Un été tranquille!
« Dans la matinée d'hier, des échauffourées ont éclaté entre manifestants et policiers dans le quartier de Ras El Aïn. L'opération de relogement des familles s'est poursuivie dans une ambiance électrique inouïe. Les jets de pierres et autres projectiles ont émaillé la journée d'hier » rapporte le quotidien la Tribune de jeudi. Il ne s’agit pas d’un scoop mais d’un fait qui se répète de manière récurrente à travers le pays. Sauf qu’Oran a déjà été le théâtre de plusieurs jours de violence en mai dernier. A cause du football, nous a-t-on alors expliqué ! Allons donc.. ! A Berriane, les affrontements inter-communautaires (ibadites et malékites) ont repris après une accalmie bien précaire entre les deux communautés. Quant à la grève de la faim des enseignants contractuels, elle en est à son onzième jour. Toujours en ce mois de juillet, des agriculteurs en colère ont déversé des kg de pommes de terre sur la route : l’Etat qui a promis de les aider à les commercialiser, s’ils augmentaient leur production pour parer à une nouvelle crise de la pomme de terre, n’aurait pas tenu ses engagements. Le gouvernement affirme de son côté avoir pris les mesures pour constituer un stock de 150 000 tonnes de pommes de terre afin de parer à toute pénurie et hausse de prix ! Sage mesure, sauf qu’à un peu plus d’un mois du ramadan – il débute le 1er septembre – les prix iront en augmentant, alors que les salaires – pour ceux qui disposent d’un emploi- ont tendance à stagner… Quant aux investissements destinés à relancer la machine économique et à se traduire par une création d’emplois durables, force est de constater qu’ils tardent à être concrétisés. Non que l’Algérie manque d’argent – elle croule sous les dollars – mais faute d’une politique de développement associant l’Etat et les acteurs sociaux comportant des objectifs clairs et réalisables. Pendant ce temps, le chômage reste à un niveau élevé, près de 20% de la population vit sous le seuil de la pauvreté, tandis que l’emploi se précarise puisque les contrats de travail à durée déterminée – c’est l’exemple des enseignants contractuels – prennent de plus en plus le pas sur les contrats de travail à durée indéterminée. Dans des secteurs aussi différents que la fonction publique, le système éducatif, les ports menacés de privatisation au nom d’une rentabilité insuffisante, l’emploi stagne ou est menacé, les syndicalistes sont sous pression quand ils ne sont pas tout simplement licenciés, voire convoqués par la justice.
En revanche, les affaires marchent. Les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. Dans un système socio-économique dérèglementé se traduisant par un désengagement de l’Etat de la sphère économique, l’informel gagne de l’espace et tend à son tour à se constituer en monopole échappant totalement ou presque au fisc et, partant, à l’Etat. Les sociétés d’import ( et non d’exports) règnent sur le marché, y compris celui du médicament. Sur le marché informel, cette bourse invisible, des milliards de dinars sont brassés. Le fait qu’Abdelaziz Belkhadem ait supprimé, en tant que Premier ministre cette directive faisant obligation aux commerçants de payer par chèques toutes transactions dépassant un montant de 100 000 dinars, en dit long sur les connexions de ces bazaris à l’algérienne au sein des rouages de l’Etat. Aussi quoi de plus simple, parce qu’échappant à tout contrôle administratif, que des transactions commerciales se fassent en argent liquide, qu’on peut par ailleurs déclarer à un taux bas au fisc ! Plus grave, cette mafia de bazaris, qui bloque toute modernisation du système financier, n’est pas étrangère au fait que les investisseurs étrangers préfèrent aller mettre leur argent ailleurs qu’en Algérie. Un exemple : Daewoo, qui devait construire une usine de montage automobile, avait choisi de l’installer au Maroc alors que l’Algérie constitue son plus gros marché : c’était à la fin des années 90 ! Renault, de l’aveu même de l’ambassade de France, a choisi le Maroc parce qu’en Algérie l’offre du constructeur français était restée sans réponse. Plus récemment, Samsung, qui s’est associé à l’industriel algérien Isaad Rabrab, attend toujours que la wilaya de Blida lui octroie un terrain pour construire son usine de fabrication d’appareils électroniques. L’actualité – il suffit d’y regarder de près, s’en tenir aux faits, et ne pas se fier aux rumeurs – nous fournit malheureusement de trop nombreux exemples de dysfonctionnement du système actuel.
Le départ de Belkhadem du gouvernement n’est certainement pas du seulement à ses liens avec l’islamisme toutes tendances confondues, mais aussi – c’est ma conviction – au laisser-aller en matière de gestion de l’Etat. Le retour d’Ahmed Ouyahia s’explique sans doute par ce besoin de certains cercles du pouvoir de réinvestir le terrain socio-économique, de faire aboutir quelques projets, afin que Bouteflika se présente pour un troisième mandat – si tant est qu’il se présente ou qu’il soit en mesure d’y postuler – avec un minimum de résultats. Il lui faudra (Ouyahia), pour ce faire, beaucoup d’habileté, car l’été risque d’être chaud, les attentes sociales sont grandes, les besoins sont pressants, surtout à l’approche du ramadan et de la rentrée.
Hassane Zerrouky
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je croit que des gens qui analyse les chosse comme vous se fonts rare vous avez resummer l etat de l algerie en quelque phrasse qui disse bec
Chère soeur Keltoum : Je comprends votre compassion envers Ouyahia pour tous ces qualificatifs. Mais que vous voulez ?Ce n'est guère de la frustration mais tout simplement du dépit, oui, et aussi le ras-le-bol de ces energumènes sans foi ni loi qui se sont imposés pour nous asservir. Nous avons marre de vivre eternellement dans la médiocrité et l'indigence.
Fraternellement !