Brahim Izri : une étoile qui continue d’illuminer la musique kabyle
Il y a onze ans, au lendemain de l’annonce de sa disparition, l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris se retrouvait inondé de monde. Anonymes et célébrités, tous affluaient en nombre après la triste nouvelle : Brahim Izri s’en était allé.
Cet auteur-compositeur-interprète algérien d’origine kabyle, né le 12 janvier 1954, à Aït Lahcen, dans la commune d’At Yenni en Algérie, nous a quitté le 03 janvier 2005 à la suite d’une longue maladie. Brahim Izri avait grandi dans le monde de la musique. Bercé dès sa plus tendre enfance par les musiques et chants des zaouïas, il avait été initié par son père et les musiciens qui composaient l’orchestre de la zaouïa de l'illustre Hadj Belkacem. Il commença par apprendre le violon puis il s'orienta rapidement vers la guitare et le mandole.
Adolescent, il cofonde le groupe "Igudar" avec d’autres jeunes artistes de son village. Ce groupe tourna en Kabylie sur des petites scènes durant quelques années. Après avoir été, de 1976 à 1979, le guitariste du chanteur Idir, Brahim décida de se lancer dans une carrière solo. Naitront de nombreux album tels que : Sacrifice pour un enfant -1982 / Tizi-Ouzou -1983/D acu-iyi -1984… Les festivals et organisateurs de spectacles en Algérie et en France se l’arrachent. Une jeunesse toute entière chante ses chansons aux sonorités brassées entre rythmes reggae, pop, chaoui, kabyle.
En 1993, à l’occasion de l’anniversaire de l’ACB, Brahim Izri se produisit à la Cigale devant une salle comble. En 1995, il sortait l’album "East West" chez la Warner, où l’on retrouvait également quelques chansons des années 1986 comme "Ay ajuwaq", "Inid inid" avec de nouveaux arrangements. Cet album connu un franc succès grâce aux titres "Cteddu-iyi" et "Lbudala".
En 1999, la rencontre de Brahim Izri, Idir et Maxime Le Forestier donna naissance à la magnifique chanson "Tizi-Ouzou", sortie dans l’album "Identité" de Idir. Il s’agissait d’une version retravaillée de celle que Brahim avait sortie en 1983. Le but étant, avec ce morceau, de rendre un hommage à Matoub Lounès, chanteur engagé assassiné en juin 1998.
La carrière de Brahim Izri est notamment marquée par de nombreuses actions humanitaires. Après les inondations de Bab El Oued, il est invité par Baaziz à participer aux côtés de nombreux artistes à composer un couplet en kabyle du tube "Algérie Mon amour" qu’il interprétera en duo avec Djamel Allam. S’ensuivra de nombreux concerts de solidarité. Il interpellera l’opinion internationale au drame algérien et sera à l’initiative de nombreuses actions.
En 2001, il créa avec un collectif de femmes artistes et anonymes : "Algérie Lecture de Femmes". Il mettra les femmes au-devant de la scène en leur faisant déclamer dans un enregistrement l’abrogation du code de la famille Algérien qui maintenait la femme mineure à vie. De ce défi, une chanson intitulée "Porter la flamme" verra le jour avec la collaboration notamment du célèbre Kamel Hamadi. Interprété par les chanteuses Massa Bouchafa, Amina, Amira, et les choristes Kamila, Nanou et de nombreuses autres, ce titre était un cri de femmes. Le morceau avait été orchestré par le célèbre arrangeur Farid Aouameur qui ne manqua pas d’apporter son soutien à Brahim qui avait décidé de s’impliquer au quotidien pour la cause féminine.
C’est dans son taxi, devenu son bureau que Brahim travaillait sur tous ces projets. Ami de nombreuses personnalités c’est d’ailleurs dans son taxi qu’il avait rencontré des célébrités françaises mais également de diverses origines à l’image de Bernard Lavilliers, Marianne James, Daniel Auteuil, Laurent Voulzy, Enzo Enzo, Kent, ou encore Nourith.
Dans le même temps, la Kabylie s’embrase et Brahim se joindra aux Aarch en Kabylie lors du Printemps Noir dans leur lutte pour la reconnaissance des Droits de l’Homme en Algérie mais également pour la libération des détenus d’opinions (écrivains, journalistes et militants engagés). Avec ses Amis les Taxis Kabyles de Paris, il monte au Parlement européen avec la Plateforme de revendications d’El Kseur afin de faire entendre la voix du peuple algérien.
Brahim touche ces célébrités internationales mais également les artistes kabyles tels que : Aït Menguellet, Idir, Ferhat, Akli D.et Djura ou encore le groupe de rap MBS, Baaziz…
Il les sensibilise au tragique sort de la Kabylie. Ces derniers accepteront de prêter leur voix dans un enregistrement afin d’énoncer à tour de rôle 1 point de revendication parmi les 15 figurant dans la plate-forme d’El-Kseur en exigeant particulièrement la libération des détenus du Mouvement Citoyen des Aarchs qui avaient entamés une grève de la faim.
Son quotidien s’était transformé. Brahim délaissait son travail et passait son temps au téléphone, dans les émissions de radios, télévisions, les manifestations et marches de solidarité pour la Kabylie. Pour lui, il était urgent que ces injustices cessent et son arme principale pour les combattre était la communication ! Il fût un acteur essentiel dans la libération des détenus d’opinion.
Malheureusement, un autre combat l’attendait. La maladie était de retour. Celle qu’il avait combattue quelques années auparavant avait refait surface. Il avait décidé de la combattre de nouveau avec la même arme : la musique. Il termina la composition de nouvelles chansons et enregistra à bout de souffle un nouvel album. C’était accompagné par l’ambulance et le masque à oxygène que Brahim réalisa son dernier opus. A ce jour, nous sommes toujours dans l’attente de sa sortie. Il s’avère être un album de haute facture avec des sonorités chaudes et métissées. Brahim a su à nouveau additionner son talent aux côtés de grands noms de la chanson ayant répondu présents afin de marquer leur empreinte dans cet album. Les musiciens ayant pris part à ce CD sont nombreux et de grande renommé. Son fils Yanni y a également participé en composant l’un des titres phares chanté par son père. Onze années ce sont écoulées, mais la ferveur du public autour de cet album attendu est intacte.
A l’occasion de l’anniversaire des dix ans de sa disparition, de nombreux artistes avaient été réunis au Cabaret Sauvage (Paris) à l’initiative de son fils Yanni, de l’association At Yenni et de l’animatrice Nassima afin de lui rendre hommage. Entre personnalités célèbres et nouveaux talents, cet hommage avait été marqué par une grande émotion et une magnifique performance artistique et musicale.
A ce jour, la voix de Brahim Izri continue de résonner dans le monde grâce à ses morceaux intemporels. On retiendra de Brahim Izri l’homme au grand cœur, le musicien talentueux, le déconneur respectueux sans oublier d’être un père aimant. On se souviendra toujours de lui, de ses chansons, de ses combats pour la paix, la liberté, pour la femme, pour la culture… Brahim, ton sourire, ta voix, ta musique, tes combats nous habitent encore et toujours… Repose en paix l’artiste.
Nassima Chillaoui
Commentaires (11) | Réagir ?
MERCI
MERCI