Quand Alger définissait la politique de la France !
Dans la foulée de son retour au pouvoir, le général de Gaulle réserve son premier voyage, le 4 juin 1958, à la ville qui a permis sa renaissance politique, en l’occurrence Alger. En effet, un mois plus tôt, une alliance entre des militaires de carrière – qui détiennent les pleins pouvoirs depuis le 7 janvier 1957 – et les ultras achevait la quatrième République déjà évanescente.
Toutefois, la comparaison entre l’auteur de l’appel du 18 juin 1940 et ces fanatiques s’arrête à leur répugnance au régime des partis. Ainsi, bien que la classe politique française ne s’oppose pas frontalement au retour du général de Gaulle aux responsabilités, ses alliés de circonstance n’ont pas lâché la pression jusqu’à ce que son investiture, le 1er juin 1958, devienne effective. Évoquant celle-ci, Pierre Mendès France la qualifiera, plus tard, de "vote contraint par l’insurrection et la menace de coup d’État".
Dans le contexte de l’époque, la question qui se pose légitimement est de savoir comment le général de Gaulle gérerait cette situation alambiquée ? De toute évidence, bien qu’il ne partage pas la vision politique de la coalition militaires-ultras, le général de Gaulle doit composer avec les hommes forts d’Alger. Et comme son espace de manœuvre est exigu, il avance ses pions habilement.
Lors de son premier voyage en Algérie, entamé le 4 juin à Alger et achevé le 6 juin à Mostaganem, il piège les ultras en portant un projet d’égalité entre tous les habitants d’Algérie. "Je prends acte au nom de la France et je déclare qu’à partir d’aujourd’hui, la France considère que, dans toute l’Algérie, il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants : il n’y a que des Français à part entière", déclare-t-il au balcon du gouvernement général à Alger. Malgré l’hostilité des colons, il déclare la même chose à Mostaganem.
Du coup, une semaine après le retour du général de Gaulle aux affaires, le mouvement lancé en mai 1958 est quasiment fissuré. En fait, la déception des colons commence à l’instant où le général de Gaulle prononce le mot égalité entre les habitants de l’Algérie. Or, s’il y a une idée constante chez colons, et ce, depuis l’instauration du système colonial, c’est de combattre sans vergogne toute amélioration du statut des «indigènes». Le sort réservé au statut de septembre 1947 en témoigne de leur rejet de toute réforme. Et portant, ce dernier est inégalitaire dans la mesure où une voix des leurs est équivaut à neuf voix autochtones.
Dans ces conditions, l’épreuve de force est uniment inévitable. Cela dit, en n’ayant pas les moyens, dans les premiers mois, de réduire leur influence, le général de Gaulle adopte une stratégie prudente envers la coalition d’Alger. En d’autres termes, ne pouvant pas engager le bras de fer, il s’attelle, à court terme, à renforcer son pouvoir en élaborant une nouvelle constitution. Celle-ci consacre d’ailleurs le régime présidentiel. Dans son article 16, le chef de l’État assume, en cas de crise, les pleins pouvoirs. D’ailleurs, lors de la tentative de coup d’État en avril 1961, le général de Gaulle en fera usage. Enfin, bien que les ultras ne lâchent pas du lest jusqu’à l’ultime instant, le général de Gaulle va réussir à déjouer leurs plans diaboliques en s’appuyant sur le soutien du peuple français, consulté constamment par référendum.
En guise de conclusion, il est évident que la visite présidentielle constitue le vrai test en vue d’évaluer le poids de chaque groupe. Bien que les ultras attendent qu’il soit leur tête d’affiche, le général de Gaulle n’est pas l’homme à qui on dicte la conduite. Du coup, l’alliance entre les ultras et de Gaulle ne résiste ne tient pas un mois. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la victoire de ligne gaullienne permet à la France de retrouver sa grandeur en permettant aux peuples colonisés de recouvrer leur liberté. Sont-ils pour autant libres ? En Algérie, le débat se pose sérieusement.
Boubekeur Aït Benali
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