Il est temps de passer aux actes, messieurs du FCE !
Ali Haddad, parlant au nom du FCE affirme qu’il ne s’interdit aucun secteur ! Le patron des patrons en a fait, d’ailleurs, son slogan fétiche.
Un de ses adjoints, M. Louadah vient de surenchérir estimant que l’association à laquelle il appartient "apporte de la valeur ajoutée, et elle est en train de changer la donne économique du pays ; au FCE, on ne fait pas des affaires juste pour les faire a-t-il ajouté, mais nous avons un but précis, celui de servir notre pays et notre peuple !". Que le FCE et les patrons du secteur privé commencent, se disent certains, à investir dans le secteur moribond du tourisme ! Selon un dernier rapport du Conseil Mondial du Tourisme et du Voyage (WTTC), basé à Londres et réalisé dans 184 pays, l’Algérie se positionne à la 111e place sur 184 pays, loin derrière la Tunisie (49e) et le Maroc (38e) !
En ces temps de disettes, le tourisme est une véritable locomotive et le temps nous est compté en matière de diversification économique et pendant ce temps-là au ministère, on n’a toujours pas résolu l’équation "doit-on lancer le tourisme, ou le relancer ?". Chaque ministre entrant y va de sa stratégie :
- faut-il commencer par réanimer le tourisme domestique et donc commencer par satisfaire une demande intérieure, pesante et urgente ?
- ou alors tout miser sur une demande extérieure, hypothétique et virtuelle, soumise de plus en plus à une impitoyable concurrence ?
- peut-on mener les deux actions en parallèle ?
Autant de questions sans réponses, dès lors que le secteur a été délaissé par les pouvoirs publics qui, pour l’instant, se gargarisent de discours creux et démagogiques. Certes, beaucoup a été fait, des agences de tourisme ont vu le jour, des formules de voyage ont été testées, des assises du tourisme et même des salons sont, ponctuellement, organisés à l’étranger, pour appâter le chaland, en vain !
Un ministre chasse l’autre ! L’instabilité du secteur n’en finit pas, alors que le pays reste le même dans ses constantes : plus de 1000 kilomètres de bord de mer, des montagnes boisées surplombant plusieurs vallées et même des cours d’eau ; des sources minérales à ciel ouvert ; dans le Sud et l’immensité saharienne, on trouve les ergs, les oasis, et les parcs du Tassili et du Hoggar ; en amont, des installations touristiques louables, mais franchement insuffisantes ; en aval, une demande interne de plus en plus croissante de vacanciers, effectifs ou potentiels, aspirant à la détente. Le tourisme, et tout le monde est d’accord là-dessus, ne peut relever du seul secteur chargé de sa mise en œuvre ! Il interpelle toutes les institutions, publiques et privées, jusqu’au moins planifiable possible, l’algérien et sa mentalité ; c’est déjà une priorité ! Intervenir sur les mentalités des opérateurs touristiques, c’est aussi une urgence à prendre en considération !
La crise que vit l’Algérie en matière touristique n’est pas le résultat d’une fatalité, mais la conséquence directe, faut-il le répéter, des errements de tous ces ministres qui, pour le moins, n’avaient pas les compétences requises pour gérer le secteur. Pour justifier leurs insuffisances, ces (ir) responsables ont évoqué la question de l’insuffisance des budgets alloués. Certes le parc hôtelier a besoin d’argent pour son développement, comme il est nécessaire aussi de libérer le foncier pour permettre un maximum d’investissements, mais le secteur a aussi besoin de se débarrasser de tous ceux qui font fuir les investisseurs, lassés d’être rackettés par des responsables beaucoup plus soucieux de leur avenir que de celui du tourisme national.
A lui tout seul, le ministre du tourisme ne peut tout faire, même si le gouvernement auquel il appartient a consenti tous les sacrifices en matière de concession du foncier et d’abattement fiscal pour les potentiels investisseurs dans le secteur.
Le moment est donc venu, où Ali Haddad doit mettre en œuvre son 4e engagement qu’il a pris quand il était en campagne pour la présidence du FCE : "si je suis élu, a-t-il déclaré à l’époque, j’organiserai dans le courant du premier semestre 2015, un symposium qui, porterait sur le rôle et la contribution de la Diaspora Algérienne dans le développement économique et industriel du pays". Le timing idéal pour demander à nos compatriotes de l’étranger, de rapatrier leur argent et de le bancariser en Algérie à la faveur des dernières mesures prises en Conseil des ministres !
Et ceux qui voudraient investir leur argent trouveront des potentialités extraordinaires, des sites naturels et historiques inestimables, une cinquantaine de ZET (zones d’expansion touristique), une jeunesse de la population, enfin, tout un décor qui plaide pour un «décollage» du tourisme algérien qui, présentement, est confronté à une double exigence de compétition internationale et de réponse à des besoins sociaux et culturels locaux. Sans compter la «disponibilité» des banquiers instruits, en ce sens, par M. Abderrahmane Benkhalfa. En attendant, on en est à appréhender cette problématique sachant que les algériens ne sont pas difficiles ; pour eux il suffit de créer ceci et cela, disent-ils, pour que les choses aillent mieux et que tout le monde puisse profiter de ses vacances intra-muros !
Ce n’est pas le cas hélas, puisque cet été encore, la Tunisie a été la première destination touristique des algériens qui représentent pas moins de 20% des entrées aux frontières tunisiennes, avec près de 1,2 million de touristes. C’est le marché qui a réalisé la plus importante progression en 2014, pour des recettes estimées à 3,57 milliards de dinars, devançant la Grande Bretagne (+4%) et l’Italie (+9%).
