Chez les chiroptères : être c’est ne pas paraître
Prendre son nombril pour le centre du monde est une tare congénitale.
Elle ne fait pas avancer ceux qui en sont atteints. Ils sont de plus en plus nombreux. Ils croissent et se multiplient. Chez-eux, la mutation semble génétiquement transmissible, elle se propage et devient pandémique. Ils sont photophobes. La lumière les éblouit, comme des albinos dépigmentés. Leur déficit en mélanocytes en est responsable. Ombrophiles, ils ne sont à l’aise que dans la pénombre. Chiroptères des grottes. Que dire d’eux s’ils sont aussi daltoniens ?
Le rouge et le vert leur jouent des tours. Comment s’y prennent-ils ? Ils compensent leur handicap. Aux autres, ils imposent un monde sans couleurs, ils leur forcent un destin virtuel, ils leur tracent un horizon de chimère. Ils se déplacent dans leur bulle en inertie sans avancer. Obsédés par le chiffon et la fripe, par sa coupe et sa longueur. Des vigiles sont placardés aux portiques de certains lieux devenus obscurs, scrutent le cache-misère ou le cache-cheville, le cache-gynécée ou le cache-androcée, moule-aréoles ou décolleté. Voici des édits de doyens et de recteurs des mœurs qui apparaissent çà et là dans des campus paumés, à l’assaut des suggestions de Cupidon et d’Éros.
Au risque d’être mis à nu, ils le sont d’ailleurs, pour faire taire l’expression différente qui les étouffe, ils transgressent le privé de l’être et la liberté de paraître. Ils feignent d’oublier que s’ils sont là où ils sont, c’est surtout par la grâce de ceux qu’ils nous font croire qu’ils honnissent. Ces peuples sans complexe qui, sans eux leurs semblables ne seraient encore que des humanoïdes du paléolithique, ils sont passés de la vapeur au numérique puis aux nanosciences parce qu’ils n’ont pas la phobie du spectre visible, ni de l’inaudible, ils sont friands de savoir nourricier qui est leur arme fatale de domination expansive.
Leur monde est riche par la multiplicité qui le compose, contrairement au pauvre milieu désolé par l'hypocrite platitude imposée chez les tarés écervelés qui figent la vie et la résument seulement dans une parenthèse qu'ils placent entre deux membres supposés ambulatoires.
Ahmed Farrah
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