Cinq axes stratégiques 2015/2030 de la politique énergétique de l’Algérie
Le 15 mai 2015, le cours du Brent a été coté à 66,68 dollars, le WIT 59,89 dollars et la cotation du dollar/euro est passée de 1,055 à 1,1354, cette appréciation de l’euro expliquant en partie cette relative hausse récente. L’Algérie a des réserves de pétrole de 12 milliards selon les données de 2000 et 4500 milliards de mètres cubes gazeux selon données de BP de 1998, les estimations actuelles étant d’environ 3000/3500.
Les réserves prouvées de pétrole traditionnel sont les suivants selon les données internationales de 2012/2013 : Venezuela 298 milliards de barils de pétrole 24,80% - Arabie Saoudite, 266 milliards avec 22,10%, l’Iran 158,13 soit 10% et l’Irak 140 11,70%. Loin derrière, le Koweït avec 102, les Emiraties 98, la Russie 90, la Libye 49, le Nigeria 38. Pour les réserves prouvées de gaz naturel traditionnel la Russie vient en tête avec 48.000 milliards de mètres cubes gazeux, l’Iran 34.000, le Qatar 25.000, le Turkménistan 25.000n l’Arabie Saoudite 8000, les USA, 7100, les Emiraties 6100, le Venezuela 5200, le Nigeria 5100. Cette présente contribution se propose de développer les cinq axes futurs de la politique énergétique de l’Algérie, incompréhensibles sans analyser les nouvelles mutations énergétiques mondiales
1.- Adapter Sonatrach à la concurrence internationale
1.1- Sonatrach a besoin en urgence d’un nouveau management stratégique car le problème de savoir si face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales, à la concurrence notamment russe, qatarie, récemment américaine et bientôt iranienne, Sonatrach a une stratégie gazière et pétrolière. Concertant le gaz conventionnel, il y aura lieu de tenir compte de la concurrence du Qatar, de la donne libyenne qui avec des réserves de 1500 milliards de mètres cubes gazeux non exploitées et des nouvelles découvertes en Afrique. La stratégie de Gazprom, grande société internationale dynamique cotée en bourse, ce qui n’est pas le cas de Sonatrach, à travers le North Stream et le South Stream qui a été gelé transitoirement, est offensive. Pour Nord Stream, le 8 novembre 2011 a été inauguré en Allemagne, qui permet l’acheminement de gaz russe en Europe. La première conduite, d'une capacité de 27,5 milliards de mètres cube, contourna nt l’Ukraine est opérationnelle. Une deuxième est en cours de construction doublant la capacité de la liaison. Quant au projet de South Stream, s’il venait à être terminé puisque 70% ont été déjà réalisé, concurrent direct de l’Algérie, il doit alimenter en gaz russe l'Europe occidentale, notamment la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie et l’Autriche, la Grèce et l'Italie, via la Mer Noire et les Balkans. D'une capacité de 63 milliards de m3 de gaz, le tronçon sous-marin devait entrer en service en 2015. L’ensemble de ces projets remet en cause le projet algéro-italien Galsi dont le cout ramené aux capacités et à l’investissement par rapport au South Stream serait supérieur de près de 15% et posé le problème de sa rentabilité, devait relier directement l’Algérie à l’Italie via la Sardaigne capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux, pour un investissement entre 2,5 et 3 milliards de dollars initialement, mais dont le coût approcherai actuellement 4 milliards de dollars alors que la mise en service était prévue pour 2014. Il semblerait que la majorité des élus de la Sardaigne s’opposent pour l’instant à la réalisation de ce projet du moins dans le tracé traditionnel pour des raisons écologiques et autres et du fait de l’autonomie de cette région, le gouvernement central italien ne pouvant rien faire sans l’aval des élus locaux (voir notre interview diffusée à la TV française France 3 en présence des élus de la Corse, 2012).
