La résistance de la vaccination mondiale à ses détracteurs
Elle a été le sauveur de l’humanité, voilà que son pouvoir de persuasion est désormais écorché après plus d’un siècle au sommet de la reconnaissance universelle. Ses détracteurs se multiplient en manifestes et en procès mais la résonance médiatique n’a certainement aucune commune mesure avec le crédit dont elle dispose encore auprès de la population mondiale. Deux faits d’actualité illustrent le débat et confirment que le procès intenté contre la vaccination est loin d’être justifié et gagné.
La vaccination a connu ces dernières années une fronde planétaire de quelques organisations, marginales mais très visibles dans leur communication et qui souhaitent la remettre en cause. L’attaque est multiforme, portée essentiellement par des pseudos rapports scientifiques et des procès individuels et collectifs, soutenus par des mouvements associatifs militants très actifs. Tous réclament l’abolition de l’obligation de vaccination qui aurait, selon eux, des conséquences graves et mortelles sur la population.
Parmi les très nombreuses affaires récentes, nous choisirons deux d’entre elles qui nous permettent d’esquisser une réflexion, forcément orientée puisque suggérées par l’auteur. Au mois de mars 2015, le Conseil constitutionnel français rend une décision qui légitime le Parlement dans sa "définition d’une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective".
La haute juridiction avait statué en réponse à une question préalable de constitutionnalité que lui avait posée le tribunal correctionnel, devant lequel ont été assignés les époux, Marc et Samia Larère. Le couple, parents d’une petite fille, aujourd’hui âgée de trois ans, avait refusé une vaccination obligatoire contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP).
Par sa décision, le conseil constitutionnel avalise la politique de vaccination obligatoire, conforme au préambule de la constitution puisqu’elle ne heurte pas le principe constitutionnel de la protection de la santé. L’avocat de la famille avait plaidé pour une lecture inversée du principe, c'est-à-dire le droit à ne pas vacciner son enfant si on estime que sa santé est en jeu. Voici donc clos de débat, tout au moins pour sa séquence judiciaire interne, à moins d’un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.
Par le pur hasard, on apprend qu’un enfant espagnol de six ans décède après une virulente attaque de la bactérie diphtérique, premier cas recensé depuis 1987. Les parents de ce malheureux s’étaient opposés à sa vaccination. Plongés dans la douleur, ils n’ont pas hésité à dénoncer leur propre crédulité pour avoir été trompés par des mouvements militants qu’ils jugent aujourd’hui coupables de la mort de leur enfant. Nous voilà donc face à deux cas qui se prêtent facilement à une analyse sur la question.
Une rapide recherche nous apprend que c’est au XVIIe siècle que les premières inoculations ou dépôt de pus ou squames varioliques se pratiquaient, une maladie connue depuis l’antiquité. Et si les résultats ne furent vraisemblablement pas très probants, il y eut, de bonne foi scientifique, l’observation de certains effets thérapeutiques.
Nous avons tous appris sur les bancs de l’école que Louis Pasteur prépara avec succès, en 1885, le premier vaccin humain à virulence atténuée contre la rage. Le parcours ne fut pas facile pour Louis Pasteur qui s’est battu contre ses confrères de l’Académie de médecine de Paris, franchement sceptiques et hostiles. Depuis, nous connaissons l’extraordinaire destinée de cette invention qui allait ouvrir une ère de sécurité sanitaire inédite dans l’histoire humaine.
Que s’est-il donc passé pour en arriver à la montée des défiances contre la vaccination ? Commençons par interroger les statistiques et les spécialistes. Toutes les organisations mondiales, aux experts reconnus, maintiennent leur discours d’une nécessité absolue de continuer la vaccination des peuples. L’OMS comme l’Unicef affirment que les accidents recensés sur des millions de cas sont infinitésimaux. Le risque zéro n’existant pas en matière scientifique et médicale, le bénéfice avantage/risque reste largement supérieur à ce que l’humanité n’avait jamais osé rêver, il y a à peine cent trente années.
Nous savons qu’il existe toujours des reculs historiques périodiques en matière d’adhésion aux découvertes et aux sciences, pourtant établis de longues dates dans les civilisations. Il faut immédiatement exclure l’opposition des trois grandes religions monothéistes et certaines autres dont l’influence n’est pas négligeable car jamais n’ont été prononcés des interdits à l’égard de la vaccination. La plupart du temps, ne se sont opposés à la vaccination que des mouvements sectaires, d’origine religieuse ou non.
Nous sommes bien face à la conséquence même de la modernité dans sa variante politique et humaniste. Les populations bénéficient de plus en plus d’une éducation massive et de bonne qualité. La vaccination n’est plus un acte magique que le médecin blanc vient inoculer auprès des populations incultes et dociles, mais un acte largement consenti et compris dans sa nécessité comme dans son effet. La contrepartie réside dans une plus grande vigilance revendicative de la société.
Il y a probablement considérablement moins d’accidents qu’il n’y en a eu dans le passé, mais la capacité à réagir, à douter et à combattre est beaucoup plus appuyée dans une civilisation moderne. Les associations se créent facilement, les tribunaux sont immédiatement saisis et la liberté de parole est plus étendue, surtout avec la multiplication des moyens de communication.
Les droits de l’individu sont aujourd’hui manifestes, du moins dans les pays ou la fronde est menée, et sa capacité à être visible face à un Etat puissant est désormais possible. A toutes ces raisons se rajoute celle de l’individu trahi par la science lorsqu’il est victime d’un accident ou d’une faute médicale. Celui qui perd un être cher, à fortiori un petit enfant, ressentira comme insoutenable l’argument qui lui est opposé, selon lequel il n’y a pas de risque zéro en médecine. Celui-là ne peut entendre cet argument et ne pourra jamais l’accepter. C’est un argument collectivement compris mais qui exclut l’individu isolé dans la souffrance la plus aigüe.
