Une Constitution contre le peuple et la patrie
"Le nombre de jours qu'il me reste à vivre, Dieu seul le sait. Mais quel que soit le point de la course où le terme m'atteindra, je partirai avec la certitude chevillée que quels que soient les obstacles que l'histoire lui apportera, c'est dans le sens de sa libération que mon peuple - et avec lui les autres - ira. L'ignorance, les préjugés, l'inculture peuvent un instant entraver ce libre mouvement, mais il est sûr que le jour inévitablement viendra où l'on distinguera la vérité de ses faux semblants. Tout le reste est littérature". Mouloud Mammeri.
Les faux semblants, politiques ou autres, l’exclusion, les compagnes d’aliénation menées contre la mémoire d’un peuple et toutes les mémoires collectives qu’elle recèle, la guerre contre tout ce qui fonde ses pluralités identitaires et ses diversités culturelles, la diabolisation, le dénigrement, l’assassinat politique, l’assassinat du politique, les fleuves de sang et les océans des ignorances enseignées ne peuvent empêcher la manifestation de la vérité, le temps d’un rendez-vous avec l’histoire où la volonté populaire brave les interdits institutionnalisés et prend possession du temps et de l’espace.
Ce rendez-vous, nous l’avons vécu au plus profond de notre être, suite au départ de Hocine Aït-Ahmed, l’une des figures de proue de l’histoire contemporaine, vers un monde meilleur.
Lors de ses funérailles, le peuple algérien et, à travers lui, les autres peuples opprimés et les démocrates impénitents du monde entier ont montré combien il avait raison de mener une vie de combat où l’on ne dissocie pas la politique de l’éthique. Une vie d’honneur où il n’y a pas de place aux honneurs de circonstance. Une vie où le bon sens recommande le compromis pour éviter ou arrêter l’effusion du sang, et la dignité rejette "dans le fond et dans la forme" toute compromission ou vente concomitante.
Fidèle à ses principes d’homme d’honneur, Dda l’Hocine a refusé d’être enterré au Carré des Martyrs D’El Alia, lui préférant "le tuf ancestral" d’At-Ahmed, un pôle de Taqbaylit, cette culture populaire d’expression amazighe, où son aïeul, Cheikh Mohand Ou l’Hocine, réussit en son temps à bâtir une sorte de Cité idéale où le temps était à la fécondation de la religion par l’apport de la culture du peuple. Par ce choix, la grandeur de Dda l’Hocine s’est manifestée via son humilité d’enfant du peuple qu’il n’a jamais cessé d’être.
Aussi, ce choix est à prendre comme un ultime enseignement, magistral comme tous ses précédents, de l’homme qui, tout en restant enraciné dans la culture de nos ancêtres, a su faire siennes les valeurs universelles jusqu’à en faire bénéficier son pays dans son premier combat pour l’indépendance et le second, pour la libération de son peuple du joug de ses tuteurs autoproclamés.
Qu’en est-il de la question centrale de la légitimité ?
Le vent de l’histoire a soufflé sur les monts du Djurdjura comme pour nous rappeler que ses vrais faiseurs ne meurent que pour renaître dans nos mémoires, nos cœurs et éclairer nos esprits en ces temps de confusion aliénante. Afin d’empêcher l’élan émotionnel national suscité par la disparition de Dda l’Hocine et le consensus populaire établi autour de son combat de donner naissance à une dynamique citoyenne de refondation démocratique du système politique algérien, le régime des prédateurs a concocté un projet de texte fondamental servant d’emballage constitutionnel à son illégitimité originelle et officialisant l’interdiction de la réhabilitation de la légitimité populaire.
Préparée en conseil de ministres étrangement restreint, "présidé" par un Président frappé de deux illégitimités - celle de sa non-élection par le peuple et celle de son incapacité à exercer son mandat du fait de son état de santé - la mouture de cette nouvelle constitution aux allures bonapartistes est présentée à un parlement fantoche pour une adoption programmée. Le tout est de couper court à toute possibilité d’élection d’une Assemblée Nationale Constituante à même de soumettre le projet d’une constitution à la souveraineté du peuple par voie référendaire.
Ce projet schizophrénique élaboré sans la participation du peuple est fait contre lui et la patrie. Consacrant l’exclusion, il constitue une nouvelle violation de la souveraineté populaire et une menace réelle pour la cohésion nationale, les libertés démocratiques et les secteurs économiques hautement stratégiques du pays.
Annoncée à grandes pompes quelques jours après les funérailles majestueusement populaires et nationales de Dda l’Hocine , histoire de tourner cette page porteuse d’espoirs pour le peuple et source d’inquiétudes pour le régime, le projet de l’officialisation de tamazight prend les allures d’une réduction à un statut minoritaire de l’identité et de la culture amazighes.
Tamazight : le piège de l’officialisation
Pris de panique devant la dimension populaire nationale prise par les obsèques de Dda l’Hocine, le régime a annoncé l’officialisation de Tamazight tout en lui opposant des garde-fous, en se gardant de lui accorder un statut égal à celui de la langue arabe - singularisée dans son statut de langue nationale et officielle ainsi que sur le plan de l’officialité étatique- en maintenant le flou sur les modalités de sa transcription et l’échéance accordée à l’aboutissement du processus de son officialisation et en lui refusant l’irréversibilité réservée aux constantes nationales. Le premier effet de l’annonce de l’officialisation de tamazight dans la nouvelle mouture de la constitution a été vécu comme une victoire historique, contre le déni identitaire, par tous les démocrates impénitents de l’Algérie, surtout, les militants de la cause Amazighe. Seulement, cet effet ne fut que de courte durée.