1.2- Gazprom, le Qatar, l’Iran, bientôt d’autres pays notamment africains et le boom de production américaine pétrole/gaz de schiste concurrencent la production algérienne. Pour les USA, elle produit un pétrole de qualité similaire expliquant que les échanges avec les USA, sont passeés de plus de 12 milliards de dollars par le passé à environ 5 milliards de dollars actuellement. L’Algérie ne va-t-elle pas donc perdre des parts de marché avec l’arrivée de ce nouvel exportateur? Autre contrainte qui limite la manœuvre de Sonarach où d’ailleurs aucune information sur la rentabilité de ses investissements à l’étranger notamment au Pérou, le projet NIGAL (Gazoduc reliant la région de le Nigéria) à l’Algérie et l’ Europe, soit 2500 km sur le territoire Algérien, 750 km sur le territoire du Niger, 1300 km sur le territoire Nigérian, prévu pour le transport de 20 à 30 milliards de m3 par an, en majorité vers le marché européen pourra-t-il permettre d’ accroître les capacités d’exportation? Avec un coût prévu initialement à 7 milliards de dollars, son cout dépasserait 20 milliards de dollar selon une étude du 28 avril 2O11 de l’institut français des relations internationales IFRI. Ce projet financé pour partie par l’Europe avec la crise d’endettement est – il réalisable d’autant plus que comparé aux canalisations russes, son coût est trop élevé. Enfin concernant le GNL, l’Algérie pourra-t-elle du fait des faibles capacités et de la déperdition de ses cadres, avoir été par le passé leader dans ce domaine, concurrencer le Qatar, l’Iran proche de l’Asie, la Russie, et surtout tenant compte du coût de transport devant contourner toute la corniche d’Afrique pour arriver en Asie , liant forcément son marché naturel à l’Europe ? Et c’est là que rentre la concurrence et les décisions du Conseil européen a approuvé l'accord énergétique stratégique entre l'Algérie et les 27 pays de l'Union européenne signé par le premier ministre algérien le 07 juillet 2O13 et la visite du commissaire européen à l’énergie ce mois de mai 2015. Cet accord intervient donc dans un contexte particulier, marqué par des bouleversements profonds de la carte énergétique mondiale comme analysé précédemment et la partie européenne insiste sur la déconnexion des prix du gaz et du pétrole qui n’est plus en vigueur depuis au moins trois années. Qu’adviendra-t-il des prix du gaz algérien aussitôt les contrats à moyen et long terme arrivés à expiration, l’Europe faisant pression pour une baisse des prix ? Rappelons que dans le cadre de la renégociation de contrats de gaz à long terme par le groupe italien Edison qui a été repris par le groupe français EDF, Sonatrach a perdu en mars 2013, une affaire d'arbitrage où le groupe italien a obtenu la révision à la baisse des prix d'un contrat de fourniture de gaz naturel et ce sur décision, rendue par la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale avec un impact estimé à environ 300 millions d'euros (390 millions de dollars) sur l'Ebitda (excédent brut d'exploitation) du groupe Sonatrach en 2013. Ce qui m’amène à analyser les axes directeurs du ministère algérien de l’Energie.
2.- Les cinq axes stratégiques en matière énergétique
Le constat entre 2014/2015 est que 96% de l’électricité est produite en Algérie à partir du gaz naturel, 3% à partir du diesel (pour les régions isolées du sud), 1% à partir de l'eau et que face aux contraintes analysées précédemment , il y a une prise de conscience qui fait le gouvernement axe sa stratégie pour une transition énergétique maîtrisable autour de quatre axes privilégiant un bouquet énergétique , ayant les moyens de son financement mais privilégiant le transfert de savoir-faire managérial et technologique , où un partenariat gagnant/gagnant
2.1.- Le premier axe est d’améliorer l’efficacité énergétique par d’une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international occasionnant un gaspille des ressources qui sont gelés transitoirement pour des raisons sociales. En Algérie existe un véritable paradoxe : la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif ; idem pour les carburants et l’eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe montrant le dépérissement du tissu industriel, soit moins de 5% du produit intérieur brut. A cet effet, une réflexion est engagé pour la création d’une chambre nationale de compensation, que toute subventions devra avoir l’aval du parlement pour plus de transparence, chambre devant réaliser un système de péréquation, segmentant les activités afin d’encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales mais impliquant une nouvelle politique salariale.
