Quel leadership algérien dans l’espace sahélo-maghrébin ?

L'Algérie est bousculée par l'interventionnisme franco-américain dans le Sahel. Ici troupes américaines
L'Algérie est bousculée par l'interventionnisme franco-américain dans le Sahel. Ici troupes américaines

Dans un communiqué publié le 7 juin 2015 par l’Algérie Presse Service (APS) : le général major Darryl Williams le commandant de la composante terrestre de l'Africom (United States Africa Command, (U.S. Africom)) a effectué une visite le 7 juin 2015 en Algérie pour évoquer avec le général major Ahmed Bousteila, commandant de la gendarmerie nationale, les perspectives de coopération et d'échange d'expériences dans les différents domaines opérationnels.

Dans la déclaration 2015 de l’Africom il est mentionné que le rôle de l’Afrique dans le système économique global est en expansion, le continent est entouré par 8 des 15 plus grandes économies émergentes du monde. Aujourd’hui, 41% des Africains ont moins de 15 ans et d’ici 2050, on estime que sur la planète un habitant sur 4 résidera en Afrique. A l’échelle du Maghreb, la géographie et la population font de l’Algérie une puissance spatiale et démographique. Selon le même texte publié par Africom, l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) traduit en anglais par ISIL et prononcé en arabe, l’organisation Daech étend sa présence en Afrique du Nord. Rappelons que les Etats-Unis ont établi une liste d’organisations terroristes étrangères qui est publiée par le bureau du contre-terrorisme du Departement of State. Sur cette liste figure Daech (formerly al-Qa'ida in Iraq) inscrite le 17 décembre 2004, Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) inscrite le 27 mars 2002.

L’insécurité en Libye menace les intérêts américains

En dépit des efforts déployés en matière de sécurité, les réseaux terroristes gagnent en interopérabilité. L’interopérabilité correspond par définition à la compatibilité des équipements, des procédures ou des organisations permettant à plusieurs systèmes, forces armées ou organismes d'agir ensemble. Daech exploite la faible gouvernance, ce qui permet le déplacement de leurs combattants à travers le Sahel et le Maghreb. Il est mentionné également dans la déclaration de l’Africom que certains Etats d’Afrique du Nord ont détérioré la situation en soutenant les opérations militaires en Libye. A cela s’ajoute la corruption qui peut entraîner la disparition des institutions étatiques par une perte de confiance des citoyens, une criminalisation de l’économie et le développement de l’insécurité. L’Etat se trouve dans l’incapacité d’accomplir ses fonctions régaliennes de maîtriser son territoire et de fournir les services économiques et sociaux ce qui permet la création de zones de non-droit défendues par le recours à la force terroriste et alimentées par les trafics.

Aujourd'hui, les groupes armés contrôlent de vastes zones du territoire en Libye et opèrent en toute impunité. La Libye semble apparaitre comme un refuge pour les terroristes, notamment pour AQMI, et Daech qui est de plus en plus actif en Libye, y compris dans Derna, Benghazi, Tripoli et Sebha. La résolution 2214 adoptée par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) le 27 mars 2015 indique que l'insécurité de la Libye a créé une crise humanitaire régionale entraînant une augmentation des flux combattant étranger qui menacent la stabilité de l’Afrique du Nord, le flanc sud de l'Europe, et le bassin méditerranéen. Les armes exportées de Libye ont augmenté la capacité des organisations criminelles et terroristes en Afrique du Nord.

Dans le cadre de l’Africom, l’assistance américaine a facilité le renforcement des partenariats et des capacités régionales. Le théâtre sahélien demeure une voie de passage des flux migratoires entre l’Afrique et l’Europe, tout en étant également une zone grise qui échappe au contrôle légal des États riverains tels que le Mali et la Libye. Dans une déclaration prononcée par le ministre français de la défense, Jean Yves Le Drian, à N’djamena (Tchad) le 1er janvier 2014 sur les forces françaises au Tchad, au Mali et en Centrafrique, la notion de "zone grise" a été mise en exergue. «Parce qu'il s'agit aussi d'éviter que le vide de l'Etat en République centrafricaine, le vide sécuritaire dont vous parliez tout à l'heure n'aboutisse à des zones de non-droit généralisées dans une région de l'Afrique où il y a tant de fragilités : la fragilité du Sahel, la fragilité de la Corne de l'Afrique et la fragilité de la région des Grands Lacs. Si nous laissons au milieu de tout cela une zone grise où des massacres sont perpétrés, non seulement nous connaîtrions un drame humanitaire mais une grave dégradation sécuritaire».

