Terrorisme et manipulation : combien de divisions ?!

Les jihadistes de l'EI ont été largement financés par des pays du Golfe.
Les jihadistes de l'EI ont été largement financés par des pays du Golfe.

Le monde de nos jours vit une ère très critique, laquelle est faite de surenchères politique et médiatique. Une réalité à laquelle aucun Etat, quelle que soit son envergure, ne peut se soustraire. Or l'accélération de la roue de l'histoire ces dernières décennies a provoqué une prise de conscience des peuples du Sud de la gravité des dérives et des enjeux auxquels ils font face.

Un exemple parmi d'autres de ces dérives-là : l'instrumentalisation religieuse aux fins impérialistes. L'islamisme, Daesh, le terrorisme, etc., en forment sans doute partie. Un fonds de commerce juteux pour "cet empire démocratique du Nord". A vrai dire, les Occidentaux avaient beau tisser de généreux discours "droits de l'hommistes" pour convaincre le reste de l'humanité que l'Etat islamique implanté en plein cœur de l'espace géopolitique arabe est "seulement" le fait du radicalisme religieux, ils n'ont réussi en fin de compte à convaincre personne. Pour cause, quiconque sait désormais que cette nébuleuse terroriste a prospéré sous leur bénédiction d'abord au Moyen-Orient où ils (les Occidentaux) ont encouragé les dictatures, faisant pendant très longtemps le dos rond aux cris de s.o.s des sociétés civiles et des organisations de droits de l'homme. Puis, en Europe et aux Etats-Unis où, servant durant les années 1980-1990 d'arrière-bases logistiques aux mouvements islamistes jusqu'au fameux 11 septembre 2001, ils ont anesthésié les énergies mobilisatrices à même de permettre un renouveau démocratique dans ces pays-là. Le comble du drame dans tout cela est que «cette politique du pire» a continué son cours de façon encore plus insidieuse durant le Printemps arabe, ses révolutions et ses contre-révolutions. En effet, j'ai traité dans un article précédent "Daesh et ...les autres" comment par exemple les américains ont pu tromper l'opinion publique internationale, en surestimant la puissance militaire de quelques autocraties (Irak, Iran, Libye, Syrie, etc.), et en instrumentalisant l'islamisme à des fins géostratégiques. Un jeu de balançoire qui n'est motivé que par des ambitions géostratégiques, économiques et surtout énergétiques! Il semble que c'est aussi la même danse qui est menée par les autres pays alliés.

Prenons l'exemple français et examinons-le de plus près. En 2005, l'ex-président Jacques Chirac aurait décidé de rompre les relations diplomatiques avec la Syrie jugeant que Al-Assad était le commanditaire de l'attentat contre le Premier ministre libanais Rafik Hariri, l'ennemi juré des alaouites damascènes. Contre toute attente, trois ans plus tard, son successeur Nicolas Sarkozy renoue avec la nomenclature baâssiste. Dans une allocution qui date du 12 juillet 2008 à l'Elysée en présence même d'Al-Assad en visite officielle, il déclare en substance "vous avez bien compris que nous entamons de nouvelles relations. Pas pour quelques jours, pas pour quelques semaines, des relations structurelles stratégiques". Or le 27 août 2011, suite aux remous du Printemps Arabe, le ministre des affaires étrangères Alain Juppé emprunte un virage à 180°, en déclarant "la France a dit la première que Bachar Al-Assad doit quitter le pouvoir". A l'arrivée de François Hollande aux affaires en 2012, les choses n'ont pas évolué d'un iota, le 13 novembre 2012, le locataire de l’Élysée demande la levée de l'embargo imposé à la Syrie afin que les alliés puissent livrer des armes à l'opposition "la France, argumente-t-il, reconnaît la coalition nationale syrienne comme la seule représentante du peuple syrien et donc comme le futur gouvernement provisoire de la Syrie démocratique". Or cette coalition se compose, rappelons-le bien, de l'A.S.L (armée syrienne libre) infestée par les islamistes (les groupes épars qui revendiquent haut et fort l'idéologie fanatique et qui seraient quelques années plus tard derrière les attentats de Paris). Encore, en août 2013, Paris s'en tient à une logique interventionniste, voulant bombarder le fief d'Al-Assad. A cet effet, Laurent Fabius, le patron du Quai d'Orsay aurait défendu avec opiniâtreté durant presque 3 ans la solution extrême, fustigeant même la décision de l'administration américaine de placer le Front d'Al-Nosra sur la liste des organisations terroristes. Et pour justifier ses options "pro-islamistes", Fabius ironise le 13 décembre 2012 en ces termes "parce que sur le terrain, ils font du bon boulot".

