La corruption s’enracine là où il y a des bouches ouvertes

Les graves révélations du député Missoum ont fait plus rire les députés par veulerie que leur faire prendre conscience de leur devoir.
Les graves révélations du député Missoum ont fait plus rire les députés par veulerie que leur faire prendre conscience de leur devoir.

Un peuple de moutons fini par engendrer un gouvernement de loups disait Agatha Christie. Donc, il ne suffit pas de passer son temps à accabler l’équipe au pouvoir pour espérer un changement quelconque.

Il faut savoir faire son autocritique. Ceux qui gouvernent en général et plus particulièrement dans l’évolution du parcours historico-politique de l’Algérie, ne sont qu’un maillon d’un système. Gouvernants et gouvernés baignent dans un ordre établi où chacun trouve son compte. Ce n’est pas la politique qui transforme un responsable en voleur mais c’est le vote des citoyens apathiques qui convertit un voleur en politicien. Depuis pratiquement la mort du feu président Boumediene qui a pris le pouvoir par la force, tous ceux qui lui sont succédés ont été placé avec une condition de ne pas perturber cet ordre établi. Le seul qui a tenté de s’en écarter, il a été immédiatement assassiné. Le système tel qu’il a été instauré après la réorientation de la démarche du développement de l’économie nationale n’a désormais pas réussi à développer une idéologie. Mais pour reproduire et entretenir cet assemblage, il tente de semer le trouble au sein de la société Algérienne car il ne peut perdurer que dans l’opacité et le désordre. Les actions que mènent les pouvoirs publics pour éradiquer le marché informel et nettoyer les villes et les villages du pays, ont dérangé les barons de l’import/export qui les utilisent comme étalage pour leur bric-à-brac. Un des ministres de la justice, garde des seaux a qualifié il n’y a pas si longtemps, les larmes aux yeux la corruption en Algérie de "métastasique et qui risque de gangrener le tissu social, de dénaturer l’effort d’édification de l’Etat de droit …" (voir le discours que Monsieur Mohamed Charifi a prononcé le 16 septembre 2012 lors de l’ouverture de la session ordinaire du conseil supérieur de la magistrature). Comment est cimenté et entretenu cet affairisme ? Par quel moyen le système diffuse une bonne image à l’extérieur ? Pourquoi et comment en est-on arrivé là ?

1- Le système diffuse un modèle parfait de démocratie

Début septembre à l’ouverture de la session d’automne de l’assemblée nationale, l’intervention du député Missoum Tahar devait enflammer les réseaux sociaux. L’intéressé a vidé son cœur en accablant le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Il l’a carrément traité d’accéder au rang doctoral sans passer par le baccalauréat. Il a donné publiquement le prix d’une chambre à l’hôtel Essafir dans lequel il séjourne en comparaison à une place dans un hammam qu’occuperait un enseignant chercheur, preuve à l’appui. Il est allé loin en accusant l’administration des œuvres universitaires de travailler en connivence avec le transporteur des étudiants attitré Taghrout. Mais enfin de compte, tout le monde est sorti de la séance en riant non seulement comme si rien ne s’était passé mais encore aucune considération pour les citoyens qui ont écouté tout cela avec amertume. En plus, le président de séance, Larbi Ould Khellifa devait intervenir pour l’interrompre sinon il avait d’ autres dénonciations à faire. Le journal El Khebar rapporte la déclaration du député Noureddine Belmeddah qui avait dénoncé un scandale dans le milieu des affaires religieuses. Plusieurs fois d’autres vidéos de la même sorte ont envahie facebook comme si tout cela est fait exprès : et il l’est. Pour un étranger qui vient pour la première fois en Algérie ou s’y intéresse à sa politique en voyant ce genre d’intervention et en parcourant les titres de la presse quotidienne et les contributions des intellectuelles, il conclura que l’Algérie est l’image parfaite d’une démocratie digne d’un pays occidental et loin de celui Arabe ou Africain.

