Le sursaut national ou la chute finale !
Sans projet, naviguant à vue, le régime algérien plonge le pays dans un immobilisme dangereux.
Dans un monde agité, en convulsion depuis l'effondrement du mur de Berlin, mû par les desseins impériaux américains visant une reconfiguration violente de certaines régions du monde riches en ressources naturelles et l'affirmation de nouvelles puissances économiques à l'image des pays du BRICS, les décideurs algériens campé sur des certitudes hérités de la guerre froide n'ont pas encore saisi l'ampleur des mutations et des transformations.
La mondialisation est un processus irréversible. Sa dynamique portée par la révolution numérique et un modèle capitalistique dominé par les banques et la spéculation financière ne laisse aucune place au statu quo. L'impact sur les structures politiques, sociales, culturelles et familiales est foudroyant. Les Nations qui résistent le mieux sont celles qui ont intégré ce modèle en le moulant dans leurs traditions nationales Les dirigeants de L'Inde, la Chine, le Brésil et l'Afrique du sud savent que la cohésion sociale et culturelle est une condition pour tirer le meilleur de ces mutations et préserver leurs particularités identitaires.
Des institutions légitimes fortes, des valeurs puisées dans des traditions culturelles renouvelées sont le meilleur antidote à l'uniformisation des comportements et des mœurs qu'un modèle productiviste et hyperconsumériste impose à tous.
L’Algérie, pays aux immenses richesses, possède les atouts qui lui auraient permis de prétendre rejoindre le gotha de ces nations émergentes. Son histoire et le prestige de sa révolution la prédestinait à jouer un rôle de premier plan dans l'émergence d'un ordre mondial de paix et de justice.
Des ressources naturelles, une jeunesse dynamique, des cadres la plupart certes à l'étranger mais ayant acquis une réelle expertise au contact des grandes entreprises, l'Algérie présente tous les attributs d'une nation émergente et d'une potentielle puissance régionale.
Plus qu’un gâchis, un crime contre la nation
Soumise à un régime anachronique que la science politique a du mal à caracteriser, dominée par un personnel politique incompétent et dont la principale institution, l'Armée, demeure otage d'un cartel de généraux paranoïaques, âgés et usés, l'Algérie est devenue la proie des prédateurs et de cliques mafieuses.
Incapable de doter le pays d'institutions politiques représentatives, les décideurs mettent le pays en situation d'ingouvernabilite. Les récents événements de Ghardaia sont révélateurs de cette faillite institutionelle et de l'indigence morale et politique d'un gouvernement prompt à désigner "la main étrangère" pour masquer son incompétence et son incurie. Les envolées lyriques, ridicules et risibles, d'un Sellal ou d'un Ouyahia contre un mouvement séparatiste, produit de la décomposition politique et sociale du pays, est pathétique. Elles traduisent l'autisme de dirigeants cooptés au sein d'un système bunkérisé qui tourne à vide.
Les calculs politiciens, les querelles de sérail, les diversions et les provocations illustrent cette impasse intégrale et l'état de déréliction politique et morale qui fait de notre pays un no man's land politique.
La responsabilité historique du DRS
La mort récente d'une vingtaine de jeunes soldats dans une embuscade terroriste vient rappeler cette vérité qui veut que la lutte antiterroriste n'est efficace que par la mobilisation populaire encadrée par des institutions politiques légitimes.
En s'opposant à tout processus de démocratisation, à l'élection d'un véritable parlement et la constitution de médiations politiques et sociales autonomes, le DRS a ouvert la voie a une "colonisation" des appareils d'Etat par une horde de prédateurs au comportement antisocial et antinational.
Fondé sur le mépris du militaire vis a vis du politique, le système de pouvoir algérien consacre la subordination du politique au militaire que la Sécurité Militaire puis le DRS se sont chargés de pérenniser tout en cherchant à sauver les apparences avec une légalité de façade et un formalisme institutionnel qui n'arrivent plus à masquer une instabilité politique structurelle.
La "solution Bouteflika" : le pari à haut risques
Homme de pouvoir habile et rusé, il n'a pas réussi à se hisser au niveau de la fonction d'un homme d'Etat. Le pouvait-il, lui qui depuis son jeune âge a excellé dans l'art de l'intrigue et de la conspiration ?
Son intronisation, "vendu" comme un "civil" aux puissances étrangères par une propagande subtile des officines, avait pour objectif de faire avaliser par un "politique" les accords AIS/DRS, qu'un général, Liamine Zeroual, avait refusé de faire et d'accréditer l'idée, une énième fiction, d'un retour de l'Armée aux casernes.
Quitte à subir les diatribes théâtrales du candidat le "moins mauvais", enfant gâté du système, et de ne pas hésiter à le laisser se glorifier auprès des chancelleries étrangères d'avoir "dompté les redoutables généraux" en écartant les "généraux janviéristes". La vérité est que ces derniers étaient devenus encombrants pour un patron des "services" soucieux de réduire la pression internationale sur l'Etat-major en éloignant les "maillons faibles".