Le statut officiel de Tamazight est loin de constituer une œuvre de charité du régime envers le peuple. Il est le résultat d’un combat mené depuis des décennies et des sacrifices consentis par toutes celles et tous ceux -toutes tendances politiques confondues- qui ont refusé de se renier au nom d’une définition inaboutie et aliénante de la Nation algérienne.
Que toutes celles et tous ceux qui, parmi eux, nous ont quitté trouvent la Paix éternelle et que tous ceux qui sont encore vivants trouvent ici l’expression de notre reconnaissance.
Cela dit, le chemin est encore long et parsemé d’embûches. Il l’est d’autant que le projet de la nouvelle constitution offre aux décideurs un espace de multiplication et d’exacerbation des oppositions entre les différents segments de l’identité nationale pour empêcher l’émergence d’une dissidence pacifique allant dans le sens de la construction d’une identité citoyenne transcendante.
Non déplaise à ce régime antipatriotique, l’Algérie ne se reconnait pleinement que dans toutes les pluralités et toutes les diversités que recouvre son algérianité.
Cette Algérie est celle de tous ses enfants, heureux de vivre pleinement leur citoyenneté.
Son histoire n’est pas à mutiler, sa mémoire n’est pas à sacrifier, les appartenances identitaires de ses enfants ne sont ni à compartimenter, ni à opposer les unes contre les autres pour faciliter leur destruction.
Toute tentative de dénaturer la personnalité algérienne est, au mieux des cas, vouée à fournir à ses auteurs l’illusion berceuse d’une maîtrise du destin national. Dans la pire des situations, elle provoque des tragédies où les promoteurs du «terrorisme pédagogique» et leurs acolytes font couler des "fleuves de sang". Seulement, quand à la vérité politique se joint la vérité historique, il ne sert à rien de chercher à se dédouaner de ses crimes contre le peuple et la patrie.
Face à cette réalité, le mensonge est le pire des ennemis intimes.
L’urgence d’un sursaut patriotique !
Les contradictions et les oublis calculés que ce projet contient exposent la mémoire nationale à l’aliénation, l’histoire à la mutilation, la vie publique aux manipulations, les enfants du peuple à l’exacerbation des tensions que permet le retour aux identités segmentaires et la souveraineté du pays aux griffes d’une néo-colonisation consacrant la primauté des toutes les raisons sécuritaires d’Etat sur le droit des peuples des pays anciennement colonisés d’exercer leurs souverainetés respectives.
Sous forme "présidentialiste", ce projet de constitution est une nouvelle violation de la légitimité populaire. Il perpétue la triste tradition de la soumission de l’exercice des souverainetés politiques et économiques nationales au bon vouloir de l’irrationnel et au diktat de l’informel. Antipatriotique, il a l’ambition de permette au régime criminel d’effectuer sa mue sans remettre en question ses fondements. Antinational, il remet au goût du jour le tristement célèbre code de l’indigénat. Ainsi, à des milliers d’algériennes et d’algériens ayant été contraints de quitter leur pays, il est opposé un arsenal d’interdits visant à les exclure de la vie nationale, à les empêcher de participer activement à la construction d’une alternative démocratique salvatrice au régime des gangs, des criminels et de la mafia de l’argent sale.
Diabolique, cette nouvelle mouture de la constitution officialise l’assassinat du politique. En effet, ce texte introduit une innovation en la matière en réduisant le combat politique à la caricature du carriérisme parlementaire.
La peur au ventre, le régime criminel et mafieux a doté la nouvelle mouture de la constitution de l’ambition de compartimenter et d’empaqueter les richesses populaires de notre pays.
Par fidélité à la mémoire de nos illustres aînés et à leur combat, nous lançons un appel à tous les démocrates impénitents de notre pays à rejeter toute représentation nationale actuelle et future au sein d’un Parlement dépourvu de toute légitimité.
Aussi, nous invitons l’ensemble des algériennes et des algériens opposés au régime actuel à puiser dans nos richesses populaires les moyens d’engager une dynamique citoyenne à même de définir les contours d’une société civile et d’une société politique, nécessaires pour le lancement d’un processus de réhabilitation de la légitimité populaire.
Ce processus ne peut faire l’économie de l’élection d’une Assemblée Nationale Constituante. Car, seule cette Assemblée peut doter le pays d’un projet constitutionnel de refondation démocratique de son système politique.
Ceux qui croient que ce peuple abdiqué, qu’il a dit son dernier mot ou qu’il s’est résigné à la fatalité doivent apprendre à le connaître, à connaître son histoire. Car, ce peuple qui a pleuré Dda l’Hocine et tous les meilleurs enfants de l’Algérie qui ont rejoint le firmament a abreuvé de ses larmes l’espoir qu’ils ont semé en chacun de nous.
Aussi longue et sombre soit la nuit, le soleil finit toujours par poindre à l’horizon.
Essaid Aknine et Hacène Loucif
Commentaires (6) | Réagir ?
... 1962 c' est le tristement célèbre top départ de la chasse aux lumières par la formule funèbre " la valise ou le cercueil" sans discontinuer et sans que personne ne s' en émeuve outre mesure et je dirai même que les algériens s' en donnaient à cœur joie pour ces rafles inouïes contre les non musulmans les non révolutionnaires contre les juifs contre les chrétiens contre le méchant colon contre le marocain.... juqu'aux algériens dits binationaux en 2016 !!!!! ils est trop tard pour redresser les choses car l' arbre de l' harmonie a cassé en 1962 un certain 05 juillet... " KAMA TOUDINNE TOUDANNE " au pays de milles et un cauchemars !!!!!
qui se sent morveux se mouche