Nous pourrions, certes, rajouter les scandales à répétition que la société moderne a connus dès lors que l’action thérapeutique prend le risque d’être entre les mains d’une industrie dont le seul objectif est le profit. Les scandales de l’industrie pharmaceutiques et chimique, notamment, ont été si nombreux qu’il n’est pas utile de les citer.
Cependant, si dans l’absolu, cette excuse reste explicative d’un refus éventuel de la vaccination, elle n’en est pas moins erronée. La raison est qu’il s’applique très indirectement à la vaccination et dans une réalité qui reste à démontrer. L’industrie de la vaccination fait encore l’objet d’une surveillance administrative des plus strictes, en tout cas dans les pays développés. L’accident est toujours possible mais certainement pas pour justifier l’arrêt du processus mondial de protection. La vaccination n’a pas dit son dernier mot et n’est pas prête, à court terme, à disparaître.
Tous les Algériens d’un certain âge le savent mais s’il s’en aventurait un, plus jeune, dans la lecture de cet article et qui ne connaîtrait pas l’anecdote, je lui suggère d’aller vérifier l’avant-bras droit (est-ce forcément le droit ?) d’un parent plus âgé. Il y verrait une grosse tâche, un marquage à vie, d’une génération qui a connu une vaccination collective à grande échelle et dont le nom m’échappe.
Au lycée, lors d’une vaccination collective, la médecine russe, une femme qui nous paraissait gigantesque vue de notre jeune âge, est inoubliable autant que la marque à l’avant-bras. Aucun d’entre nous n’osait faire le malin, surtout lorsque nous avons vu la seringue, à l’époque aussi grosse que celle qui vaccine les buffles d’Amérique du nord. Que ce jeune Algérien se dépêche d’aller voir ses aînés, le vieillissement de la peau relâche les tissus, en rendant plus difficile le repérage de la marque. Je n’aurais pas la coquetterie de dissimuler que la mienne commence à disparaître.
Nous avons tous survécus, en bonne santé et protégé collectivement contre les pandémies qu’ont connus nos anciens. C’est bien la preuve que la vaccination aura été l’une de nos plus grandes chances. Mais c’est dommage que cette vaccination ne concernait que le corps, car du côté de l’esprit, c’est une dramatique destinée collective qui s’annonçait.
Sid Lakhdar Boumédiene
Enseignant
Commentaires (4) | Réagir ?
le vaccin a tout le temps fait débat, depuis sa découverte... Malgré l'apport incontestable de sa découvrte (antibiotique) qui a sauvé des millions de malades dans le monde et des milliers de soldats (de l'amputation) dans les champs de bataille, L. Pasteur a été condamné pour pratique illégale de la medecine !!!
Aujourd'hui, ce sont essentiellement les dérives des grands lobbies pharmaceutiques qui ont semé le doute sur l'efficacité et l'importance de leurs produits de vaccination !!! le scandale du H1N1 (avec ces millions de doses de vaccins achetées puis jetées à la poubelle) et le flou qu'a tenté de gérer l'OMS sur ce sujet sont en partie responsables !!!
C'est tout à fait exact. Je vous remercie pour votre commentaire.
Comme j'ai répondu au premier commentaire, mon propos ne concernait que la montée des mouvements sectaires. Le couple espagnol, qui a perdu un enfant, faisait état d'un mouvement assez radical et obscur.
Pour le reste, vous avez tout à fait raison, le débat n'est pas nouveau. Ma position ferme en faveur du vaccin n'est pas l'essentiel de l'article car je comprends la partie adverse. Je sais aussi que l'OMS est soupçonnée de dérives qui font rappeler celles de la FIFA (si je dois grossir le trait, volontairement). Mais en attendant les preuves scientifiques, gardons nous des élans extérieurs au débat scientifique lui-même.
Ce n'est d'ailleurs pas ce que vous faites, dans un propos raisonnable et mesuré. Une attitude rare dans ces forums que je découvre, suite à mes articles. Lorsque je publiais dans la presse traditionnelle, les propos délirants, je ne les percevais pas. Ils étaient prononcés dans l'intimité d'une lecture non partagée. Mais c'est la règle d'Internet, je dois la confronter.
Très amicalement
Je vous suggère de lire le livre très abordable écrit par un agégé de biologie : Michel Georget :
- L'apport des vaccinations à la santé publique - la réalité derrière le mythe
http://www. amazon. fr/Lapport-vaccinations-%C3%A0-sant%C3%A9-publique/dp/2703310420/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1435822769&sr=8-1&keywords=michel+georget
- Michel GEORGET: aluminium apporté par les vaccins, dans le corps des nourrissons.
https://www. youtube. com/watch?v=h6wFOtyWL-A
Bonjour,
Je vous remercie pour votre réponse et votre suggestion.
En fait, après relecture, il y a une incompréhension dont je suis coupable. J'aurais du mentionner plus clairement le vrai débat médical qui, lui, est légitime et pour lequel je laisse les hommes de sciences nous convaincre.
Mon propos visait les réactions sectaires qui se développent dans le monde. Celles-là n'ont pas la place dans mon estime ni aucun crédit pour me convaincre.
Mais bien entendu que les scientifiques peuvent nous prouver le contraire, j'en suis conscient. Je dois vous avouer que lorsque j'écris sur un sujet pareil, je suis toujours envahi par un tropisme, le combat contre les obscurantistes. C'est probablement une erreur mais c'est la justification de mes écrits dans ce journal.
Jai la conviction que la position adverse est salutaire lorsqu'elle se borne aux études scientifiques.
Très amicalement