Mort de l'opposant historique : Aït Ahmed ou la fin d'une illusion démocratique (II)

Hocine Ait Ahmed, un des plus brillants opposants au régime.
Hocine Ait Ahmed, un des plus brillants opposants au régime.

Un an plus tard, en 1999, Hocine Aït Ahmed, rassuré par les garanties données par le général-président démissionnaire, se présente à l’élection présidentielle et ...se retire la veille du jour J, avec six autres candidats présents face au dernier candidat du régime algérien.

Pour disqualifier Bouteflika, Ait Ahmed réunit les autres candidats et appelle au boycott de "la dernière fraude du siècle"*. L'appel ne sera entendu qu'en Kabylie, bastion d'Aït Ahmed et Bouteflika est élu pour l’éternité. Le divorce entre Ait Ahmed et la Kabylie est enclenché en 2001 suite aux sanglants événements du Printemps Noir.

Suite à la répression policière brutale des manifestants, sortis dans les rue après l'assassinat du jeune lycèen Massinissa Guermah dans une brigade de gendarmerie proche de la ville de Tizi-Ouzou, le 18 avril 2001, les villes et villages de Kabylie s'organisent et mettent en place une délégation qui devait canaliser le mouvement de protestation et rencontrer les officiels. Ait Ahmed a qualifié le mouvement de "Moukhabarate" (services de renseignements) et appelle à participer aux élections municipales de 2002 en plein révolte kabyle malgré l'appel populaire du rejet des élections lancé par le mouvement citoyen en Kabylie. Le FFS connaît ses premières désaffections populaires, des militants et des cadres quittent le parti et plusieurs de ses sièges locaux ont été incendiés comme ils l'ont été ceux du RCD, l'autre parti kabyle, et tous les symboles de l’État. Ces événements ont fait 130 morts dans les rangs des manifestants kabyles et des milliers de blessés et le capital de sympathie dont jouissait le FFS et Aït Ahmed dans la région est sérieusement affecté.

Suite aux négociations entamées entre les délégués du mouvement citoyen et les gouvernements algériens, des élections partielles ont eu lieu en 2005 en Kabylie et les ex élus, majoritairement du FFS, ont été qualifiés d'"indus élus". La participation régionale à ces élections n'a pas dépassé les 5% et la région sombre petit à petit dans l'insécurité et l'islamisme avec l'apparition des premiers actes de kidnappings dans la région. Entre temps et face l’échec des partis politiques locaux et des Archs de Kabylie, un nouveau mouvement politique verra le jour et il est le seul à mobiliser depuis la rue kabyle, c'est le MAK, mouvement souverainiste kabyle, à sa tête Ferhat Mehenni, ancien militant berbériste, chanteur engagé et détenu politique des années 80.

Bouteflika se représente et remporte les élections présidentielles de 2004, de 2009 et celle de 2014. Même démuni physiquement, il est officiellement le président de l'Algérie alors que le FFS de Hocine Aït Ahmed est réduit à une vingtaine de députés (tous issus de Kabylie), sans aucune prérogative et sans aucun impact sur la politique algérienne, qui siègent dans une assemblée nationale souvent qualifiée de «croupion» par l'opposant Aït Ahmed. Suite au Printemps arabe qui a vu la chute des dictatures arabes et un bouleversement majeur dans la région, dans son dernier message au conseil national de son parti, Hocine Aït Ahmed prévient d'une «chute brutale» du régime et appelle à un "consensus" national qui impliquerait les oligarques du régime algérien. D'anciens cadres du parti l'accusent de revirement et même de connivence avec un régime finissant.

Pour le vieux leader, encore une fois, il s'agit de sauver l’Algérie, son premier et son ultime idéal, et de lui éviter une révolution dans le sang. Suite à une longue maladie, l’infatigable militant meurt dans un hôpital suisse, son pays d'adoption, il est accompagné par une foule immense lors de son enterrement dans son village natal, à Michelet, en Kabylie, en ce 1er janvier 2016. Avec la mort du dernier Historique, c'est l'illusion d'une Algérie démocratique et plurielle qui est définitivement enterré et face au nouvel ordre mondial et aux importants bouleversements géopolitiques, l'Algérie comme territoire et peuples s'ouvrira inévitablement sur un nouvelle organisation politique car aucun homme politique algérien, dans le pouvoir ou dans l'opposition, ne saura incarner, comme l'a fait Hocine Aït Ahmed, "l'unité nationale".

Quatre jours après l'enterrement grandiose et populaire du leader historique kabyle, la première décision prise par le gouvernement algérien est l'officialisation de la langue tamazight, soit 67 ans après la crise anti-berbériste, 54 ans après l’indépendance de l'Algérie, 36 ans après le Printemps berbère et 15 ans après le Printemps noir où Bouteflika, déjà président, a juré de ne jamais reconnaître, de son vivant, la langue amazighe, langue autochtone en Afrique du Nord. Fin

Ahviv Mekdam

Lire la 1re partie : Mort de l'opposant historique : Aït Ahmed ou la fin d'une illusion démocratique (I)

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Commentaires (2) | Réagir ?

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fateh yagoubi

merci

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gtu gtu

merci