Les Algériens vont en Tunisie puisque toutes les politiques touristiques nationales ont échoué. L’Algérie se targue d’avoir 60 hôtels parmi la gamme de luxe, mais il n’existe que très peu d’hôtels classés dans la gamme moyenne (2 et 3 étoiles) et, souvent, les estivants sont confrontés aux tarifs dissuasifs et rédhibitoires de la nuitée à 10 000 DA et plus. Les Algériens iront, en définitive, se baigner à Sousse, car leur pays compte déjà 220 plages interdites à la baignade, pour cause de pollution, et les deux tiers des plages restantes sont infréquentables pour les familles ! Depuis l’Aïd El-Fitr plus de 500 000 algériens sont passés chez le voisin pour goûter au repos et au farniente. Ils ont trouvé sur place :
- des équipes personnalisées et des espaces d’orientation pour les accueillir,
- des prestations hôtelières avec un très bon rapport qualité-prix,
- des plages et des piscines gratuites,
- des loisirs à profusion pour eux et leurs enfants.
Pour les Tunisiens, l’enjeu est de taille : leur pays risque de perdre quelque 450 millions d’euros si la saison estivale est gâchée. Leur président vient de reconduire l’Etat d’urgence pour deux mois supplémentaires, ce qui a fait un journal du soir algérien, qui a posé la question à ses lecteurs : "Avez-vous été rassuré par les mesures prises par les autorités tunisiennes concernant la sécurité des touristes ? Le "non" l’emporte à 69,92% contre 22,84% pour le "oui" !".
Malgré ce sondage défavorable, les algériens ont pris d’assaut les principales villes balnéaires tunisiennes. Même les équipes de football s’y sont mises pour préparer la prochaine saison footballistique ! Ils sont deux ou trois clubs à cohabiter dans le même hôtel, où ils ont trouvé toutes les commodités, aux dires de leurs dirigeants pour s’entraîner. Bien sûr, la fierté nationale en prend un coup et pour se donner bonne conscience les Algériens continuent de râler sur le net: "maintenant que les européens ont déserté les hôtels de Tunisie, les euros algériens sont bons à prendre !", postait un compatriote et "gabegie" concernant les clubs de football, a commenté un autre.
Pour l’instant, l’Office national de tourisme (ONT) est à court d’idées, après s’être dépensé dans les salons internationaux de second plan, voire insignifiants et dont la cible de clientèle, en termes de marketing ne correspond pas aux deux produits algériens phares "Saharien et balnéaire" ; il s’agit des salons de Moscou, Budapest (Hongrie), Varsovie (Pologne), Tunis, Casablanca et le Caire.
Selon les chiffres, l’Algérie n’a jamais dépassé le seuil d’un million de visiteurs étrangers, depuis 1963 ; ce chiffre inquiète et rassure dans le même temps, car il peut être un atout dans le sens où, abstraction faite du terrorisme, des destinations voisines (Maroc et Tunisie) peuvent connaitre la saturation, contrairement à la Turquie et la Croatie, ces nouvelles destinations en vogue qui en profitent ! Les pays européens de l’Est s’intéressent au produit balnéaire de qualité et bon marché et présentement, seule la Tunisie les intéresse et les attire grâce à sa politique d’ouverture et ses prix imbattables ! Les pays qui doivent être ciblés à l’avenir sont l’Allemagne, à travers le salon de Berlin et la France via les salons de Deauville et de Cannes où réside une forte communauté de pieds noirs, avides de visiter l’Algérie.
Un éminent spécialiste en tourisme international l’affirmait : "une destination touristique, en tant que produit national, se construit sur la durée, 10 à 20 ans (construction d’infrastructures adaptées, formation de personnel, campagnes promotionnelles ciblées etc…)". Et c’est à ce niveau que pouvait se construire le Partenariat-Public-Privé, par abréviation "PPP", à l’ère de la "dépénalisation de l’acte de gestion" qui vient d’être entériné en Conseil des ministres.
C’est peut-être la stratégie à suivre en matière de politique touristique ! Le ministre du Tourisme Amar Ghoul doit changer de braquet, s’en inspirer et surtout se rappeler que le volet "artisanat" est dévolu à madame Aïcha Tagabou, la Secrétaire d’Etat qui a été reconduite dans le gouvernement grâce, peut-être, aux résultats qu’elle a cumulés dans son secteur.
Le chef du FCE quant à lui, n’a pas, à l’évidence, peur des défis : il a promis un taux de croissance de 7% et la création de 100 000 emplois/an qu’il a dûment consignés dans un rapport remis, en grandes pompes, au Premier ministre ! Et le secteur du tourisme lui offre une formidable opportunité de joindre les actes aux paroles. Et pour le coup, on serait tenté, nous autres, d’imiter Ahmed Ouyahia pour dire : vive l’oligarchie productrice de richesses et d’emplois. Mais on n’en est pas encore là, car le pétrole algérien, le Sahara Blend vient de plonger sous les 50 dollars le baril, et tout le monde est d’accord, le temps est à l’action ! Il y va des Etats, comme des hommes, disait quelqu’un : ils sont jugés par ce qu’ils font et non parce qu’ils disent.
Cherif Ali
Commentaires (6) | Réagir ?
merci
wanissa
Quelle relation peut-il exister entre ces deux hommes ? Dégâts à venir une fois que le prix du pétrole aura atteint son niveau le plus catastrophique, on verra comment le Capital "amassé" imposera ses conditions, - probablement proches du Fmi - pour investir "national" et continuer à dépouiller le pays. Il serait judicieux de prendre conscience du danger que représentent toutes ces poches de misère qui se forment à la périphérie des grandes villes ; de véritables bombes à retardement.