M’zab, le renoncement, la haine et la violence
Le bilan est lourd : plus de 20 morts en une journée, soit presque deux fois plus qu’en deux ans d’affrontements.
Par Hassane Zerrouky
Un bilan effroyable. Des hommes, de même nationalité, vivant dans une même région, se sont entretués. Et le fait de faire appel à l’armée après avoir déployé quelques 3000 policiers et gendarmes depuis que les violences ont commencé, est bien un signe manifeste d’échec. Tout ce qu’a entrepris l’Etat depuis qu’ont débuté, il y a plus de deux ans, les violences dans cette région du sud algérien (visites ministérielles, limogeage de responsables locaux, radiations de policiers coupables d’exactions, tentatives de médiation et plans d’aide socio-économique) n’a rien donné. Et partant, les institutions autres que l’armée, sont impuissantes à s’imposer aux gouvernés. Voici ce que déclarait l’ex ministre de l’Intérieur Tayeb Belaiz le 6 février 2014 : "Le dispositif de sécurité dans la région de Ghardaïa sera multiplié par trois, voire par quatre, pour restaurer définitivement l’ordre et le calme". Sans commentaire. Dix mois plus tard, à la mi-octobre, excédés par une situation s’installant dans la durée, des policiers manifestaient leur colère devant le siège de la wilaya de Ghardaia avant d’aller exprimer leur ras-le-bol (ils étaient plus d’un millier) devant le siège de la présidence de la république à El Mouradia (Alger).
La question est de savoir si, en décidant d’envoyer l’armée, les autorités, qui ont trop tardé à réagir avec la vigueur politique voulue, donnant l’impression de jouer la carte du pourrissement, parviendront cette fois-ci à régler un problème qui ne saurait être réduit à sa seule dimension sociale, religieuse ou à une "querelle de jeunes" comme l’affirmait il y a un an Abdelmalek Sellal. Car à l’origine de ces tensions intercommunautaires qui risquent de tourner à une guerre civile locale, il y a certes une accumulation de problèmes sociaux, une corruption endémique, des trafics de toutes sortes, la malvie, mais surtout et aussi une question identitaire, toujours différée et jamais résolue avec en toile de fond – on ne le dit jamais assez – des relais extérieurs saoudiens ou qataris. Des vidéos, diffusées sur le web, montrent à voir des "arabes" (qui ont tout l’air d’être des moyen-orientaux tant leur comportement ne ressemble en rien à celui des Algériens) massacrés par les «Khaouaridjs» (mozabites)] !
Dans une chronique parue il y a un an dans le Soir d’Algérie du 24 juillet 2014, j’avais évoqué la gravité de cette situation. Extraits. "La flambée de violences, qui continue de faire des victimes, source de crispation et de repli identitaire entre Mozabites et Chaâmbas, fait peser de sérieuses menaces à l’endroit de cette "cité-Etat", joyau architectural classé par l’Unesco, qu’est Ghardaïa et, partant, sur toute la vallée du M’zab. Vrai ou non – voir Le Soir d’Algérie du 27 mars — pour certains Mozabites, rencontrés alors à Ghardaïa, derrière ces menaces, c’est tout ou partie de la vallée du M’zab qui serait convoitée, à la fois par la mafia du foncier et par des hommes d’affaires des pétromonarchies du Golfe. A quoi s’adossent ces prêches salafistes diffusés en boucle par la chaîne satellitaire religieuse saoudienne Iqra, déclarant "hallal" le meurtre des ibadites qualifiés de "Khaouaridjs", ce dont s’indignait alors Hamou Mesbah, membre du FFS de Ghardaïa. Ces faits-là sont connus de tous y compris des autorités". Et le fait que Ghardaia se trouve à proximité de Hassi R’mel (gaz) et de Hassi Messaoud (pétrole) dans une région renfermant donc des richesses énergétiques, ne pouvait que susciter des convoitises régionales et extrarégionales. Autre extrait : «Cette vision des choses prêterait à sourire si elle ne comportait pas une petite part de vérité. Chacun sait que certaines capitales occidentales en sont venues à considérer que l’Algérie est un pays trop grand pour ses habitants. Mouloud Hamrouche va même jusqu’à affirmer qu’en raison des problèmes accumulés et socio-politiquement non résolus l’Algérie n’est pas à l’abri de ce qui se passe en Irak ou en Libye, à savoir d’une implosion».
C’était il y a un an. Depuis, en raison de l’inaction de l’Etat et des incertitudes induites par sa politique de déni de la réalité et de renoncement, mais aussi de déni démocratique, les choses sont allées de mal en pis. Elles ont laissé place à la peur, laquelle comme l’expérience d’autres pays l’a montrée, a fini par nourrir la haine et la violence.
H.Z.
Commentaires (9) | Réagir ?
pourquoi ce peuple endormi, ne se réveillerait il pas brusquement et prenne ces voyous, ces vautours ces charognards qui nous sussent le sang, la main dans les sacs, et les châtie, sévèrement ?QUE DIEU M ENTENDE ET EXAUCE MES VŒUX.
C'est le renvoi à la figure du boomerang de la compromission totale avec l'islamobaâthisme. Au lieu de prôner l'union nationale dans la diversité culturelle, la liberté de culte et de conscience, le respect des différences et des minorités le système s'investit dans le pactole électoral islamiste, le plus facile à acheter et le plus à portée de main en jouant du populisme et la permissivité à tout-va pour tout ce qui caresse dans le sens du poil les désidératas des islamistes. Des islamistes purs et durs tapis dans l’ombre mais qui ne démordent pas jusqu'à faire soumettre par tous les moyens les populations rebelles ou récalcitrantes d'Algérie, parmi elles, la Kabylie, les Mozabites et même les Chaouis ont eu leur compte lors de la dernière campagne présidentielle. Il faut humilier, rabaisser, stigmatiser pour faire soumettre et justifier au cas échéant la nécessité d'une expédition punitive tel est leur crédo de tous les jours. Le système ne fait rien pour réprimer, ni condamner les dépassements et les assauts de domination fasciste des islamistes ainsique leur emprise idéologique sur toute la société, au contraire il va dans le sens de leur propension à imposer par la violence leurs dogmes, leurs interdits, leur obscurantisme à tout le monde comme dernièrement l'interdiction du port des jupes courtes à l'université , le libre commerce des boissons alcoolisées, le siège de la maison de la culture de Béjaia, l'incendie des maisons d'opposantes à Alger etc...