L'Etat despotique, entre légendes et réalités (III)
Toute l’évolution future du nouvel Etat algérien, en particulier après le coup d’Etat de 1965, fut marquée par un handicap majeur, l’absence d’un parti qui représente effectivement les forces politiques dominantes au pouvoir, celles qui dirigent réellement l’Etat.
Aux origines de la crise
1- L’absence d’un parti qui représente les forces politiques au pouvoir
C’est à notre avis, un FLN, en fin de mission, après l’indépendance, transformé en parti bureaucratique, ayant un programme politique formel et des personnalités dirigeantes, en réalité des fonctionnaires, évoluant et changeants au gré des changements des rapports des forces dans l’état et non l’inverse (dans le parti). Le "comité central", les idéologues, les analystes, sont tous au cœur de l’état. Le cœur de l'Etat s’est formé, historiquement, à partir de la guerre de libération nationale où l’armée était la principale force. La longue hégémonie de l’armée sur les principaux leviers du pays, a affaibli le fonctionnement de l’Etat. Ce qui, au départ, était une faiblesse dans l’organisation de l’Etat, devint par la suite, un grave dysfonctionnement de l’Etat.
Ce handicap explique le rôle excessif de la police politique, visant à réduire, par tous les moyens répressifs (légaux et illégaux), la marge de manœuvre des différents groupes politiques en présence. Et d’anticiper les conflits, les crises éventuelles, les secousses dans la société. C’est ce qui laisse à conclure, et à tromper, une large opinion dont des intellectuels que ce système a "réussi" à dompter la société, à dépasser ses propres conflits, à maitriser ses équilibres internes et à stabiliser, essentiellement par la rente, la société. Une autre approche critique, dans les couches moyennes et les profondeurs des couches populaires, se veut moralisante, loin du discours et de l’approche rationnelle. Au-delà des divisions des uns et des autres, la majorité des Algériens, bien que mettant la stabilité du pays au premier rang de leurs préoccupations et sans diminuer du mouvement protestataire, sur les conditions sociales et économiques, est consciente de la nécessité d’un changement radical.
Après l’ouverture d’octobre 1988 et la constitution de 1989, comme le notait un communiqué du cercle de Nedjma (janvier 2014) : "La gestion autoritaire de la société par le moyen de la police politique a été érigée en système. La répression, l’infiltration et la manipulation des associations, des syndicats et des partis autonomes les empêchent de jouer les rôles indispensables de représentation des forces sociales et d’intermédiation. Tout contribue à anémier la société civile, à défaire le moindre signe de lien social, à casser son dynamisme et à décrédibiliser l’idée de démocratie. Tout cela n’a fait que mener au délitement des institutions existantes". Ainsi, toutes les données, sociales (un taux élevé de protestations, d’émeutes), institutionnelles (problème de crédibilité), ainsi que les résultats des différentes élections, (taux de rejet significatif, essentiellement de la jeunesse), expriment un rétrécissement de la base sociale du pouvoir et sa non représentativité d’où donc un sérieux problème de légitimité des institutions et de ceux qui dirigent le pays.
2. La forme autoritaire de l’Etat
Si la forme autoritaire de l’état pouvait, à l’origine, c’est à dire dès le début de l’indépendance, s’expliquer par une conception populiste des couches sociales au pouvoir, en adoptant un programme économique et social progressiste, les développements ultérieurs contradictoires de l’état et de la société ainsi que l’émergence, d’un marché informel florissant qui est évalué à plus de 40 milliards de dollars et des forces prédatrices rentières qui se sont développées principalement dans le commerce de l’importation et après les tragiques et destructrices périodes (qui se complètent et préparent la période néolibérale), celle caractérisée par la chasse aux milliers de cadres du secteur public sous le motif de «mauvaise gestion» et la longue période du terrorisme islamiste qui visait principalement l’élite algérienne, la forme autoritaire actuelle s’articule et se confond avec l’affirmation du caractère de classe du pouvoir néolibéral. D’où une projection du pouvoir, en cours, sur une recomposition contrôlée, aussi bien institutionnelle (lire Etat) qu’au niveau de la classe politique.
Ce sont les fameuses luttes d’appareils, signe révélateur d’une hégémonie d’un groupe sur un autre, en réalité une «transition» forcée, autoritaire et sans négociation avec la société. En fait, un réaménagement de la colonne vertébrale de l’état. Loin de la perspective d’un état civil. En l’absence, il faut le souligner, d’un réel et dominant secteur productif et d’une refondation démocratique vers un état de droit. Dans cette parenthèse historique, les espoirs de libertés et la dynamique du mouvement démocratique et de gauche libérés dans les évènements d’Octobre 1988, vont se confrontés à une stratégie de rouleau compresseur des forces prédatrices, de division des forces du camp républicain et d’un pluralisme de façade. Les tendances autoritaires héritées des contradictions du mouvement de libération national, sont articulées et «pétris» dans un nouveau rapport des forces, né de l’émergence d’un «pouvoir» dont le dénominateur commun est le Capital avec ses origines diverses, sale, parasitaire, de la corruption, mais aussi des crédits des banques publiques, servis, généreusement, par les réseaux de la bourgeoisie bureaucratique.