C’est justement l’image qui arrange et tranquillise le système peu importe ce que disent les gens pourvu qu’ils reflètent une réputation démocratique. Le ministre de l’industrie qui utilise le forum public pour accuser le patron de cevital. Ceci reste un débat médiatique sans que la justice ne s’y inquiète outre mesure pour des faits aussi graves. L’opposition quant à elle manque de crédibilité car pour la majorité d’entre eux, ils viennent de ce système mais pour assouvir une vengeance personnelle parce qu’on y a été écarté ou par une forte ambition d’accéder au pouvoir, leur messages aux citoyens n’arrivent pas. La crise économique Européenne et par extension celle des Etats Unis, poussent certaines grandes compagnies à rechercher un plan de charge dans les pays à fond souverain important et dont leur économie reste fortement dépendante de l’extérieur. Par l’entremise de leurs agents sur place ou établis à l’étranger créent la pagaille pour s’emparer des marchés juteux en arrosant ces mêmes agents. Sinon comment expliquer que de nombreuses capitales et notamment celles européennes ont plus paniqué à la rumeur du décès du président que les Algériens eux-mêmes. Dans ce cas précis, le trouble permet de s’éloigner des vraies questions. On sait qu’actuellement Sonatrach panique de ne pas pouvoir respecter ses engagements à cause du retard qu’elle accuse dans son programme de forage qui rentre dans le plan moyen terme (PMT) 2012-2016 et, ce parce que tous les appels d’offre qu’elle a lancé sont soit infructueux soit annulés. Cette panique pousse indirectement pour renouer avec le gré à gré afin dans la confusion d’éviter les bonnes questions comme celles du désinvestissement et de la déstructuration de l’ENTP et l’ENAFOR qui sont filialisées au groupe et qui ont une expertise avérée dans ce domaine pour laisser Sonatrach tendre la main vers des entreprises étrangères parfois nouvellement venues dans cette activité. Comment se fait-il que les entreprises haddad/Kouninef et Cevital s’intéressent-elles au forage ?quelle expertise ont-elles, on sait que cette activité est particulièrement capitalistique, d’où ont-elles ramené les capitaux ? comment se fait-il que les entreprises américaines bénéficient de toutes les facilités pour exploiter le gaz de schiste alors que le pays regorge de gaz conventionnel etc.

2- Pourquoi les Algériens sont devenus amorphes ?

Il faut souligner que même si la réputation de l’Algérie comme étant le «le grenier de Rome» est contestée par certains spécialistes algériens qui la considèrent comme une blague de mauvais goût de la France, les intentions ou les invasions ont toujours eu pour origine un intérêt agricole de la plateforme algérienne bien avant le tracé des frontières nord africaines. En plus le coup de l’éventail porté le 29 avril 1827par le dey d'Alger (le gouverneur ottoman de la région), Hussein ben Hassan au consul français, Pierre Deval avait pour origine un contentieux agricole à l’avantage des algériens qui n’avaient pas perçu le paiement de la dette qu’ils avaient sur les français. En effet, ils fournissaient du blé et des céréales pour l’armée française lors de la compagne de Napoléon contre l’Egypte. D’ailleurs le gouvernement français exploita cet évènement pour aller à la conquête de l'ensemble de l'Algérie au cours des trois années qui suivirent, et il resta pendant près de130 ans. Propriétaire ou khammès, l’algérien se débrouillait pour fournir du blé et des céréales de qualité pour toute la rive de la méditerranée. Les exemples ci-après vont non seulement étayer ses performances paysannes mais démontrer l’avantage comparatif que lui donnait ce statut.