La zone grise selon la définition donnée par la Presse Universitaire française (PUF) correspond à une zone de non droit où la souveraineté de l’Etat ne s’exerce plus réellement et ou des puissances criminelles, vivant de la guérilla, du terrorisme et/ou de trafics illicites (souvent les trois ensembles), exercent la réalité du pouvoir. L’inauguration du Centre Africain pour l’Etude et la Recherche sur le Terrorisme (CAERT) par le gouvernement algérien en 2004 dont le siège est à Alger a pour principal objectif la lutte contre le terrorisme par l’approfondissement de la coopération régionale en matière de sécurité et la partage du renseignement. La politique menée par le CAERT après 10 ans d’existence a échoué devant les défis à relever, ce centre a montré ses limites. C’est ce que mentionne la deuxième réunion ministérielle sur le renforcement de la coopération sécuritaire et l’opérationnalisation de l’architecture africaine de paix et de sécurité dans la région sahélo-saharienne qui s’est tenue le 11 septembre 2013 à N’Djamena (Tchad). Des mesures concernant le CAERT ont été prises lors de cette réunion "pour combler les lacunes existantes en matière de compétences et d’expertise, ainsi que l’organisation d’activités de renforcement des capacités et d’ateliers de formation. Un premier projet de matrice a été élaboré, et est en cours de finalisation". La visite du général major Darryl Williams en Algérie s’inscrit dans un contexte géopolitique particulier : le lancement en mai 2015 par l’administration américaine du processus de désignation de la Tunisie comme allié majeur non-OTAN (Major Non-NATO Ally : MNNA) afin de renforcer la coopération dans le domaine du contre-terrorisme et améliorer les capacités de sécurité de la Tunisie.

Depuis 2011 les Etats-Unis ont fourni plus de 220 millions de dollars en assistance à la sécurité des frontières du pays. Cette désignation intervient suite à la visite effectuée par le président de la Tunisie Essebsi aux Etats-Unis au mois de mai dernier. Dans le cadre de cette alliance : il est indiqué dans une publication du bureau du gouvernement des Etats-Unis, US government publishing office (GPO) intitulé "Foreign relations and intercourse" du 3 janvier 2012 que la politique des Etats-Unis consiste à exercer le leadership dans la communauté mondiale afin de réduire le danger de déclenchement d’un conflit régional. Rappelons que le Maroc a été désigné le 3 juin 2004 également (MNNA). La désignation du Maroc est importante à souligner car la politique américaine est préoccupée par la situation dans l’espace sahélo-maghrébin afin d’éviter le contrôle de cet espace par les organisations terroristes.

Concernant la lutte contre le terrorisme, quel leadership algérien dans l’espace sahélo-maghrébin ou plutôt le leadership algérien a-t-il un avenir dans l’espace sahélo-maghrébin ? La politique étrangère de l’Algérie pourra-t-elle s’adapter à la recomposition de l’espace sahélo-maghrébin ? Il est une certitude, le contexte géopolitique affectera le leadership algérien après que le CAERT ait montré ses limites.

Mohamed Salah Benteboula

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Commentaires (3) | Réagir ?

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klouzazna klouzazna

Confiner le pays au seul rôle de chien de garde de la sécurité et des frontières de l'europe n'est pas vraiment un compliment à faire !!!

La turquie l'avait fait dans le passé à l'OTAN et elle le regrette amérement aujourd'hui... après la giffle du refus catégorique que lui a affligé l'union européene !!!

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Bachir Ariouat

l'homme d'El mouradia habitué à porté les valises de Boumediène, maintenant il les fait porté au peuple Algérien comme serviteur des autres pays, il a élevé son niveau de porteur de valise.

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