, ses retournements de veste et l’argent sale qui coule à flots.
L’argent ! C’est lui qui donne tout, qui explique tout, qui corrompt tout. De jeunes Algériens brillants, qui pourraient s’élever au sommet de leur discipline : en physique, en chimie, en médecine, à qui le pays refuse de donner un poste en rapport, doivent s’exiler à l’étranger pour travailler et vivre. Pendant ce temps-là, tel joueur gagne plus de 400 millions net/mois. Sans compter les primes et autres dessous-de-table a affirmé Yazid Ouahib dans un excellent dossier publié dans El Watan. Résultat ? Le football, local du moins, a cessé d’être un jeu pour devenir un business !
La violence ! Elle est partout. Dans les stades et aux abords des enceintes du football. Toute manifestation sportive est désormais considérée non comme une fête de la détente, de l’amitié, mais comme une manifestation à haut risque qui demande une protection policière. Les ultras, à l’origine des affrontements et des débordements ne s’en cachent pas : le foot n’est qu’un prétexte à la baston et les insultes contre les joueurs fusent y compris lors des séances d’entraînement.
La haine ! Il n’y a pas de bonne guerre sans la détestation irrationnelle de l’ennemi. Voyez la "gueule" de certains supporteurs ; détaillez ces faciès défigurés, convulsés par la haine de ceux d’en face ! Un classico comme on dit est désormais inconcevable sans haute protection policière. C’est aussi un cauchemar pour les familles riveraines des stades.
Le chauvinisme ! Il s’est, longtemps, alimenté à l’esprit de clocher, c’est-à-dire à l’idée saugrenue de la supériorité des natifs du lieu sur ceux d’à côté. En fait, non, on n’a pas éradiqué la bêtise, on l’a même mondialisée avec la détestation des joueurs africains qui subissent le racisme et les quolibets à chaque rencontre…
Le dopage ! La recherche effrénée du résultat, l’accélération des matchs ont transformé les joueurs en bêtes de somme exploitables à merci. Et ces derniers, entre deux blessures, ne tiennent que par les anabolisants voire la drogue. S’il y a si peu de cas avérés dans le football algérien, c’est qu’on se garde bien d’y aller voir, disent les spécialistes.
La triche ! Tout le monde du sport en a parlé ! Le championnat des Ligues 1 et 2 de l’année dernière, aura fait date en la matière. Des joueurs qui lèvent le pied, des dirigeants qui soudoient des arbitres ou tentent de le faire, la presse en a fait ses manchettes ! Le couvercle à peine levé a aussitôt été refermé et le championnat, aussi ! Unique dans les annales du football mondial : dans le championnat algérien de 2015, une équipe pouvait aussi bien rétrograder que postuler au podium en alignant deux victoires de suite ou deux défaites consécutives !
L’imposture ! Des contrats à prix d’or ont été signés avec des joueurs, tout juste, moyens. Il faut dire que l’amour des couleurs n’est pas pris en compte dans ce genre de tractations, ni par les uns ni par les autres ! Il y a aussi tous ces entraineurs étrangers, en errance, sans palmarès aucun, qui viennent profiter d’un système qui fait fuir le produit de l’ISTS qui s’en va monnayer ses compétences dans les pays du Golfe !
Il faut poursuivre ce qui ne marche pas et si possible faire pire, semblent nous dire tous ces imposteurs nichés dans les instances du foot et les clubs. Ces gens sont malheureusement les seuls que l’on écoute en haut lieu, alors que tant de voix iconoclastes poussent des cris d’alarme concernant le sport en général et le football en particulier, gangrénés de toutes parts.
Le peuple du Mouloudia et Omar Ghrib ont, semble-t-il, gagné. Mais en fin de compte, le football ne serait-il pas devenu un monde de politiciens où le pouvoir et l’argent en sont les principaux moteurs ? Un espace trop convoité pour n’appartenir qu’aux joueurs et aux amateurs du beau jeu ? Un monde interlope où certains, derrière les rideaux, ont d’ores et déjà, mis leur curseur sur deux dates précises : 2017 et 2019 !
Cherif Ali
(*) Vox populi, Vox Dei, n’est qu’une citation détournée de l’expression "Vox populi, populus stupidus" qui se traduit comme suit : "Et ces gens qui continuent à dire que la voix du peuple est la voix de Dieu ne devraient pas être écoutés car la nature turbulente de la foule est toujours très proche de la folie !". C’est en 798 que le moine anglais Alcuin, écrivait à l’empereur Charlemagne "qu’il faut se méfier de la voix du peuple, notamment en ce qui concerne l’élection par acclamation, afin d’éviter l’influence d’une émotion populaire éphémère et de permettre les conditions d’un jugement historique dépassionné".
Commentaires (2) | Réagir ?
good
wanissa
C'est à l'image de l'Algérie. Un voyou qui a ridiculisé nos officiels se voit réhabiliter. Wallah Mehzalla.
Autant pardonner à Moumen, au général Benhadid (enfin s'ils sont coupables).
Faites ce que vous voulez