Mais la "gestion de Bouteflika" et de sa fratrie par le DRS et son chef s'est avérée au fil des années "plus compliquée" que prévue et a favorisé la création de brèches dans lesquelles se sont engouffrés les ennemis de l'Algérie.
La manne financière exceptionnelle fond comme neige au soleil à cause de la démesure et de l'orgueil d'un homme que l'élite militaro-sécuritaire pensait qu'il représentait, en raison de son expérience de ministre des Affaires étrangères, la meilleure alternative pour neutraliser l'action menée par Hocine Ait Ahmed.
Déconstruction du cadre national et résurgence des atavismes historiques
La responsabilité de la génération de la guerre de libération est totale, elle qui n'a pas su ou voulu réussir la transition de la libération nationale à la libération des Algériens à travers la consécration d'un Etat fort, démocratique et souverain tel que qu'esquissé par l'appel de Novembre et défini par le Congrès de la Soumam.
Aujourd'hui, la tentation est grande chez les plus jeunes de "jeter le bébé avec l'eau de bain" en sanctionnant cette génération par un rejet des valeurs incarnées par la révolution nationale, prêtant ainsi le flanc aux révisionnistes et aux néo-colonialistes revanchards.
L'Algérie moderne est bien née, malgré la légende et l'histoire officielle, avec l'émergence de la conscience nationaliste. Ce n'est pas non plus la France coloniale qui a "créé l'Algérie", comme se plait à le clamer un polémiste réactionnaire et revanchard d'extrême-droite français, mais c'est l'Algérie qui a pris conscience de son "moi" national grâce au processus de libération. Plus qu'un rituel célébré par un régime inique, la lutte de libération est ce phare qui doit toujours guider la bateau Algérie.
L'urgence d’un sursaut patriotique
La mise en échec de toute solution politique par le recours aux moyens combinés de la répression, la manipulation et la corruption a eu pour effet la démobilisation politique de la société. La crise, un temps contenue par la manne financière, ressurgit avec la baisse tendantielle du prix baril de pétrole dans des formes nouvelles avec toujours ce fond de violence et de terrorisme.
La cohésion sociale et nationale mise à rude épreuve durant la décennie noire présente aujourd'hui des lignes de fractures qui interpelle gravement les consciences. Les périls extérieurs et l'érosion du lien national et social imposent urgemment un vrai sursaut patriotique pour enrayer la mécanique infernale de l'enlisement. L'agitation hystérique autour de la succession de Bouteflika laisse déjà entrevoir des affrontements et des divisions fatales.
La conjoncture nationale et internationale exige aujourd'hui plus que jamais des révisions déchirantes au sein d'abord de l'Armée, - les patriotes nombreux parmi les jeunes générations devant prendre leurs responsabilités, - ensuite au sein des partis et des personnalités qui comptent.
Ni l'élection présidentielle anticipée, ni un "printemps arabe" à l'Algérie encore moins une énième révision constitutionnelle ne provoqueront le changement escompté. La fiction d'une légalité constitutionnelle et d'un "fonctionnement normal" des institutions a vécu.
Un pacte national pour sauver l’Algérie
Les menaces aux frontières, sur l'intégrité territoriale et l'unité nationale créent une situation exceptionnelle qui nécessite la construction d'un large front intérieur.
La conclusion d'un pacte national, et non un arrangement d'appareils pour le partage de la rente comme cela est suggéré par une partie de l'encadrement d'un ancien parti d'opposition, est un impératif vital. Notre pays ne peut plus s'encombrer de procédures d'apparences démocratiques ; l'adhésion de tous au pacte national donnera de la force et de la légitimité au processus. Ce pacte national doit avoir pour objectifs :
- de restaurer l'autorité de l'Etat et d'engager un processus de réhabilitation des institutions en les débarrassant de la mafia politico-financière.
- de traduire devant la justice les individus coupables de détournements de biens et de deniers publics.
- de définir un grand plan de développement économique autour de grands projets stratégiques en mobilisant les ressources humaines en Algérie et à l'étranger.
- de lutter contre les injustices sociales en protégeant les plus démunies par la mise en place de mécanismes efficaces de solidarité nationale.
- de mettre fin au déni identitaire en reconnaissant tamazight au côté de l'arabe comme langue nationale et officielle, renforçant ainsi la cohésion et l'unité nationales et isolant ainsi les velléités séparatistes.
- de protéger la religion des instrumentalisations politiques et des influences doctrinales contraires à notre tradition de tolérance et d'ouverture.
La concrétisation de ce pacte national exige une période à définir en commun et à l'issue de laquelle seront organisées des élections générales, une fois réunies les conditions de leurs tenues. Il n'y a donc pas de fatalité. Cependant, l'Histoire sanctionnera durement l'irresponsabilité. En s'accélérant, elle nous renverra au moyen-âge à la vitesse du 21e siècle. Plus de faux-fuyants, de fausses échéances, de fausses promesses : l'embargo politique imposé au peuple algérien depuis 1962 doit être levé.
Samir Bouakouir
Commentaires (11) | Réagir ?
merci
merci pour les informations