L’enfant et le sabre des Ibn Saoud
Un jeune garçon, Ali Mohammed Baqir al Nimr, encore beau de l’espoir que fait naître son entrée récente dans la vie, a été condamné à mort. Un jeune homme, pétillant de sa juvénilité, a failli être victime de la pire des barbaries humaines et, probablement, le sera-t-il dans les prochains jours. Condamné à mort, sa sentence sera d’avoir la tête tranchée par un sabre, en place publique, et le corps exposé jusqu’au pourrissement.
S’agit-il d’une histoire du moyen-âge, au cœur d’une sombre contrée soumise aux lois de la barbarie ? Absolument pas, nous sommes bien au vingt et unième siècle, dans un Etat parmi les plus riches de la planète.
A-t-il assassiné, violenté ou pillé des centaines de malheureux innocents ? Nous serions en droit de penser à un acte qui soit en commune mesure avec un châtiment exceptionnellement lourd. Il n’en est rien, ce jeune garçon, mineur au moment des faits, a commis le plus grave des crimes pour la monarchie saoudienne, celui de manifester sa colère, dans un pays où l’acte d’opposition politique est aussi répréhensible que le pire des blasphèmes à la face du mausolée saint.
Pendant que des dizaines de milliers de fidèles vivaient leur foi et s’apprêtaient à terminer leur pèlerinage dans la communion de leurs rites, hélas interrompu par un terrible accident, ils n’avaient pas conscience d’un autre drame humain qui allait se dérouler, presqu’au même moment, sur le sol qu’ils foulaient et vénéraient.
Ali Mohammed Baqir al Nimr, dont le sourire respire l’humanité la plus joyeuse, était programmé, car c’est le mot juste, pour qu’un sabre s’abatte sur lui, lui tranche la chair et les os du cou dans un bruit qui nous est familier dans une boucherie. Nous avons, tous, vu ce geste et entendu ce bruit de la viande déchirée, de l’os broyé et du fracas de la lame qui frappe le socle en bois, lorsqu’elle a fait son travail et qu’elle n’a plus rien à trancher. Oui, mais ce n’était pas un jeune homme que l’on exécutait, seulement une bête que notre légitime besoin de nourriture permet de mettre à mort. Et le boucher ne convoque pas la foule au spectacle pour qu’elle assiste et se réjouisse de la mort, ce qui sera le cas pour ce pauvre malheureux. Que chaque lecteur affronte la terrible réalité de ce qu’est une exécution à mort et au sabre, en public, puisqu’elle est faite au nom du droit d’un Etat qui a les clés des lieux saints du monde musulman.
On ne peut pas prier, légitimement, jeter des pierres à Satan et, faire comme si rien ne se passait, dans une localité où les fidèles viennent se rapprocher de ce qui est leur âme religieuse la plus profonde. Il faudra un jour que les pèlerins s’indignent que la barbarie, qu’ils estiment être à l’opposé de leur foi, ne soit la religion d’Etat d’un pays qui est hôte des lieux sacrés pour des millions de musulmans à travers le monde.
Nous le savons, ce jeune garçon est victime de sa parenté avec un homme considéré comme dangereux par le régime politique de Riyad et condamné à mort, son oncle, grand prédicateur du mouvement chiite. Rappelons-le, l’enfant était mineur au moment des faits. A l’abject, souvent est associée la lâcheté.
La peine de mort est déjà en soi insupportable pour celui qui est censé être intégré dans la collectivité humaine. Mais assassiner un jeune garçon, coupable d’avoir manifesté, un droit des plus forts de notre conscience humaniste, et de surcroît dans une mise en scène qui aurait fait vomir d’horreur bien des citoyens du moyen-âge, il n’y a aucun mot que l’école républicaine, ni la sémantique de la rue, pourrait nous permettre d’exprimer.
L’Etat islamique maltraite et lapide les femmes, l’Arabie Saoudite aussi. L’Etat islamique tranche les têtes en place publique, le royaume des Ibn-Saoud également. L’Etat islamique fait de la terreur et de la mort sa politique d’hégémonie, les gardiens des lieux saints font de même. Il y a là une troublante vérité qui ne semble pas sauter aux yeux de la majorité des gouvernants, particulièrement des pays musulmans.
En ce moment, le pauvre enfant tremble de tout son corps dans les geôles de ce macabre royaume, en sursis, suite à l’émoi international qui s’est exprimé à son égard. Il attend la mort atroce qui lui est promise. L’horreur s’ajoutant à l’horreur, un communiqué venait de nous annoncer la désignation du représentant de l’Arabie saoudite au poste de président du comité chargé de sélectionner les rapporteurs spéciaux de...la Commission des droits de l’Homme des Nations unies !
On aura du mal à se convaincre que c’est nous qui tournons le dos aux valeurs religieuses. Etrangement, il semble souvent que ce serait plutôt le contraire.
Sid Lakhdar Boumédiene
Enseignant
Commentaires (5) | Réagir ?
merci
wanissa
Un moment d’égarement…..
Je comprends parfaitement votre indignation. Je ne vous reprocherai même pas d’abonder dans le sens commun, même si ce n’est pas sur ce site que vous trouverez à ce propos des contradicteurs.
Mais comme c’est vous qui écrivez pas plus tard que j’ai oublié quand "athée c’est mon droit" : ce qui d’ailleurs sans vous le dénier m’a fait sortir de ma légendaire magnanimité et m’a poussé à vous faire remarquer que c’est le constat d’absence de sens de la vie, étayé par la philosophie de l’absurde chez Camus et l’errance chez Sartre et par d’autres célèbres athées (l’homme erre, in l’être et le néon... heu.. le néant…) alors que vous vous affirmiez que l’homme a besoin de donner un sens à sa vie, ce qui est plutôt à l’origine de l’idée de Dieu, et qui vous fait à vous l’athée déclaré mais timoré une théologie de l’athéisme : un déni de piété.
Un athée aurait-il écrit : « Pendant que des dizaines de milliers de fidèles vivaient leur foi et s’apprêtaient à terminer leur pèlerinage dans la communion de leurs rites …. » Et « Il faudra un jour que les pèlerins s’indignent que la barbarie, qu’ils estiment être à l’opposé de leur foi ».
Au lieu de tenir un discours de raison vous opposez la foi à la barbarie, comme si ces deux dernières dans l’histoire ne s’étaient jamais confondues. Ô combien de crimes et de boucheries abominables ont été commises au nom de Dieu et que seule une foi aveugle sait expliquer ! Le cheval de Sidi 3li avait du sang de ses adversaires jusqu’au garrot, il mourut comme ses prédécesseurs et son fils Hussein assassiné. Et laissons de coté toutes les sentences lapidaires prononcées par des califes et des théologiens bien dans leurs peaux.
Vous oubliez que c’est la chari3a, le droit divin, qui est appliquée chez les ibn Séoud, et vous voulez leur donner des leçons de piété. Finalement, votre réquisitoire ne les condamne que parce que le crime qu’ils allaient commettre allait se produire dans les lieux saints et saloper la bonne conscience des pèlerins qui ignoreraient totalement que l’Arabie saoudite est une sordide dictature moyenâgeuse et rétrograde.
Amen!
Allez mon fils, vous êtes pardonné !