La lettre des "19" à Bouteflika ou la fin d’un cycle
Quelle mouche a piqué ces dix-neuf "amis" du président qui ne lui veulent que du bien pour lui demander une audience afin d’attirer son attention sur la gravité de la situation et lui expliquer que des décisions engageant l’Algérie ont été prises à son insu et en son nom ? Et pourquoi ce soudain accès de patriotisme dont font montre les auteurs dans leur courrier s’exprime-t-il aujourd’hui ? Pourquoi faire montre de tant d’inquiétudes aujourd’hui alors que la gestion du chef de l’Etat avait montré ses limites (soyons indulgents) au courant du deuxième mandat ?
Parmi les points soulevés, les "amis" du chef de l’Etat pointent "la grave dégradation de la situation économique et sociale qui frappe la majorité du peuple algérien à laquelle sont apportées des réponses inquiétantes de la part des autorités du pays augurant de l’extrême précarisation des plus vulnérables tout en livrant le pays, ses richesses, ses capacités aux prédateurs et aux intérêts étrangers". Ils mentionnent l’existence "d’un fonctionnement parallèle, obscur, illégal et illégitime" qui se serait substitué "au fonctionnement institutionnel légal", suggérant ainsi que le chef de l’Etat algérien aurait perdu la main au profit de certaines forces. "Je connais très bien le président et je doute que certaines décisions soient de sa propre initiative" a affirmé l’ancienne ministre Khalida Toumi à la presse algérienne. On aurait bien aimé que Mme Toumi soit moins avare de mots et nous dise qui sont les auteurs de ces décisions qu’elle semble découvrir et qu’elle dénonce aujourd’hui ! Et, dans le cas où Bouteflika ne leur accorderait pas d’audience, les "19" cracheront-ils le morceau en nommant ces forces ou ces personnes ayant pris les rênes du pouvoir, car c’est cela que suggère leur démarche ?
En vérité, cette lettre des "19", dont la plupart des signataires, sinon tous, ont soutenu le quatrième mandat et fustigé ceux qui s’y opposaient ou qui exprimaient des doutes sur les capacités d’Abdelaziz Bouteflika à assurer son mandat en raison de son AVC, ne contient rien de nouveau de ce que les Algériens savent déjà. Ali Benflis, pour ne citer qu’un exemple parmi d’autres, ne signalait-il pas en juin dernier que "des forces extraconstitutionnelles ont pris possession du centre de décision" et que "le pouvoir est assumé d’ailleurs", un "ailleurs" qui, selon lui, "se répartit entre la famille, la clientèle politique et fonctionne avec de l’argent sale".
En revanche, cette lettre, dont l’objectif semble être de faire bouger les lignes (dans quel sens ?), montre bien que des choses sont en train de se décider au sommet du pouvoir et que le processus de succession du chef de l’Etat va sans doute connaître un coup d’accélérateur maintenant que ceux qui pensaient avoir leur mot à dire – je pense à toutes ces mises à l’écart d’officiers supérieurs dans les rangs de l’armée et des services de sécurité – ont été neutralisés. Et de fait la démarche des "19" exprime sans doute les inquiétudes d’un clan ou de cercles du pouvoir, qui se voient écarté d’un processus de succession au sommet de l’Etat qui a toutes les chances de se faire sans eux, et qui assistent impuissants à la fin d’un cycle ayant débuté en 1999 et au commencement d’un nouveau cycle porteur d’incertitudes en raison de la grave crise financière menaçant à terme le pays.
Hassane Zerrouky
Commentaires (10) | Réagir ?
ils l'on soutenus, ils s'assument les lendemains des crises et de la guerre avec ou sans bouteflika, attention au retournement des vestes
C'est des paroles emportées par le vent, aller savoir où elles sont.