Les enjeux de l’étape actuelle : réhabiliter l’ANP et le DRS dans leurs missions constitutionnelles
Le rapport des forces actuel, issue de la «transition» forcée, sous la forme d’une restructuration des services de sécurité et de l’ANP, dans l‘objectif d’imprégner une "cohérence" de décision au noyau qui dispose des principaux leviers de commande, n’a pas affaibli, à notre avis, ni les services de sécurité, ni l’ANP qui continue son programme de modernisation. Ce qui discrédite, décrédibilise et affaiblit l’ANP, c’est la gestion despotique des affaires de l’état, les dossiers de corruption qui éclaboussent la moralité de ses institutions et l’implication de la direction de l’ANP dans les luttes de clans et même de partis. Une des conclusions des récents évènements dont, entre autres, cette confrontation publique entre groupes influents de l’armée et de l’état, le limogeage et arrestations des généraux, est que l’armée algérienne n’arrive pas à trancher et à faire la part entre ses intérêts de clans, liés à la distribution de la rente, au niveau des institutions de l’état, et les taches de son fonctionnement constitutionnel, républicain. Ce changement était prévisible. Il était, en quelque sorte «programmé» dans la génétique de ce système totalitaire qui, en faisant abstraction de la société, de ses élites et de ses contre-pouvoirs, ne pouvait changer, dans une première étape, que par l’implosion, de l’intérieur du système.
Une large opinion, dans la société, est arrivée à cette perception, à tort ou à raison, que "derrière chaque grand projet ou scandale, il y a un général". L’ANP et ses officiers supérieurs ne gagneraient à une plus grande crédibilité dans la société que dans un Etat de droit et donc dans la mise en œuvre de leurs obligations constitutionnelles. Dans le même esprit, on ne peut concevoir une modernisation de l’armée algérienne, dans toutes ses branches, sans une vision et un pilotage stratégiques global, c’est-à-dire sans l’intégration de cet effort de modernisation dans le projet d’un ensemble économique productif et à une société civile qui développe l’esprit de la citoyenneté et la solidarité ainsi qu’en optant pour une relance de la recherche-développement. Peut-on, enfin, considérer que le critère d’une société moderne, dans le cas de notre pays, réside dans le surarmement ou dans une société possédant une forte économie nationale, intégrée et une riche vie démocratique ? La réponse est évidente.
Dans ce sens, quel est l’intérêt d’intenses efforts d’armement, même justifiés, du fait des contraintes et risques objectifs du contexte régional, si la transparence et le contrôle de la société ne s’exercent pas, par les cadres de contrôle légaux, sur ces investissements qui sont l’argent public ? Il est temps de porter un regard lucide sur cette course à l’armement et de leadership, entre l’Algérie et le Maroc, (financé par les monarchies pétrolières). Objectivement, si notre principe de départ est l’intérêt commun des peuples de la région, la perspective de l’Union du Maghreb reste la solution du long terme. (A suivre)
Mustapha Ghobrini, universitaire, militant MDS
Lire aussi : L'Etat despotique, entre légendes et réalités (I et II)
Commentaires (2) | Réagir ?
La photo, me fait penser à la première visite de ces dictateurs à Béjaïa exactement au stade de de Béjaïa, pour la première campagne à la première élection présidentielle, dont l'histoire est inutile à rappelée.
Ça était la première erreur que la Kabylie avait commise, de recevoir ces dictateurs.
Les sigles F. L. N. /ALN, le lendemain de la signature des accords d'Evians, ils devaient être rangés dans la bibliothèque de l'histoire du pays, ils avaient rempli la mission pour laquelle, ils ont étaient créés, <<l'indépendance du pays>>.
Les ambitions des uns et des autres, ont fait précipité les choses, à ce titre, la France de De Gaulle a beaucoup a installée les hommes qui l'a servent, comme elle fera sur tout le continent Africain.
Les hommes politique membres du parti qui étaient à l'étranger n'ont vu que leurs intérêts personnels, peut-être certains étaient sincères, mais malheureusement, ce fût pas le cas de beaucoup d'entre eux.
Mais, ils savaient ce qui s'est passé avec l'Assassinat d'Abane, ils auraient dû se méfié.
Le reste, lorsque on est soumet à des religieux, aux dictateurs, et aux imbus de leurs personnalités, le résultat ne peut être que celui que nous avons et continuera tant que le peuple ne décidera pas de lui mettre fin, occuper les rues de ses villes, de ses villages, revenir à ce que le peuple de 1961, à fait contre la France, dire ça suffit dehors les corrupteurs et voleurs.