Seul un référendum peut valider la révision de la constitution algérienne

Abdelaziz Bouteflika fera voter sa constitution par ses députés
Abdelaziz Bouteflika fera voter sa constitution par ses députés

Le clan Bouteflika est manifestement déterminé à ne pas soumettre à l’approbation du peuple la révision de la constitution qu'il annonce lui-même comme étant importante.

Le projet de révision constitutionnelle initié par Abdelaziz Bouteflika en avril 2011 a non seulement été son troisième, mais aussi celui qui a pris le plus de temps à se réaliser. Il faut dire qu’il vient d’une promesse faite en plein printemps arabe. Le président avait alors promis cette révision constitutionnelle et plusieurs autres actions apaisantes pour s’éviter ce qui s’était passé en Égypte. Cinq ans plus tard, il n’a toujours pas obtenu le consensus qu’il promettait et de ses trois révisions, c’est celle qui a suscité le plus de controverse. Le communiqué où il affirme qu’elle pourrait ne pas faire l’objet d’un référendum est la dernière en date.

La Constitution est pourtant claire sur l’obligation de tenir un référendum pour toute révision importante. L'article 174 affirme que la révision constitutionnelle, même si elle est décidée à l'initiative du président de la République, doit être votée par l'Assemblée populaire nationale et le Conseil de la nation puis soumit par référendum à l'approbation du peuple dans les cinquante jours qui suivent son adoption. Les membres du gouvernement qui veut priver le peuple de son droit de valider ces changements ouvrent cependant la porte à l'article 176 selon lequel un projet de révision constitutionnel qui ne porte pas atteinte aux principes généraux régissant la société algérienne, aux droits et libertés de l'Homme et du citoyen, et n'affecte d'aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions peut être promulgué directement par le président de la République sans la soumettre à référendum populaire si elle a obtenu les trois quarts des voix des membres des deux chambres du parlement. Or, de l’avis même du président, ce projet de révision est "substantiel" et marquerait "des progrès dans plusieurs domaines." Le champ politique et celui de la gouvernance seraient particulièrement visés. Il devrait donc selon l'article 174 être adopté par référendum et toute tentative contraire pourrait n’être que du magouillage politique pour cacher des intentions inavouées.

Ce n’est pas le seul problème que fait surgir cette révision. Tout le monde sait qu’un bon produit se vend tout seul. Comme un mauvais vendeur de véhicules usager, le gouvernement Bouteflika promet tellement au sujet de cette nouvelle constitution qu’il en devient louche. Plusieurs se questionnent donc sur ses objectifs réels. Des membres de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme et des partis de l’opposition, qui ont d’ailleurs boycotté les consultations, considèrent que le but inavoué de cette révision est de «pérenniser le pouvoir actuel». Ces questionnements se basent sur le fait que le président aurait pu faire progresser l'État de droit dans son pays pendant ses trois premiers mandats, ce qu’il n’a pas fait. À l’inverse, ses actions récentes en font la plus grande menace aux droits et libertés des citoyens, au renforcement de l'indépendance de la justice ainsi que la régulation du pluralisme démocratique. Il peut même être considéré comme la cause du manque de transparence dans les domaines économiques, juridiques et politiques de la vie nationale. C’est de plus sa prise en charge graduelle de tous les outils de l’État qui a effacé la séparation des pouvoirs qu’il dit vouloir remettre en vigueur dans cette constitution. Ce sont même des actions directes et parfois violentes de ce gouvernement qui ont empêché le peuple de se mobiliser pour défendre toutes ces nobles causes. Il n’y a qu’à se rappeler les semaines avant la dernière élection présidentielle pour s’en convaincre. Tout média qui n’était pas pour le président sortant a été fermé ou menacé.

Comme les deux précédentes fois qu’il l’a fait, la révision de la constitution risque de servir au président Bouteflika à assurer sa prise sur le pouvoir. La première fois c’était en réaction à la révolte dite du Printemps noir en Kabylie et la seconde pour abolir la limitation des mandats présidentiels, ce qui lui a permis son troisième, puis son quatrième mandat. Le résultat de cette appropriation du pouvoir par le clan Bouteflika est qu’il y a actuellement en Algérie une minorité très riche exonérée du fardeau de la crise et une majorité pauvre qui supporte non seulement cette dévaluation du prix du pétrole, mais aussi l’élite. La loi de finances pour 2016 montre très bien cette situation. Partout dans le monde, la TVA est considérée comme un outil injuste socialement, car elle touche autant les pauvres que les riches. L’augmentation de 7 % à 17 % de cette TVA sur la vente de gasoil touchera autant le chômeur que le grand industriel. Cette situation a révolté beaucoup d’algériens et une requête signée par 90 députés 92 parlementaires et deux sénateurs pour demander au président de surseoir à la signature de la loi en question, a été remise au directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia. En signant la loi de finances 2016, le président Bouteflika a montré une fois de plus son dédain du bien-être du peuple. Si elle doit modifier en profondeur le vécu politique du pays, cette constitution ne changerait pourtant pas les grands problèmes qui coulent le pays comme la corruption, la fraude à large échelle dans le commerce extérieur qui s'élevait à 30 % des transactions, l'évasion fiscale qui équivaudrait à 10 000 milliards de dinars et la fuite des capitaux qui serait de 15 milliards de dollars entre 2005 et 2014.

