L’éradication des bidonvilles algériens : c’est le tonneau des Danaïdes !
L'amélioration des conditions socioprofessionnelles et l'accès au logement sont les principales revendications des Algériens, selon un rapport de la DGSN, dont la presse s'en est fait l'écho.
On y apprend ainsi que 974 mouvements de protestation pour le logement ont été enregistrés, durant le 1er semestre 2015, contre 710 mouvements en 2014. Cette baisse s'explique, notamment, par les nombreuses opérations de relogement effectuées à Alger et certaines grandes villes du pays depuis le début de l'année. Seulement voilà, il faudrait, pour satisfaire la demande, construire 200.000 à 250.000 logements par an, mais les capacités de production nationale ne sont que de 80.000 unités !
Conscients, les pouvoirs publics ont accéléré le rythme de construction avec la mise en place de trois grands plans quinquennaux depuis l'année 2000. Un programme colossal a été lancé, avec la promesse de réaliser plus de 2.000.000 de logements (sociaux, en location-vente, en participatif, en habitat rural et d'autres formules destinées à une catégorie de citoyens aux revenus conséquents), dans le cadre du programme 2010-2014.
Malgré des résultats visibles et des chantiers sans cesse visités et boostés par Abdelmadjid Tebboune, la crise perdure et la demande explose ! Les causes : l'explosion démographique, l'exode rural, l'habitat précaire, etc. Les besoins sont estimés entre 200.000 à 250.000 logements/an. Il faudrait plusieurs années pour rattraper le retard et aussi un baril de pétrole à plus de 100$ ! Un miracle, en quelque sorte.
Le logement social, c'est le tonneau de Danaïdes : il n'y en a que pour les bidonvilles ; heureux les recasés dans les cités vertes ! Chez les officiels, on pavoise : l'Algérie est le seul pays au monde à donner le logement gratuitement. Pour les autres, les mal-logés, on feint en haut-lieu d'entendre leur appel au secours. On ne compte plus les cris d'avertissement par lesquels ils s'efforcent d'alerter les pouvoirs publics sur leur situation : leurs logements sont en ruine, les plafonds leur tombent sur la tête ; le vieux bâti se meurt et avec lui toute la mémoire d'un peuple et d'un système qui a tourné le dos à l'entretien du parc immobilier. Dans notre pays, il n'y a pas une question du logement, il n'y a même pas une crise du logement, il y a, faut-il le dire, un scandale du logement :
1- scandale d'une distribution sans cesse contestée par les exclus des listes
2- scandale de l'enrichissement des uns face à l'appauvrissement grandissant des autres
3- scandale de la rétrocession des logements sociaux
4- scandale de voir se créer des territoires d'exclusion spécialisés dans l'accueil des populations fragilisées, qui sont interdites d'installation dans les grandes villes qu'ils font pourtant vivre et qui, pour la plupart, restent assignées dans ces quartiers en difficulté
5- scandale des prix des loyers, spéculation, exclusion, plus de cinquante ans après l'indépendance, la crise du logement s'est durablement enracinée en Algérie, menaçant la cohésion sociale
6- scandale aussi, d'entendre les pouvoirs publics proclamer, que «se loger est un droit», quand ce dernier est bafoué, piétiné et ridiculisé
Aujourd'hui, ils sont des millions de mal-logés, dépourvus le plus souvent de «confort de base» et autant de millions d'individus en situation de fragilité, susceptibles de basculer à tout moment dans cette première catégorie, en cas d'éclatement de la famille ou de perte d'emploi. Enormément d'Algériens vivent dans un logement comportant au moins un «défaut majeur de qualité» (Un toit percé, des infiltrations d'eau, des insalubrités de plomberie ou d'électricité défectueuse, voire une absence de sanitaires, quand ce n'est pas la bâtisse qui menace ruine).
Alors oui, il y a un scandale du logement ! Un scandale superbement ignoré par ceux-là mêmes qui devraient avoir à cœur de le relayer, les médias ! Les journaux n'en parlent pas assez, car nul besoin d'être grand clerc, pour savoir :
1- qu'il y a une spéculation sur les logements sociaux
2- que les prix des appartements ont été multipliés par vingt ou trente, voire plus
3- que les loyers imposés par les propriétaires privés ne reflètent pas ceux déclarés au notaire
4- que les cautions sont hors de prix, alors que les ressources des ménages sont restées en rade
Nos concitoyens, notamment les jeunes couples, consacrent plus de la moitié de leurs salaires au loyer du logement, sans compter l'année payée d'avance. Bref, le scandale du logement est là, tous nous sommes touchés ou le serons un jour, nous ou nos enfants. l est certes vrai que l'Etat a fait des efforts énormes pour la promotion de l'habitat dans le pays ; des millions de logements ont été construits, avec une foultitude de programmes pour les acquérir. Il est aussi vrai que depuis l'avènement de l'actuel ministre de l'Habitat, les choses ont bougé. Mais il faut sans cesse le rappeler, on ne construit pas assez et ce que l'on construit est mal réparti, ou pour le moins ne répond pas, suffisamment, aux besoins sociaux.