Pas question à l'évidence pour cette France socialiste de faire fléchir ses positions anti-Assad. Surprenant ! Même quand Vladimir Poutine aura proposé le 28 septembre 2015 une coalition internationale devant l'assemblée générale de l'O.N.U contre l'hydre terroriste de Daesh, il s'est vu vite tacler par François Hollande sur la même tribune "Bachar Al-Assad, dit ce dernier, est l'origine du problème ; il ne peut pas faire partie de la solution". Or le 16 novembre de la même année, Hollande change complètement de cap à cause des attentats de Paris. Devant le congrès réuni à Versailles, le président déclare ceci "aujourd'hui, il faut plus de frappes-nous en faisons-, plus de soutien à tous ceux qui se battent contre Daech -nous l'apportons, nous la France-, mais il faut un rassemblement de tous ceux qui peuvent réellement lutter contre cette armée terroriste dans le cadre d'une grande et unique coalition- C'est ce à quoi nous travaillons". Ajoutons à cela que loin par exemple du fameux discours de Phnom Penh du général de Gaulle en 1966 où la France s'est posée comme le chef de fil des pays non-alignés face à l'hyperpuissance américaine et à l'ex-URSS et à mille lieues également de l'antiaméricanisme chiraquien lors de la guerre d'Irak en 2003, la France d'aujourd'hui comme d'ailleurs celle de Sarkozy semble engagée dans un suivisme aveugle de la doxis interventionniste de l'Oncle Sam. En tous cas, l'Etat islamique qui adopte une stratégie "glocale" pour emprunter le mot de de l'analyste Nabil Moulin, autrement dit, une capacité à penser globalement et à agir localement a trouvé dans tous ces revirements et ce pro-américanisme hexagonal la meilleure aubaine, voire le meilleur argument pour frapper fort. Quant aux gérontocraties arabes, c'est une autre paire de manches.

Dans un article paru dernièrement dans Le Monde diplomatique sous le titre "Printemps arabe, autant en emporte le vent" (décembre 2015), Hicham Alaoui qualifie les régimes autoritaires arabes de "Mamelouks modernes". Une appellation tirée d'un autre article de Jean-Pierre Filiu "Mamelouks modernes, mafias sécuritaires et djihadistes", Orient XXI, 19 septembre 2015. Autrement dit, si ces nomenclatures-là sont dépositaires de la puissance de l'Etat, elles sont en même temps étrangères à leurs sociétés. Pour rappel, les Mamelouks furent les soldats esclaves non-arabes (mercenaires) entre le IX et XIII siècle que la dynastie abbasside (750-1250) aurait recrutés sur des territoires situés hors du monde musulman afin de gagner en hégémonie. Comment ? Le trait saillant de ces derniers est en fait qu'ils étaient invulnérables à l'intérieur des pays qu'ils conquièrent ou gouvernent parce que se plaçant au-dessus des conflits claniques. Toutefois, très fragiles à l'extérieur parce qu'agissant sous l'ordre d'une tutelle étrangère (l'Etat abbasside dans leur cas de figure) ou des puissances étrangères (les Américains et les Occidentaux dans la situation actuelle des autocraties arabes), ils tombent rapidement en cas d'invasion externe. On peut penser par exemple au régime bâassiste "sunnite" de l'Irak de Saddam qui n'a tenu jusqu'au 2003 que grâce au soutien américain (il était minoritaire face aux chiites), à celui alaouite d'Al-Assad qui ne tient aujourd'hui que grâce à l'Iran et à la Russie (minoritaire face aux sunnites), à l'Egypte de Moubarak qui s'appuie sur l'Union européenne et les U.S.A pour survivre (moins d'ancrage populaire par rapport aux islamistes), puis à celle d'Al-Sissi qui lui emboîte maintenant le pas, à l'élite gouvernante en Algérie (illégitime et sans consensus à l'intérieur) mais s'appuyant sur la France, l'ex-puissance coloniale, etc. Ce réflexe Mamelouk dénote, à vrai dire, d'un héritage autocratique et patrimonial plongeant ses racines dans l'histoire et l'anthropologie arabo-islamique. Si l'on schématise par une métaphore, ce sera ainsi «une main de fer (intérieur) dans un gant de velours (extérieur)".

