Face aux loups, restons des Hommes !
Un général est arrêté, tenu dans le secret et séparé de sa famille, en grande crainte pour l’être cher. Arrêté par une armada de forces de l’ordre, l’humiliation publique se rajoute au désarroi de la privation soudaine de liberté. Dans ces moments, le démocrate fait cas de l’homme, il se doit d’ignorer le général. Mais que c’est dur !
Nous serions en droit de répondre que les loups se dévorent toujours entre eux et que cela n’est que l’inéluctable conséquence du choix des individus en question. Nous pourrions rétorquer, avec une pincée d’ironie, que le général n’a aucune crainte à avoir envers la justice de son pays puisqu’il a voué son existence à nous convaincre de son impartialité, y compris par une pédagogie des plus musclées. N’a-t-il pas fait partie de ceux qui ont violemment réprimé ceux qui manifestaient leur doute quant à la démocratie et la justice ?
Il est donc le mieux placé au monde pour se persuader qu’il va se justifier et se défendre devant des démocrates, patriotes et républicains dans l’âme. Ce serait étonnant qu’il ne bénéficie pas de la protection du droit algérien, prolixe en textes et en défenseurs zélés. Il n’a rien à craindre et peut y faire face avec sérénité, il le sait puisqu’il n’a cessé de le répéter à ceux qui avaient l’imprudence d’exprimer une opinion contraire.
C’est que les démocrates ne répondent jamais à la barbarie d’Etat par la même barbarie d’Etat. Nous voulons leur montrer que nous sommes bien au-dessus du sentiment que pourraient laisser croire nos articles répétés et rédigés avec une rancœur certaine. Nous considérons que cet homme est présumé innocent tant que les preuves ne sont pas matériellement apportées et qu’elles soient de nature suffisamment graves du point de vue du droit et de la défense de l’Etat. Mais, lui, a choisi et défendu un système judiciaire à l’opposé de nos souhaits.
Nous ne ressemblons pas à nos adversaires car, en ce moment précis, nous sommes capables d’exprimer une humanité envers une famille qui souffre de l’emprisonnement d’un des leurs. Quelle que soit notre violente accusation, nous sommes pour un état de droit, y compris pour ceux qui l’ont toujours bafoué d’une des plus sanglantes manières. Mais, hélas pour lui, ses petits camarades sont loin de partager cette opinion.
Ce fonctionnaire à la retraite doit pouvoir se défendre contre ses détracteurs, dossiers ouverts, journalistes et avocats présents, dans une procédure des plus normales. La presse nationale doit, dans cette affaire, avoir la plus grande des latitudes pour investiguer, comprendre et conclure, sans se substituer à la justice. Les procédures doivent être légales, comprises et l’accusation étayée par les preuves les plus solides. J’ai bien crainte que les choses ne soient autrement et que, déjà, le secret, l’opacité et le silence soient encore au rendez-vous. Nous sommes d’incorrigibles rêveurs, ses amis, eux, sont plutôt dans le registre du cauchemar.
Le droit et la justice ne font pas cas des liens de sang s’ils n’ont pas un rapport solidaire dans l’acte incriminé. Si ce que l’on raconte de son fils est en rapport avec l’acte d’accusation, qu’il en soit alors ainsi, sinon, les individus sont seulement responsables de leurs propres actes. Est-il coupable ou non de trahison d’Etat, comment et par quelles preuves ? Il est, hélas, difficile de penser que ses accusateurs aient la même lecture du droit que nous, celle-là même qu’il nous a dénié la liberté d’exprimer et de mettre en œuvre, du temps où il fut un fier général en exercice.
Nous sommes des humanistes et des démocrates, pas question pour nous de hurler avec les loups. Nous ne nous réjouissons du malheur de personne, quelle que soit la très lourde responsabilité des accusés. Un homme est privé de sa liberté, c’est pour nous la plus grave des sanctions, avant même de nous demander qui est cette personne. Nous ne sommes ni naïfs, ni complaisants, mais refusons la loi de la vengeance gratuite. Cet homme doit revenir dans la lumière de sa liberté d’expression et se défendre, dignement. Mais je crains que les ténèbres soient plutôt du goût de ses camarades de corporation militaire.
Nous sommes dans l’humain et comprenons la douleur immense des proches, quelle que soit notre profonde conviction. Nous aurions aimé, en retour, qu’elle comprît, en son temps, que son rang, sa protection et son niveau de vie étaient bâtis sur le sang et les larmes des autres. Le démocrate doit prendre sur lui-même et taire sa terrible envie de crier à ces êtres qui sont si fragiles, dans le moment actuel, leur lourde responsabilité solidaire et coupable. En revanche, il est à craindre que les seuls cris que connaissent les généraux, dont il porte le titre, sont ceux qu’ils font subir aux autres, dans la torture et la barbarie.
Nous, nous ne réclamons aucune loi du Talion et aucune guerre entre les loups. Nous attendons sereinement le jour où les comptes seront réglés par le droit et par la lourde sanction de la conscience historique. Ce jour-là, nous aurons la tête haute d’exiger que les choses se passent dans la dignité des Hommes, et non dans celle des barbares.
C’est pour cela que c’est vraiment dur d’être démocrate !
Sid Lakhadar Boumédiene
Enseignant
Commentaires (4) | Réagir ?
danke schoon
L’homme qui criait au loup !
Face aux loups restons des agneaux, c’eût été mieux dit.
On dit que les loups ne se mangent pas entre eux mais que l’homme est kamim un loup pour l’homme.
Ô combien de marins et de capitaines croupissent dans les geoles de la république sans jugement.
Ceci dit, cette affaire du gininar me parait un peu loup-che kamim.
Alors echtah echtah ya loup-loup !
" Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux !
A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
- Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,
Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur !
Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive,
A force de rester studieuse et pensive,
Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. "