La constitutionnalisation de l'état d'urgence en débat en France

Valls et Hollande en baisse dans la popularité. Photo archives AFP
Valls et Hollande en baisse dans la popularité. Photo archives AFP

Le gouvernement a jusqu'à mercredi pour définir le périmètre du projet de réforme constitutionnelle contre le terrorisme, qui ne devrait pas, sauf surprise, comprendre l'extension de déchéance de nationalité aux binationaux nés français.

Ce "projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation" a été annoncé par François Hollande devant le Congrès après les attentats du 13 novembre qui ont fait 130 morts. "Son seul objet, à ce projet, c'est de pouvoir être efficace dans la lutte contre le terrorisme", a souligné le président français la dernière fois qu'il s'est exprimé, vendredi dernier lors d'une conférence de presse en marge d'un Conseil européen.

L'Elysée reste très prudent avant le conseil des ministres de mercredi, se refusant à tout commentaire sur un texte dont les mesures sont saluées par le Front national et une partie de la droite tandis qu'elles font l'objet d'un vif débat à gauche.

Le projet de loi, dont Reuters a obtenu copie, inscrit dans la Constitution l'état d'urgence décrété "en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique".

Il permet de prolonger des mesures d'exception jusqu'à six mois après la fin de l'état d'urgence. Selon le gouvernement, l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution a pour but d'éviter que, dans le futur, une autre majorité ne durcisse les conditions de son déclenchement.

Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a critiqué cette constitutionnalisation de l'état d'urgence qui, a-t-il dit mardi sur France 2, serait "grosse de danger" pour les libertés, comme le droit de manifester. "Aucune mesure ne doit être prise qui mette en cause les droits fondamentaux de quiconque vit sur notre territoire", a-t-il ajouté en jugeant "excessives" les perquisitions et assignations à résidence prises depuis le 13 novembre.

Tollé à gauche

Le texte annoncé par François Hollande prévoit en outre la possibilité de déchoir de la nationalité française les binationaux condamnés pour des actes ou menaces relevant du terrorisme, sauf si cela les rend apatrides. Actuellement, seuls les binationaux naturalisés français peuvent l'être déchus. Le Conseil d'Etat a remis au gouvernement un avis favorable à cette mesure qui "répond à un objectif légitime" mais qui "ne serait pas dissuasive pour les terroristes".

Il souligne toutefois que cette mesure "pourrait se heurter à un éventuel principe fondamental reconnu par les lois de la République", qui interdit de priver les Français de naissance de leur nationalité, une critique relayée par Jacques Toubon.

Même si l'entourage de Manuel Valls se contentait mardi de dire que la décision sera annoncée à l'issue du conseil des ministres, le Premier ministre s'est montré prudent. La mesure suscite en effet un tel tollé au PS, chez les radicaux de gauche et chez les écologistes que l'exécutif va l'abandonner, selon une source parlementaire.

Pour être adoptée, la révision constitutionnelle doit en effet être approuvée par une vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des deux chambres. "Je vois que le débat a avancé et je ne suis pas certain que mercredi (...) cela soit encore dans la proposition", a dit mardi sur Europe 1 le ministre des Sports Patrick Kanner, selon qui le droit du sol "fait partie de l'ADN de la République".

Pour contourner l'obstacle, le Parti radical de gauche (PRG)a proposé de remplacer la déchéance par une "interdiction des droits civiques, civils et de famille" pour les personnes définitivement condamnées pour "atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme".

Reuters

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