Les limites de la politique migratoire européenne
"Kiyiya vuran insanlik", l'humanité lavée ou échouée en langue turque! Voilà l'un des hashtags les plus partagés la semaine dernière sur twitter suite à la diffusion à large échelle sur les médias et les réseaux sociaux de la photo de Aylan Kurdi, cet enfant de 3 ans, tee-shirt rouge, short bleu, tête penchée sur le sable, comme endormie sur un berceau de soie, que les vagues de la mer ont rejeté sur les rives de la plage d'Akyarlar, en bordure de la Turquie.
Un désastre, une catastrophe, un meurtre prémédité des consciences, de l'humain, de l'enfance. Terrible est notre monde! Terrible! Car, c'est souvent l'innocence qui paie les pots cassés de la folie des politiques. Et l'innocence est, cette fois-ci, sauvagement cueillie à la fleur de la vie par la barbarie, l’égoïsme, l'hypocrisie et que sais-je encore. La honte d'être homme, de se réclamer d'une quelconque chapelle humaniste, de revendiquer un soupçon de sensibilité, voilà comment je résume personnellement mon sentiment à la vue du contenu macabre de cette photo ! Cela me rappelle une autre image, gravée à jamais dans mon cerveau, celle de Mohammed Al-Dura, cet enfant palestinien de 12 ans qui, en l'an 2000, s'est réfugié derrière le dos de son père au moment même où les soldats israéliens lui tirent dessus à balles réelles, sans pitié, devant toutes les caméras du monde. Juste que la différence avec le cas de ce Kurde étant que les balles des assassins sionistes sont remplacées par les vagues de la mer. La mer est parfois mauvaise conseillère, la mer est prédatrice. Sauvage. Hélas !
I- La situation est dramatique
A vrai dire, la situation est dramatique. D'autant plus qu'à l'instabilité régionale du Moyen-Orient s'ajoutent les barrières d'acier dressées par cette Europe-forteresse face à des milliers de migrants ou de réfugiés (la terminologie présente en effet un flou sémantique d'une telle complexité qu'il est vraiment difficile de différencier les migrants économiques de ceux qui demandent l'asile «politique»). L'agence européenne de la surveillance des frontières (Frontex) a recensé sur les 7 premiers mois de l'année en cours 340 000 migrants arrivés aux portes de l'Europe, contre 123 500 pour la même période en 2014! L'écart est immense. En plus, selon l'organisation internationale pour les migrations (O.I.M), 2643 migrants ont perdu la vie dans cette aventure de la mort depuis le début de l'année alors que ce chiffre n'était que de l'ordre de 3500 pour le tout 2014! Il semble bien que la migration économique traditionnelle dont les pays européens ont été le point d'attraction durant les trente glorieuses (1945-1975) a changé de nos jours de nature et de dynamique. Les migrants dont 90% sont des syriens, des irakiens ou des afghans fuient désormais la guerre, les persécutions, l'insécurité, Al-Assad, Daesh, les milices islamistes, les exactions, etc.
L'itinéraire qu'ils préfèrent est celui des Balkans de l'ouest (Serbie, Macédoine, Bulgarie, etc) car sans grands risques de contrôle aux frontières. En revanche, les péripéties de cette épopée peuvent tourner au drame. Ce fut le cas en particulier le 27 août dernier lorsque des dizaines de corps sans vie (environ 70) auraient été retrouvés dans un poids lourd en stationnement en bordure de la ville de Parndorf, frontalière de la Hongrie, dans l'Etat de Burgenland, à l'est de l'Autriche. Deux jours plus tard, le gouvernement hongrois du «très nationaliste» Victor Orban annonce l'achèvement d'un mur de barbelés érigé sur 175 km de frontières avec la Serbie. Comme quoi, cet effet d'annonce sert bien la cause de ceux qui prônaient déjà auparavant le durcissement des conditions d'accès au ventre de l'Europe de l'ouest (l'eldorado tant espéré des réfugiés). Cet état d'urgence est justifié, médias aidant, par l'afflux en quelques jours seulement en Hongrie d'environ 3241 migrants en majorité syriens dont 700 enfants. La Grèce étant pour rappel avec l'Italie et la Turquie, la plaque tournante des passeurs à qui cette crise humanitaire aura rendu le plus grand des services. Ceux-ci demandent aux migrants des sommes faramineuses allant de 500 à 100 000 euros. Sommes qu'ils multiplient parfois par 2 s'il y a renforcement de mesures de contrôle aux frontières. Les autorités allemandes, à elles seules, ont arrêté près de 400 d'entre eux ces derniers mois, parmi les 2000 autres recensés depuis le début de l'année.