En 1928, lorsque le blé et les céréales se comptaient en quintaux et non en tonne comme c’est le cas aujourd’hui, l’Algérie fournissait à la métropole et ailleurs tout en mangeant à sa faim plus de 3 millions de quintaux. Elle en consacre fin 2014 prés de 10 milliards de dollars pour la facture alimentaire. Jusqu’à quelques années après l’indépendance, le blé dur de la plaine de Magra prés de Sétif se troquait avec les Italiens à 1 quintal contre 5 de blé italien tendre. Ce même paysan a réussi d’entretenir des orangers de grande qualité notamment à Boufarik. Les régions côtières ont fournie avec son aide de meilleures vignes qui ont donné le vin de "Sidi Brahim" qui s’offrait dans les grandes occasions en Europe. Les dattes de «Deklet Nor» ont été primées pendant plusieurs décennies en France. Bien après l’indépendance, début des années 1980,la Sonatrach a envoyé des équipe et son appareil SH 183 pour forer en kiswahili Chole Shamba qui est une île dite de la mafia située dans l'océan Indien et faisant partie de l'archipel de Zanzibar de la Tanzanie. Les conditions y sont extrêmement dures (présence d’animaux très dangereux, pluie toute l’année, malaria etc.) et pourtant, ces équipes ont donné des performances meilleures que celles des américaines. Les jeunes algériens réussissent leur start up à Silicone valley et en Europe mais échouent dans leur propre pays. Pourtant les dispositifs d’aide aux jeunes porteurs d’idées n’en manquent pas selon le discours officiels bien entendu. Pourquoi l’algérien se sent mieux et devient plus dynamique dès qu’il quitte l’environnement natal ? Les psychologues industriels ont montré que l’homme pour produire et créer d’une manière rentable, il faut qu’il soit heureux. Alors, l’algérien pour arriver à une aussi médiocre productivité serait-il frustré voire pas bien dans sa peau et pourquoi ? Si tel est le cas, on serait amener à dire que les objectifs de l’indépendance qui visaient de le libérer du joug colonial pour l’épanouir ne seraient malheureusement pas atteints. Que s’est-il passé ? Examinons la série de frustration dont il a fait l’objet.

3- Première frustration de 1962 à mi-1965

Cette période a été caractérisée par le départ massif des colons et la vacance des moyens de production. On l’avait baptisé, période de réorganisation de l’économie nationale. Pour passer cette étape, la population Algérienne a dû consentir d’énormes efforts jusqu’à mettre leur économie voire même leur bijoux de famille dans une caisse dite de solidarité pour permettre au rouage économique de tourner. Qui en a profité ? Qu’est devenue cette caisse de solidarité ? Aucune réponse n’a pu être donnée d’où une première frustration mais la population a gardé espoir imputant cela à une crise de démarrage logique. Il est apparu durant cette période une relation intime entre la masse populaire et l'Etat considéré comme seul protecteur des moyens de production communs. Face à des différentes difficultés rencontrées par les entreprises autogérées, nombreux sont les travailleurs qui souhaitaient leur passage sous le contrôle de l’Etat.

4- Deuxième frustration

La période d’industrialisation allant des années 65 à la mort de Boumediene est apparue avec une idée fortement mobilisatrice. L’initiateur balaie tout et disait "Vous avez réussi à obtenir votre indépendance politique, il vous faut maintenant une autre bataille pour celle économique". La population est séduite par ce discours qui parait à priori logique. Elle serre la ceinture, retrousse ses manches et entame un combat qui s’est avérée après presque deux décennies vain. Donc, elle subira une deuxième frustration et pas des moindres mais il lui reste quand même un peu d’énergie. Les spécialistes ont décrit les dégâts culturels durant cette période comme irrémédiables lisons ce que dit El Kenz «l’industrialisation n’est jamais uniquement une affaire technique et économique. C’est aussi un vaste mouvement de transformation culturelle du fait de son caractère massif et accéléré. L’industrialisation prend en Algérie la forme d’une destruction rapide systématique d’une culture et l’imposition d’une autre culture et il serait peut être pas exagéré de parler de véritable viol culturel»