La dérive autoritaire du gouvernement algérien qu’il veut possiblement enchâsser dans la nouvelle constitution est visible dans la vie de tous les jours. En conséquence, le parti perd tranquillement ses alliés qui le croyaient sincère dans son désir d’aider le peuple. La conférence de presse tenue le 6 novembre dernier par 19 personnes connues pour avoir été des alliés du gouvernement montre cela. Ces personnalités dont certaines ont été très proches du président demandaient simplement une audience. Au lieu de cela, ils ont dû subir une campagne d'une rare violence. En dénonçant "une fusion entre l'exécutif et une partie de l'Assemblée au profit d'une minorité d'hommes d'affaires", une des membres de ce groupe, la secrétaire générale du PT Louisa Hanoune, semble même a avoir réussi à faire sauter les plombs aux protecteurs du pouvoir. Le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani et le vice-président de l'APN, d'obédience FLN, Baha Eddine Tliba, y ont alors été de propos diffamatoires contre elle. La stratégie pour faire taire le groupe des "19-4" n’est pas très loin des méthodes mafieuses et terroristes.

La constitution d’un pays est la règle fondamentale qui gère les relations entre tous ses citoyens. En démocratie, c’est la population qui la crée et l’adopte pour permettre d’optimiser le bien-être public. En Algérie, le clan Bouteflika qui a créé cette nouvelle mouture de la constitution risque cependant de refuser au peuple ce droit fondamental de dire s’il est d’accord ou non avec ces nouvelles règles qui lui seront imposées de gré ou de force. Quand le Président et son entourage promettent que la nouvelle loi fondamentale fera entrer l’Algérie de plain-pied dans une vraie démocratie, ils admettent du coup qu’elle ne l’est pas. Il fait de plus ces promesses à une population et une opposition politique qu’il a brimée durant son long règne.

Croire que cette révision constitutionnelle est une ultime réalisation du président Bouteflika qui laisserait à la postérité une Constitution plus démocratique est bien mal le connaître. Elle risque plutôt d’être une autre grande fraude du gouvernement aux dépens de la vie politique et institutionnelle du pays. La promesse de faire progresser encore davantage l'État de droit, et notamment, la protection des droits et libertés, ainsi que la régulation du pluralisme démocratique, pourrait très bien n’être qu’une carotte mise sous le nez de l’âne algérien pour le faire tirer encore un peu plus loin la charrette ou sont entassées les richesses des Bouteflika et de leurs amis. Le fait que la nouvelle mouture de la constitution pourrait même ne pas être adoptée par référendum montre la gravité de la situation. Le clan Bouteflika gère actuellement l’Algérie comme si c’était un bien privé.

Michel Gourd

Plus d'articles de : Politique

Commentaires (11) | Réagir ?

avatar
deradji nair

Les seuls gagnant dans cette affaire c'est les kabyles avec leur amazigh qui d'un dialecte familial ou de tribu devient une langue nationale. Ouyahia c'est rattrapé auprès de ses siens par cette opération qui devrait etre en principe en elle seule faire partie d'un référendum populaire ouvert au 37 millions d'algériens et non se soumettre aux exigence d'une région bien déterminée.

avatar
moh arwal

Si cette revision de constitution etait une bonne chose pour le peuple comme il dit, Boutef n'aurait pas opté de la faire valider par une assemblée de croupions à sa solde. De son vivant, Da l'Hocine a toujours ouvert des bréches dans le système dictorial au pouvoir depuis 1962. Maintenant qu il est la haut,, ce qu il a semé va germer dans les cerveaux des generations a venir et se transformera en un catalisateur qui declenchera bientot un tsunami qui fera table rase de cette republique de cons pour repartir de ZERO.

visualisation: 2 / 6