II- L'hypocrisie occidentale
réaction à cette actualité à rebondissements. Il y en a même certains qui ont comparé le sort réservé aux migrants du Moyen-Orient à celui des juifs du fameux «paquebot de Saint-Louis» lequel aurait transporté, en 1940, environ 900 réfugiés fuyant les pogroms, les massacres et les fours crématoires de l'Allemagne Nazie et qui avait été refoulé à la dernière minute par la ville de New-York, le Cuba et le Canada. Pour preuve, c'est seulement après la mort en une semaine de 1200 migrants le 23 avril dernier que la commission européenne a triplé le budget des opérations de sauvetage en Méditerranée. Or, on se rappelle bien qu'en août 2007, 7 pêcheurs tunisiens ont été condamnés par le tribunal d'Agrigente (Sicile) sous prétexte du «délit de solidarité» car accusés de secourir 44 migrants à bord d'une embarcation gonflable en train de couler dans le canal de Sicile entre Malte et l'île de Lampedusa! Et qu'en 2008, le guide libyen avait signé avec l'ex-président du conseil italien Berlusconi un accord bilatéral permettant à l'Italie de renvoyer les noirs africains chez eux ou en Libye avant même l'enclenchement de la procédure de l'instruction de leurs dossiers en tant que demandeurs d'asile. Ce qui est, bien entendu, en totale violation de la convention européenne des droits de l'homme! En contrepartie, El Gueddaffi aura bénéficié des différentes aides économiques italiennes au vu et au su de tout le monde. Bien plus, comme cadeau supplémentaire, les italiens ont octroyé à la Libye plus de 6 milliards d'euros de dédommagements par rapport à leur passé colonial (1911-1942) sous forme d'investissements s'étalant sur 20 ans. Assuré du soutien du gouvernement italien, le guide est allé même loin en déclarant dans une conférence de presse tenue en Italie en 2010 que les européens ne pourraient, faute de moyens et vu l'ampleur de la crise qu'ils traversent, que laisser vivre beaucoup de migrants au noir sur leurs terres au lieu de leur ouvrir la voie du retour vers l'Afrique. Cela leur coûterait à l'en croire plus de 5 milliards d'euros. Ajoutons à cela le fait que le 11 juin dernier par exemple, 200 migrants sont empêchés d'entrer en France par les gendarmes à la frontière avec l'Italie. De même, le 11 août suivant, la commission européenne aurait approuvé le projet de 2,4 d'aide à 19 pays, principalement la Grèce et l'Italie afin justement de renforcer le contrôle aux frontières!