5- Troisième frustration

A la mort de Boumediene, des technocrates s’emparent du pouvoir pour dire d’une manière très succincte : "Tout ce qui a été fait jusqu’à la fin des années 70 relève de l’erreur, car il a été assigné aux principaux instruments économiques des objectifs politiques ceci est antinomique avec la rentabilité". Une restructuration organique et financière tous azimuts s’est opérée pour en définitive mettre à terre toutes les potentialités économiques pour rendre encore une fois vains tous les efforts entrepris. C’est durant cette période que s’est instauré le partage de la rente pétrolière et l’apparition de nouveaux riches et des dysfonctionnements sociaux pour la première fois en Algérie. L’éclatement d’octobre 88, n’est que cette goutte qui a fait déborder le vase de la 3ème frustration

6- La frustration fatale

Après les espoirs suscités par les soulèvements d’octobre 88, On empruntera un raccourci pour énoncer en vrac les maux sociaux : conflits sociaux, dislocation de la société, transition politique et économique, désengagement lâche de l’Etat vis-à-vis du citoyen et des acquis économiques, fort développement des dysfonctionnements sociaux (gabegie, terrorisme, corruption etc.) qui n’ont fait que renforcer les inégalités et la misère sociales. Cette situation raccourcie à l’extrême, a fait que l’appareil économique est resté à terre et n’arrive même pas à décoller. La population qui devrait contribuer à pousser cet appareil est à elle-même à terre. Elle vient de subir une quatrième frustration fatale et qui cette fois- ci paralysera ses membres. Globalement le système pédale à vide et ne génère aucun travail productif que de la parlotte. Résultat ? Forte dépendance de l’économie nationale de l’extérieur. Toutes les richesses en milliards de dollars dont se gargarisent les dirigeants en place ne sont que le résultat de l’augmentation du prix du baril de pétrole. La croissance économique en Algérie est du type extensif et ne s’appuie sur aucune créativité ou effort humain. Le champ politique est verrouillé et monopolisé par un seul parti puisque les autres membres de la coalition ne sont que des satellites. Le RND et le MSP sont des tendances de l’ancien FLN. En fait il n’y a aucun changement à ce niveau depuis 1962.La misère progresse et s’installe et fait grossir les couches défavorisées. La population qui la compose sent l’odeur mais ne voie pas venir la viande. Plus de 180 milliards de dollars et autant de réserves en or mais très peu en bénéficie. Les artifices de la débrouillardise règnent à travers l’informel et la politique de tag al men tag s’y instaure.

7- Conclusion

Cette série de frustrations a sonné, dérouté puis complètement écarté de ses références ancestrales l’Algérien moyen. Il ne partage pratiquement plus de valeurs communes à part celles religieuses avec la société et donc rien ne le motive pour travailler. Il est devenu narcissique et désintéressé du corps social. Le chamboulement de l’échelle de valeur lui a fait perdre le sens de la mesure. Il ne voit aucun lien entre le travail et la rémunération. Il veut gagner vite et beaucoup en peu de temps et donc plus il reçoit plus il en demande et rompe ainsi le dialogue social. Alors ! Comment espérer le voir productif avec un tel comportement de toute évidence acquis ? L’artifice de Tag al men tag et celui de la débrouille ont cimenté encore plus l’ordre établi par le processus d’encanaillement qui consiste à faire d’un responsable un atome social autour duquel gravitent des bouches ouvertes qui peuvent tuer pour faire durer le système. Donc ceux qui prônent un changement par le bas, peuvent attendre longtemps car même ce bas est pourri par cet entortillage.

Rabah Reghis, Consultant et économiste pétrolier

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Commentaires (9) | Réagir ?

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adil ahmed

danke schoon

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klouzazna klouzazna

il y'a une part de vérité dans ce contenu...

sans personnes corruptibles nul présence de corrupteurs !!!

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