Bien entendu, c'est avec cette logique-là que ces régimes consolident leur contrôle sur les mouvements islamistes mis sur le devant de la scène par les américains au début des années 1980 après la guerre afghano-sovéiatique. Prenons quelques exemples : sous la pression de l'Arabie Saoudite allié des U.S.A, le gouvernement du Yémen aurait qualifié les "houthistes" de mouvements terroristes à la solde de l'Iran, tout en engageant des pourparlers avec Al-Qaïda. De même, toutes les monarchies du Golfe voient dans Daesh un pire ennemi mais ferment les yeux sur les mouvements islamistes actives sur leur propre territoire qui, à distance, financent l'islamisme hors de leurs frontières. En Libye, le général Haftar adoubé par l'Union européenne et les U.S.A aurait laissé l'E.I s'emparer du régime à Syrte, préférant se consacrer à la lutte contre le gouvernement rival de Tripoli.

En Syrie, poussé par les russes, Al-Assad aurait, à son tour, libéré des centaines d'islamistes et emprisonné, ironie du sort, des militants "démocratiques" de l'opposition. Et les stratèges militaires égyptiens ont tenté d'amener, sous pression étrangère occidentale, les frères musulmans à se radicaliser afin de les accuser de terrorisme et justifier par ricochet une guerre totale contre eux. Preuve en est que la répression du Maréchal Al-Sissi n'a jamais été aussi implacable même depuis Nasser. En toile de fond, on remarque aussi que les tensions géopolitiques ont exacerbé les haines confessionnelles faisant à titre d'exemple du "péril vert" le facteur déterminant pour déclencher des contre-révolutions (diabolisation de l'islamisme contre démocratisation des Etats) et de la menace du "chiisme iranien" une raison pour l'union des gérontocraties arabes! Combien de divisions ?

Kamal Guerroua

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Commentaires (4) | Réagir ?

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chawki fali

Le journal nous aide beaucoup

Les sujets sont précieux et distinctifs

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khelaf hellal

La sunnite, la chi3ite, la Allaouite, la wahabite, la salafite et la 3ibadite, ce sont des maladies ou des religions ? Ou alors ce sont plusieurs maladies dans la même maladie. Est-ce que nous ne sommes pas par hasard dans un monde de fous ? C'est parti pour une "guerre des trente ans" dans la même religion avant qu'ils ne se décident enfin à aller consulter un psychanaliste. Il faut sortir de sa névrose et aller vers des solutions qui ont fait leurs preuves : la philosophie des lumiéres, la démocratie , la laicité, la liberte de culte et de conscience, les valeurs et les droits de le homme de la convention universelle. On s'en fout des americains, des russes, français , de l'occident, de l'egypte, du moyen orient etc... Nous assistons le plus de nos jours à des croisades entre musulmans allaouites chi3itescontre sunnites-wahabites et salafites contre Ibadites et sunnites d'un autre genre , on ne sait plus ou le debut et la fin du probléme car, comme on dit en math, un problème bien compris est à moitié résolu.

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