III- L'Union européenne face à la réalité du terrain
En vérité, les 28 pays de l'U.E sont actuellement dans l'impasse puisqu'ils ne sont pas en mesure d'établir une stratégie migratoire commune et efficace. L'esprit de solidarité dont ils avaient fait preuve en acceptant 120 000 réfugiés sur le sol européen ne suffit pas, il faut des actes et des mesures concrètes à long terme. La Méditerranée n'est-elle pas devenue un cimetière à ciel ouvert pour ces déchus de l'existence? Les canots, les barques et les embarcations de fortune croulent sous le poids de cette misère humaine en détresse. Si l'Allemagne a besoin de migrants pour pallier une démocratie vieillissante comme le pense bien la chancelière Merkel, pourquoi n'avait-elle pas donc facilité avant que ces dégâts aient lieu «une politique d'asile» digne de ce nom pour ces milliers de «misérables» migrants? Cette interrogation est aujourd'hui légitime. Mme Merkel est allée même jusqu'à dire que cette question migratoire devait préoccuper beaucoup plus l'union européenne que l'épineux problème de la dette Grecque et la stabilité de la zone euro! Est-ce vrai ou juste une combine pour jouer sur la fibre du sensationnel? On n'en sait rien. De toute façon, en Allemagne, six personnes sur dix sont favorables à l'accueil des réfugiés, soit, si l'on répartit bien les réfugiés 87% d'entre eux y trouveraient place. Ce qui fait du pays le champion de l'hospitalité par excellence. D'ailleurs, il compte accueillir près de 800 000 réfugiés au cours de cette année. En revanche, dans cet élan de solidarité continental, l'Autriche et la Hongrie semblent être à la traîne, refusant carrément l'accueil de migrants, une attitude jugée par la plupart des membres de l'U.E contraire aux valeurs de l'Europe. Quant à la France, 2/3 de la population pense qu'il y a un peu trop d'étrangers au sein de la société, la leader du F.N Marine Le Pen en invoque même un complot ourdi par l'U.E pour obliger toute l'Europe à importer une main d’œuvre à bas coût. D'ailleurs, toutes les extrêmes droites européennes, chacune selon son discours, se sont opposées à ce flux migratoire sans précédent. Et pourtant, l'épisode tragique du Calais (la traversée de la Manche par des centaines de migrants) et le drame de Lampedusa en 2013 où près de 366 migrants ont péri sont là pour rappeler à cette belle conscience occidentale ces manquements répétés au devoir humanitaire.
Le drame au coeur de l'Europe
Trop de retard pris en effet pour jauger la gravité du contexte face à des opinions publiques virusées par les séquelles de la crise économique, du djihadisme, et de l'insécurité. Travaillées de surcroît par la peur tout simple de l'étranger. L'Europe n'a pas senti, semble-t-il, depuis longtemps la nécessité de mettre en place des stratégies de développement dans les sociétés d'origine des migrants. C'est peut-être ici que se trouve l'explication de ce mal. En plus des velléités interventionnistes sous le credo des guerres humanitaires ayant provoqué partout dans le monde arabe et ailleurs du chaos. Entre mécanisme obligatoire d'accueil de réfugiés (la France) et les "quotas contraignants" (Allemagne), les autres membres de l'U.E oscillent entre hésitation et dureté. Par exemple Matteo Renzi, le président du conseil italien milite pour instaurer un "droit d'asile européen", c'est-à-dire intervenir dans les pays d'origine des migrants et stopper les voyages de la mort, suggérant l'ouverture des "centres de tri" pour séparer migrants économiques et réfugiés et Mario Rajoy, le Premier ministre espagnol aurait déclaré le 1 septembre dernier à Berlin que l'immigration est "le plus grand défi pour les années à venir", sic, il faut s'y bien préparer. La réunion exceptionnelle des ministres de l'intérieur de l'U.E le 14 septembre prochain et le sommet européen, prévu à Valette (Malte) afin de mettre une plate-forme avec les pays subsahariens seront sans aucun doute des rendez-vous historiques à saisir pour relancer une nouvelle ère dans la façon de traiter «humainement» la question des migrations de ces dernières années. Car, une vie humaine quelconque, indépendamment de son origine, sa religion, son sexe, sa culture ou ses traditions, vaut son pesant d'or et mérite la dignité, le respect et le droit à l'existence. Plus jamais ça, plus jamais ça!
Kamal Guerroua
Commentaires (1) | Réagir ?
Monsieur, S'il y a des gens qui se trompe sur l'Europe, vous en faite parti.
L'Europe au semait la désolation à travers le continent Africain excepté peut-être l'Afrique du Sud, grâce notamment à Mandela.
Et en orient avec les pays dit arabes les faux rois pétroliers, détruits, vend des armes, et elle est entrain de semer la haine et la mort.
Les populations qui fuient ces pays et qui sont accueilli les bras ouvert, sont celles qui ont une très bonne culture générale, elles ont des métiers qui vont utiliser en Europe qui a besoin d'eux, c'est la raison pour lesquelles elles sont les bienvenues.
Avant de critiquer il faut réfléchir, leur gouvernants, ils ont des hautes études, c'est pas comme les notre, ils savent à peine écrire leur nom, ils se considèrent avoir atteint des sommets au dessus de tout le monde.
Peut-être au dessus des bédouins, mais c'est tout.