« Le général Toufik est un mythe et Bouteflika le sait ! »

« Le général Toufik est un mythe et Bouteflika le sait ! »

Mohamed Chafik Mesbah auteur d’un ouvrage à paraître, Problématique Algérie, est un connaisseur du monde du renseignement algérien. Il livre son avis sur le couple Toufik-Bouteflika.

BOUTEFLIKA GERE LE MYTHE TOUFIK : Permettez-moi de rappeler à ce propos le souvenir du regretté M'hamed Yazid. C'est lui qui m'entretenait, quelque temps avant sa mort, de cette relation ambiguë, empreinte de sentiments contradictoires, faits d'attraction et de répulsion, qui liait le personnel politique hérité de la guerre de Libération nationale aux services de renseignement algériens. C'est à la fois du rejet fondé sur la peur et de l'admiration nourrie par le mythe. Je considère que le président Abdelaziz Bouteflika n'échappe pas à la règle. Il existe chez lui, pour des considérations symboliques autant que pratiques, une réelle volonté de réformer les services de renseignement, au sens d'annihiler la capacité de nuisance qui leur est prêtée. Je ne crois pas que le chef de l'Etat en soit encore à surestimer le poids de ces services de renseignement par rapport à son propre pouvoir. Il est suffisamment habile, cependant, pour vouloir continuer à entretenir le mythe qui entoure cet instrument dont il ne veut pas se priver brusquement. Il laisse volontiers se perpétuer l'idée, surtout à l'usage d'une société politique habituée à ce genre de soumission, que ces services de renseignement tout-puissants constituent le bras séculier sur lequel il fonde son pouvoir. Ce calcul doit intervenir, certainement, dans le peu d'empressement qu'il manifeste, du moins apparemment, à procéder à la réforme qu'il souhaite pourtant. Il est probable que le président Abdelaziz Bouteflika se suffit pour le moment d'avoir, jusqu'à une certaine limite, découplé corps de bataille et services de renseignement et, de manière relative, d'avoir limité l'influence de ces derniers dans le processus de nomination aux fonctions de responsabilité publique. Je suis enclin, en définitive, à imaginer que ce sera sous la pression étrangère, dans le cadre d'un système démocratique en place, que la réforme des services de renseignement pourra, à coup sûr, intervenir.

ARRÊTONS D’IDEALISER TOUFIK ! Le renseignement, qui est une fonction fondamentale de l'Etat, représente une condition indispensable pour son développement. La vraie question qui doit nous préoccuper, par conséquent, n'est pas de savoir si oui ou non nous avons besoin de ces services de renseignement. Nous devons nous interroger, en revanche, si les services de renseignement algériens sont en phase avec l'évolution du monde et du pays. Je voudrais, avant de répondre, examiner ces services à l'aune de deux paramètres, la symbolique liée à l'institution et l'efficience de son action. Ces services de renseignement jouissent-ils encore de la charge émotionnelle – en particulier, cette solidarité de corps érigée en culte – qui fonde symboliquement la communauté du renseignement, «un métier de seigneurs », comme le suggérait le chancelier allemand Bismarck ? Ces services disposent-ils toujours de l'efficacité redoutable qui, une période durant, avait fondé leur légende, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays ? Pourquoi cette digression me diriez-vous ? Pour indiquer, simplement, que nos services de renseignement, partiellement démunis de cette charge émotionnelle que j'évoquais, ne disposent guère plus de toute l'efficacité dont ils se prévalaient. La solidarité de corps, c'est un habitus social et culturel, c'est surtout une échelle de valeurs partagée en commun. Ce patrimoine hérité du MALG est largement entamé. Au cours de la phase de restauration de l'Etat, les services de renseignement algériens, bâtis sur les traces du MALG, ont été propulsés par un puissant idéal. Ils ont su tirer profit de la disponibilité de cadres expérimentés et engagés ainsi que de l'aura populaire qui rendait leur action efficace et redoutée.

