Bonne année, vraiment ?
Tout d’abord cette question : à combien de personnes, peut-on souhaiter une bonne et heureuse année, avec un minimum de réalisme voire de sincérité ?
Difficile d’y répondre. Alors question suivante : d’où vient cette étrange habitude des humains de fêter l’arrivée de la nouvelle année, tout comme ils fêtent leurs anniversaires ! Bref, de fêter tout ce qui les rapproche de leur mort en fait, comme disait un philosophe. Difficile de remonter le temps pour y trouver un sens à ces us. D’aucuns les assimilent à des innovations illicites, "bidaâ", disent-ils. Beaucoup d’entre nous continuent, même si c’est machinalement, à les fêter, à l’instar des citoyens du monde.
La bonne année en fait, disons-le, ne sera jamais qu’un souhait ; on sent aussi comme une tentative d’éterniser et de recycler le temps. Dans la répétition du rituel. Elle est fêtée par SMS pour beaucoup d’entre-nous. Par un bilan des plus positifs par ceux qui nous gouvernent, et qui viennent, même à nous demander "d’adopter un mode de consommation adapté à ce que nous produisions comme richesses et que nous renoncions à l’économie basée sur, essentiellement, les hydrocarbures en vue de passer à une économie diversifiée axée sur l’agriculture, l’industrie et les services".
Que cela soit ! Seulement voilà, il y a un an ou même plus, voire de tout temps, notre gouvernement, et tous ceux qui l’ont précédé, nous promettaient une sortie du pays de la dépendance des hydrocarbures, oubliant impudemment l’adage préféré de Helmut Kohl : "Pour les grands jours, il faut que les sermons soient courts et que les saucisses soient longues". Ce pari-là, hélas, n’est pas gagné, loin s’en faut !
Aujourd’hui, c’est la crise ! La hausse, nettement plus marquée des prix en cette année 2016 et la dépréciation du dinar, relancent les inquiétudes des ménages quant à l’érosion de leur pouvoir d’achat. Et cette vérité des prix qui leur est opposée appelle, nécessairement, une vérité des salaires. C’est l’équation difficile qui attend le gouvernement. Alors, que faut-il, vraiment, se souhaiter pour 2016 ? De la santé, oui. La paix aussi. De l’optimisme, très certainement, tant il est vrai qu’il vaut mieux, pour reprendre une formule de Bernanos, "être un imbécile heureux plutôt qu’un imbécile triste !" dans un pays des plus anxiogènes au monde.
Il y a certes, beaucoup de raisons de broyer du noir dans le pot national, mais ce n’est, certainement, pas en pataugeant dedans, avec une délectation morbide, qu’on s’en sortira !
Oui, disons-le, l’air du pays est par trop pollué, ces temps-ci. Sur fond d’aigreur et d’anxiété, les algériens appréhendent l’année nouvelle, bercés par le populisme galopant des uns et le pessimisme exacerbé des autres. Pour autant, ne gâchons pas les premiers jours de cette année nouvelle en commençant déjà à formuler quelques vœux !
- Que cesse, déjà, la violence dans le pays. On ne se rend pas compte, peut-être, mais la violence est en train d’envahir la scène politique et sociale. Parce que l’on oublie toujours, écrivait très justement Mustapha Hammouche excellent commentateur par ailleurs, qu’en matière de vie publique, la violence verbale précède toujours la violence physique. Tout en lui préparant le terrain, la première annonce la seconde !
- Que l’on zappe, une fois pour toutes, Tliba qui est en train de devenir notre abcès de fixation national. Et aussi tous les caricaturistes qui, en panne d’idée, le «croquent» jusqu’à plus soif. L’homme, faut-il le dire, n’est pas un problème ; mais ses propos diffusés en direct à la télévision prennent la forme d’un symptôme, celui d’une Algérie purulente à qui il est temps d’apprendre, s’il n’est déjà trop tard, le respect des autres, des femmes, l’amour du prochain, et les bonnes règles du vivre-ensemble. Devant lui, de grâce, passons notre chemin
- Que les médias ne donnent plus d’importance à Madani Mezrag et en cela, il faut écouter Ahmed Ouyahia qui en a fait la demande, à l’occasion de sa conférence de presse sur le projet de constitution, et qui apparaît comme un mea culpa.
- Que l’on cesse de regarder dans le rétroviseur. Oui, on a fait une révolution mémorable. Oui on a fait l’admiration du monde entier. Maintenant, place aux historiens. Et aux autres de se taire. De respecter Abane Ramdane par exemple et la mémoire de tous ceux qui sont morts pour la patrie.
- Que l’on libère l’économie du socialisme de Ben Bella et de Boumediene. La Chine, n’a-t-elle pas gagné au change depuis l’enterrement politique de Mao ? l’envol de la Corée du Sud, n’est-il pas confondant ? Ne faut-il pas se réjouir de la montée en puissance d’une grande partie de l’Afrique, avec des taux de croissance de près de 10% ? Et d’en prendre exemple.
- Que le FCE et ses animateurs nous parlent désormais de croissance, de création d’emploi et laissent la politique à ceux qui en ont vocation
- Qu’on libère l’acte d’investir. On peut tourner la chose dans tous les sens, la relance économique et la création de l’emploi ne seront possibles que le jour où l’administration, notamment locale, saura conquérir la confiance des entrepreneurs et des patrons.
- Que les banques sortent de leur torpeur en prenant plus de risque !