La faiblesse de la construction, malgré les efforts des travailleurs chinois, a engendré de fortes tensions sur le marché, laissant, ainsi, sur le bord de la route les plus fragiles. C'est-à-dire non pas quelques dizaines de milliers d'Algériens «brûleurs de pneus», mais des milliers d'autres «mal-logés» qui souffrent, en silence. Or les pouvoirs publics continuent à faire comme si notre pays était composé d'une large classe moyenne et de seulement quelques milliers de pauvres ayant besoin d'une aide à la construction d'un logement rural ou au plus, de l'attribution d'un F3 dans des zones périphériques.
La crise du logement n'est pas prête de s'estomper, elle a précédé la crise économique et nul doute qu'elle lui survivra, car cette crise est structurelle et d'autant plus grave qu'elle ne reflète pas seulement les inégalités sociales, elle les amplifie ! Nourrie par la crise économique et la spéculation immobilière, elle s'est enracinée, durablement, en Algérie ; le déficit en logements accumulé depuis l'indépendance concerne des milliers voire des millions de personnes mal-logées ou serrées dans des surfaces minuscules et insalubres.
Pour couronner le tout, les experts n'ont pas cru utile d'évaluer les mutations de la société algérienne, à commencer par l'éclatement familial, l'augmentation des divorcés, le nombre croissant de célibataires cohabitant avec leurs parents, les couples mariés sous le même toit, etc. Quand hier, il suffisait d'un logement par foyer, il en faut aujourd'hui parfois deux, voire plus, par famille. Certains modes d'attribution de logements mis en place par les pouvoirs publics ont montré leurs limites. Des personnes ayant pignon sur rue en ont fait un véritable fonds de commerce : ils ont en tête les différents programmes de logements, les lieux de leur réalisation, leur type, la date de leur réception et la procédure de leur attribution. Ces méthodes qui sont à l'origine de la corruption et du favoritisme ont incité certains citoyens qui n'ont rien à voir avec le logement, à s'y consacrer dès lors que c'est un commerce juteux ! (*)
En 2015, la crise du logement est devenue un lent poison qui menace la cohésion sociale déjà bien chahutée, nourrit les frustrations et accentue le fossé entre ceux -parmi les mal logés- qui subissent la crise et ceux parmi les «bidonvillois» séduits par "l'appel d'air" des recasements automatiques, qui en profitent. Le rêve où tout le monde deviendra un heureux propriétaire s'effondre. Crises à répétions, chômage, précarité et baisse du pouvoir d'achat. Pour les couples en devenir, il y a l'AADL, mais comme là aussi on construit peu, la solution s'éloigne. Il reste le privé où les loyers grimpent inexorablement, faisant le malheur des pauvres et le bonheur des riches. Pour ceux de l'habitat précaire, il y a la rue et la contestation. Les maires et les walis dont la plupart n'ont pas été formés à la gestion du risque, auront fort à faire pour contenir les foules. Et pourtant, ils ont tous été élus ou nommés pour ne pas laisser s'aggraver la pénurie qui a rendu la location difficile pour certains et la propriété impossible pour beaucoup.
Ce week-end, Abdelkader Zoukh, le wali d'Alger, a supervisé les opérations de relogement de 4 000 familles du bidonville d'Er-Remli, dans la commune de Gué de Constantine, à la périphérie d'Alger. Il a tenu à rappeler que les opérations de sélection des bénéficiaires ont permis d'élaguer des listes, quelque 1 000 familles en raison de leur présence dans le "Fichier national" du logement. Le défi à venir, selon le wali d'Alger, consisterait à faire de "la capitale, une ville sans bidonville" ! Pendant ce temps-là, l'intérieur du pays se vide, l'agriculture manque de bras et la facture alimentaire du pays explose. Peu importe, car la paix sociale est à ce prix. Il n'y a plus, aujourd'hui, de politique structurelle du logement ; inutile de s'attarder sur les promesses des pouvoirs publics face à la tragédie des situations. On ne peut, raisonnablement, donner un logement à tout le monde ! Que faut-il faire alors ? Impliquer davantage le privé dans la construction du logement ? Impliquer davantage le privé dans la réalisation des programmes de logements, en les fractionnant ? Lui permettre d'employer la main-d'œuvre étrangère, notamment africaine ? Revenir sur la cessibilité du logement social ? Expulser les mauvais payeurs ? Réaffecter leurs logements ? Faire une loi pour réquisitionner et mobiliser le parc immobilier privé ? Imposer durement les propriétaires qui refusent de mettre sur le marché leurs logements? Donner des aides au loyer ?
Aux autorités publiques de donner les réponses.
Cherif Ali
(*) Pourquoi, la crise du logement persiste-t-elle en Algérie ? Houcine Mihoub
Commentaires (3) | Réagir ?
Tant que les Ministres, les policiers, et les cliques malhonnêtes ne seront pas juger par des hommes intègres, et que rédigera des lois plus justes et qu'elles seront mises en oeuvres dans les tribunaux par des juges intègres, rien ne fera avancer dans notre pays.
Pour avoir un logement en Algérie et particulièrement dans les grandes villes il faut construire une baraque, se faire enregistrer à l'APC et attendre. Ceux qui louent chez des particuliers à des prix exorbitants,, ceux qui habitent des logements à plusieurs familles dans des F2 ne sont pas concernés. C'est pour ça que les grandes villes sont ceinturées de bidonvilles qui poussent comme des champignons. Vous avez raison c'est le tonneau des danaïdes surtout si ces logements seront vendus plus tard.