LE DRS CE N’EST PLUS L'ANCIENNE SECURITE MILITAIRE : L'ancienne Sécurité militaire a été aussi un outil de renseignement, hautement performant, dans le soutien à la politique extérieure de l'Algérie. Je viens de recevoir la visite d'un ancien compagnon dépité, justement, que l'histoire de nos services de renseignement soit dénaturée, ou pour le moins, à ce point méconnue. Ce compagnon, dont la carrière a été tout entière dédiée aux mouvements de libération nationale à travers les cinq continents, me rappelait quel rôle éminent l'ancienne Sécurité militaire avait joué dans la victoire de nombreuses guerres de libération nationale, en Afrique notamment, et dans le succès de combien de révolutions démocratiques, résultat de soulèvements populaires, sans compter le soutien efficace qu'elle sut apporter à des mouvements de résistance de gauche en Amérique latine. Ce compagnon se lamentait que l'imaginaire populaire en soit arrivé à percevoir ces services de renseignement comme le bouclier d'intérêts compradores ! Je me livre à cette digression pour inciter à la retenue dans l'analyse des phénomènes de cette nature. Si, pour gagner son brevet de démocrate, il est exigé de moi de renier l'héritage positif de l'institution où j'ai choisi de servir pour rester fidèle à mon idéal patriotique, je renonce, volontiers, à ce parchemin.
Il faut bien admettre que l'ardeur patriotique et l'efficacité opérationnelle dont était créditée cette ancienne Sécurité militaire n'ont pas résisté au phénomène d'usure, à l'image de cette perte de bonne gouvernance qui touche toutes les institutions du pays. Ces services de renseignement, à un moment donné, ont bien joué un rôle dynamique en servant de rempart contre l'écroulement de l'Etat algérien. Ils ont exercé également un certain rôle stabilisateur, étouffant dans l'œuf les crises internes du régime, ce qui a permis au système de se pérenniser. A leur actif également, un rôle de coloration, disons patriotique, dans la sauvegarde du patrimoine économique national. Leur empreinte, sans être exclusive, est perceptible dans l'abrogation de la loi sur les hydrocarbures en 2005. Ils ne sont pas étrangers à la contrariété que subissent certains processus de privatisation douteux. Ce rôle de stabilisation du régime politique et cette œuvre de sauvegarde du patrimoine économique sont, sans commune mesure, avec les exigences de mue du système.

LE DRS CE N’EST PAS LA STASI : Par rapport à la conjoncture politique qui prévaut en Algérie, je considère que les services de renseignement algériens ne sont plus en mesure d'entraver un puissant mouvement social orienté vers la transformation du système. Les cadres de renseignement algériens ont été formés pour lutter contre la subversion interne – entendez l'opposition qui n'était pas légale –, ils se sont adaptés, avec plus ou moins de succès, pour combattre le terrorisme, ils ne sauront certainement pas étouffer un mouvement de masse. J'invite, en ce sens, nos hommes politiques à visiter les pages d'histoire des peuples qui ont imposé le système démocratique. Vous ne pensez tout de même pas que le DRS est plus puissant, plus efficace, plus retors que la Stasi allemande ? Voyez ce qu'il en est advenu lorsque les conditions historiques de la chute du système communiste ont été réunies. Je ne considère pas qu'il faille faire du démantèlement des services de renseignement algériens un préalable à l'achèvement de la transition démocratique. Mais l'observation des processus historiques universels, similaires à celui qui se déroule dans notre pays, indique que l'adaptation des services de renseignement algériens aux exigences du système démocratique est une nécessité absolue. A l'adresse de nos leaders politiques, je recommande de ne pas trop ergoter autour de l'influence jugée excessive du DRS sur la vie politique nationale, mais de se hâter de favoriser l'instauration du système démocratique. Je fais le pari que les cadres de ces services de renseignement tant décriés finiront par se ranger au choix du peuple en faveur du système démocratique, dès lors que la situation aura atteint le stade de mûrissement requis. Dans l'intervalle, il faut souhaiter naturellement que les services de renseignement du pays ne s'ingénient pas à mobiliser leur capacité de nuisance au profit d'une démarche d'entrave à cette progression naturelle, je dirais inéluctable, de la société vers la liberté.

Source : Le Soir

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Commentaires (42) | Réagir ?

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musulmangeo

Personne ne devra être un mythe sauf un Roi qui travaille pour le bien de son peuple.

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ali tizmert

M MESBAH! Personne ne vous croit!

Je me rappelle des longues contributions publiées dans la presse lors des campagnes electorales présidentielles. Je pensais personnellement que du bien vue la qualité de vos écrits. Vous semblez avoir tourner casaque. Mais je me trompe certainement car, ces gr&d&s de l'Armée, même intellectuels comme vous, vous savez vous adapter: cela sent le million de dollars US.

Pourquoi vous ne vous lancer pas dans la recherche stratégique et nous édifier sur les contours tracés par les puissants pour le Projet Algérie. Vous avez les moyens et les capacités. Quant à la SM, ou la DRS, nous savons ce que cela fut et est, peut être sera.

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