La revanche des poltrons !
Le même pouvoir qui s’apprête à innocenter l’ex-ministre Chakib Khelil, auteur avéré de plusieurs malversations financières aux dépens du Trésor public, vient de condamner lourdement un officier spécialisé dans la lutte contre le terrorisme.
Par Mohamed Benchicou
La morale de l’histoire est qu’il est préférable, aux yeux de nos dirigeants, d’investir l’argent volé dans trois propriétés de l’État du Maryland (nord-est des États-Unis) et, accessoirement, dans une boîte off-shore dans les îles Vierges, que de s’investir, corps et âme, dans la traque des terroristes.
Je ne connais pas le général Hassan comme j’ignore la nature exacte du délit qui lui est reproché (destruction de documents et désobéissance), mais il doit s’agir de documents divins pour que le dommage causé à la Nation soit jugé plus grave que le détournement de centaines de millions de dollars des caisses de l’État. Je connais, en revanche, ce ministre misérable qui s’amusait à me traîner devant les juges et à demander le renvoi du procès afin d’être physiquement présent à l’audience et savourer cyniquement l’instant où le magistrat prononce le verdict contre moi. Quelques années plus tard, recherché à son tour par les juges, il se terre comme un rat, débarrassé de sa superbe.
Il semble bien que, dans ce procès du général Hassan, nous soyons en face de cette justice que Stephen Hecquet qualifie de "forme endimanchée de la vengeance". Vengeance terrible que savent exercer tous ceux-là, petits et grands commis, qui accompagnèrent l’abaissement national, et pour qui un combattant refusant la servitude devient la mauvaise conscience brûlante.
Georges Guingouin, premier maquisard de France en 1940, chef de la résistance du Limousin, et dont nous avons eu récemment à parler dans ces colonnes, a laissé ces quelques mots troublants avant de mourir : "La philosophie de l’Histoire m’a appris que les précurseurs ont toujours tort et que les guerres de libération nationales, menées exclusivement par des volontaires, sont les plus cruelles qu’aient à subir les nations. Le sacrifice de leurs meilleurs fils atteint irrémédiablement la fibre morale des peuples et, l’épreuve passée, c’est le temps des habiles et la revanche de ceux qui manquèrent de courage. Le temps de la décadence morale succède au temps où l’homme s’élève face à l’événement".
La mésaventure de Guingouin éclaire celle du général Hassan. Ce libérateur de Limoges subira, dans une affreuse inversion des rôles, la revanche de tous ceux-là qui, en 1940, avait voté les pleins pouvoirs à Pétain ou accepté la collaboration avec le nazisme. Guingouin fut arrêté en 1953 pour des crimes supposément commis par des maquisards incontrôlés, et se retrouvera face à des gendarmes, à des policiers et à des juges qui avaient servi le régime de Vichy.
"Humilié, calomnié, battu à mort par ses geôliers, oublié de presque tous sauf de ses proches camarades, il obtiendra un non-lieu six ans plus tard, en 1959, l’avocat général allant jusqu’à prendre sa défense en s’étonnant que des poursuites aient pu être engagées", raconte Edwy Plenel.
Un demi-siècle plus tard, un film lui fut consacré, ainsi que plusieurs livres.
Il avait laissé aux jeunes générations l’idée qu’un homme doit toujours choisir d’arpenter le chemin inconnu que lui dicte sa conscience plutôt que les routes embouteillées des renoncements et des lâchetés.
Le résistant venait de gagner.
M. B.
Commentaires (7) | Réagir ?
Je n'y comprends plus rien. Il fut un temps-pas si lointain que ça-l'on disait que l'Etat, ses rouages, l'armée... étaient tenus par les chaouis. On parlait de Chadli, de Nezzar, de Zeroual, de, de, de. Depuis 1999, c'est une autre chanson: Boutef et la clique de Oujda. Et, chose très bizarre; l'on disait et l'on dit toujours que ces deux "majorités" gouvernantes n'auraient jamais pu le faire sans une administration et des petites mains kabyles. Aujourd'hui, lorsque j'entends dire qu'un Général kabyle (excusez du peu) subit les affres d'un système mafieux nanani nanana, je me pose la question non pas celle que se pose la majorité des lecteurs, mais la question un peu perverse: mais comment se fait-il qu'il soit Général et kabyle à la fois. C'est un peu comme du temps de Boumédienne et de Chadli lorsque Kasdi Merbah, le kabyle, était patron ou sous-patron du renseignement algérien alors que les meilleurs fils de la kabylie se faisaient chasser comme des lapins. A ma connaissance, Ouyahia est kabyle, Sellal aussi. Ce Général Aït quelque chose a bien été promu par quelqu'un à ce grade?
Tiens, pour l'anécdote, l'autre jour je regardais la télé en ayant coupé les son pour me renseigner sur le résultat d'Algérie-Zimbabwé et, je vois affiché un visage familier sur l'écran. En dessous de l'image était inscrit " Hocine M..... , Directeur de la pêche de la wilaya de Mastaghanem" je crois. Ma surprise fut énorme lorsque je me suis rappelé que le gars était de mon village. Un kabyle, comme moi, comme ce Général dont les parents (je les connais) sont enseignant (pour le père) et femme au foyer (pour la mère).
Ceci pour dire, notamment à notre ami (e) Sarah Sadim, que ces histoires de kabyles, chaouis, clan de Tlemcen etc ont désormais du mal à prendre chez moi. Peut-être ai-je tout faux, alors si quelqu'un voulait bien éclairer ma lanterne (même à la bougie hhh).
Vous a trés bien saisi les impostures et c'est exactement ma pensée, j'ai parlé d'anciens clans qu'on essaye de ressusciter puisque ce sont les réseaux multi-clans qui ont cour.
La question pourquoi certains Kabyles cherchent leurs indépendance ou autonomie?Alors qu'ils ont participés à l'érection et au renforcement du régime actuel. Autrement les clans d'hier dans des relations contre natures s'improvisent aujourd'hui en réseaux non décryptables par le leiu de naissance ou le coin du pays. Voilà j'ai apprécié votre franchise pleine de lucidité.
il faut du courage, vous avez raison Mohamed Benchicou, pour traquer et éradiquer les terroristes. ce général Hassan a montré de la détermination. il a fait une faute, mais son action sécuritaire est pour le bien de tous.
ces politiques, comme cet ex-ministre Chakib Khelil, qui viennent dans "... le temps des habiles et de la revanche de ceux qui manquèrent de courage, dans le temps de la décadence morale qui succède au temps où l’homme s’élève face à l’événement", sont consternant de médiocrité.
ce sont des ramasseurs de miettes, des larbins, des serviles, qui sauvent leur tête grâce à la complaisance et l'art de la flatterie. ils sont minables et pleutres. hélas ce type de personnage est universel.
"La philosophie de l’Histoire m’a appris que les précurseurs ont toujours tort... " voilà une belle phrase, l'intelligence et la vison de la transformation du monde, resteront incomprises.
elles effrayent les suivistes et les minables sans aucun talent.