- Que l’on arrête les gesticulations stériles à la limite ridicules de certains de nos officiels. De nombreux walis se sont illustrés, ces derniers temps, par des coups de colère devant les caméras de télévision, dont ont en fait les frais des lampistes. Les autorités locales et nationales s’arrangent, ainsi, à mettre en scène leur propre colère au lieu et place de la population qui, pourtant, a toutes les raisons de ruer dans les brancards. Et comment ne le fera-t-elle pas, elle qui voit ses conditions de vie et surtout son environnement se dégrader par la faute de l’inertie de ces mêmes autorités ?
Il est peut-être temps pour tous ces responsables de se réveiller et de réaliser que la vie nationale, l’action publique aussi, n’est pas une campagne électorale permanente. Et le sens que donnent ces walis et quelques ministres à la communication ne peut ni voiler leur bilan désastreux, encore moins constituer un gage de bonne gouvernance. En tous les cas, les citoyens, de l’Algérie profonde ne sont pas dupes au point de croire à leur cinéma ! Celui du wali "bombardier" et ses crises de nerfs devant de pauvres fonctionnaires sur lesquels on fait, brutalement, retomber la responsabilité de l’échec.
- Que le développement local soit encouragé ! Sur le papier et dans les discours, on nous disait que la machine était fin prête pour redresser la situation en mobilisant les walis en faveur des initiatives entrepreneuriales. Près de quatre mois après cette profession de foi, il ne subsiste aucun écho et la chronique locale ne fait pas état d’un début de commencement d’une quelconque dynamique devant inverser la tendance à la déprime économique et à l’austérité qui s’annoncent. Où sont ces walis-managers dont on nous vantait, par avance, les compétences ?
- Qu’à l’orée de 2017, le président de la République serait bien inspiré de dissoudre l’APN et le Sénat, sitôt la constitution adoptée ; l’heure est, semble-t-il, venue d’en finir avec le bicaméralisme décrié, formé pour l’essentiel par des Partis qui maintiennent, péniblement, leur incohérente et branlante homogénéité de façade.
Aujourd’hui, quel avenir s’offre aux partis majoritaires à l’APN ? Un avenir fait de vacarme, de tiraillements et de confusion que les débats autour de la LF pour 2016 ont mis à nu ! Et aussi ce Sénat qui est devenu une maison de retraite pour privilégiés de la République ; cette chambre haute aux 24 sièges vacants au titre du tiers présidentiel, objets de convoitise des uns et des autres ex ministres, notamment ! Dur, dur d’être ancien ministre, de continuer à s’asseoir à l’arrière d’une voiture et de s’apercevoir qu’elle ne démarre pas !
Il faut dissoudre pour recomposer un paysage politique à présent inadapté. Pour faire place à l’intelligence politique, celle qui serait en phase avec la «démocratie apaisée» promise par le président de la République.
- Qu’il faut exploser cette coalition gouvernementale qui n’a pas fait long feu par un passe récent. Et qui ne tiendra pas la route nonobstant les appels du pied du MPA, TAJ et autre Front du changement qui espèrent faire partie du prochain gouvernement en appelant à l’unité ; l’unité que les "ténors" politiques réclament en boucle et sur tous les fronts dès qu’ils se sentent en difficulté. Et leurs intérêts avec.
- Que s’arrête aussi cette quête éperdue du plus petit "dénominateur commun" dans les formations politiques d’opposition, qui n’a fait qu’affadir les propos de leurs dirigeants les plus en vue. Cette démarche effrénée les a conduits, toute honte bue, à lisser leurs différences (pourtant saillantes sur nombre de sujets) au point d’offrir à l’opinion nationale un spectacle des plus incrédules. Constat sévère, sans doute. Mais réaliste car ces Partis doivent accepter leurs fractures, ou courir le risque de continuer d’assister, paralysés, au maintien de la dictature FLN-RND.
- Que cesse cette demande redondante concernant la "vacance du pouvoir" qui tient lieu de programme politique pour certains, alors qu’il s’agit, en fait, "d’enfumage" ni plus ni moins !
- Que l’on prenne garde dans la foulée, de l’abstention, ce plus grand parti d’Algérie ! Les jeunes, déjà peu enclins à voter s’estimant étrangers à la chose politique, ne voteront guère pour des politiques qui leur font des promesses, puis leur expliquent qu’ils ne peuvent rien faire, une fois élus.
- Que le président de la République imprime, de son sceau cette nouvelle année, en corrigeant, au besoin, par un "remaniement technique", les erreurs de casting de l’exécutif actuel. Le peuple rêve d’un gouvernement de combat. Resserré, rationalisation des dépenses oblige ! De ministres compétents et solidaires. Un gouvernement qui favoriserait l’intérêt général plus que la cupidité étriquée de telle ou telle caste.
Des vœux, ce ne sont finalement que des vœux. Mais ne gâchons pas les premiers jours de la nouvelle année. Au train où vont les choses, à la "dissidence" qui pointe son nez au sein de certains partis politiques, à l’héritage politique de "Da L’Ho" qui va être, chèrement, disputé, au retour en politique de Saïd Sadi, au rythme où vont les réformes promises et surtout à la vitesse de la chute du prix du pétrole, nous aurons encore, hélas, tout 2016 pour en parler.
Cherif Ali
Commentaires (4) | Réagir ?
merci
Vous avez mis a nu toutes les tares de ce système multi-sclerosé.