2.2- Le second axe, l’Algérie doit investir à l’amont pour de nouvelles découvertes prévoyant 100 milliards d’investissement ; mais quelle sera la rentabilité si le prix se maintient en dessous de 70 dollars ?
2.3- Le troisième axe est le développement des énergies renouvelables. L’Algérie a réceptionné en mi-juillet 2011 la centrale électrique hybride à Hassi R’mel, d’une capacité globale de 150 MW, dont 30 MW provenant de la combinaison du gaz et du solaire. Cette expérience est intéressante. La combinaison de 20% de gaz conventionnel et 80% de solaire me semble être un axe essentiel pour réduire les coûts et maîtriser la technologie. Le programme algérien consistait au départ à installer une puissance d’origine renouvelable de près de 22 000 MW entre 2011 et 2030, dont 12 000 mégawatts par an dédiés à couvrir la demande nationale de l’électricité et 10 000 MW à l’exportation. Le ministre de l'Energie et des Mines a fait savoir en mai 2013 que l'objectif de l'Algérie de produire, dans les 20 ans à venir, 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables. Le montant de l’investissement public consacré par l’Algérie à la réalisation de son programme de développement des énergies renouvelables, à l’échéance 2030, selon le Ministère de l’énergie est évalué à 100 milliards de dollars portant la capacité à 36.OOO mégawatts.
2.4- Quatrième axe, l'Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 à des fins pacifiques pour faire face à une demande d'électricité galopante, a affirmé le 19 mai 2013 le ministre de l'Énergie et des Mines, l'institut de génie nucléaire, créé récemment, devant former les ingénieurs et les techniciens en partenariat, qui seront chargés de faire fonctionner cette centrale. Les réserves prouvées de l'Algérie en uranium avoisinent les 29.000 tonnes, de quoi faire fonctionner seulement deux centrales nucléaires d'une capacité de 1.000 Mégawatts chacune pour une durée de 60 ans, selon les données du Ministère de l'Énergie. Mais existe une autre option le pétrole/gaz de schiste.
2.5.- Cinquième axe le pétrole/gaz de schiste: opportunités
L’option du gaz de schiste a été introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures de janvier 2013 mais avec des gardes fous, la protection de l’environnement et de l’eau. Je rappelle que le président de la république et le premier ministre ont tenu à souligner que l’Algérie est à l'ère de l'exploration, et l'exploitation qui ne verra pas le jour avant 2020/2025 sous réserve du respect de l'environnement et de la rentabilité( le cout du forage d’un puits étant estimé en Algérie entre 15/20 millions de dollars contre 5/7 au USA). Le problème stratégique de l’Algérie est d’éviter des débats stériles étant une opportunité face à l’épuisement des réserves qui avec la très forte consommation intérieure, les ressources traditionnelles devant s’épuiser horizon 2030. Uniquement la consommation de gaz intérieure est prévue à 70/75 milliards de mètres cubes gazeux 2030, contre une exportation actuelle qui ne dépasse pas 55 milliards de mètres cubes gazeux. L’énergie est donc au cœur de la sécurité nationale mais devant évaluer également les risques passant par la formation et renvoyant globalement à la gouvernance. Concernant ce dossier, l’agence américaine sur l’Energie a estimé que le Monde aurait environ 207 billions de mètres cubes réparties comme suit : la Chine 32, l’Argentine 23, l’Algérie 20, les USA 19, le Canada 16, le Mexique 15 ; l’Australie 12, l’Afrique du Sud 11, la Russie 8 et le Brésil 7 billions de mètres cubes. Les gisements de gaz de schiste en Algérie sont situés essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf. Ce dossier sensible nécessite une formation pointue et posant une problématique sociétale, nécessite une bonne communication en direction de la société avec son implication par le dialogue. Pour éviter de perturber la gestion de Sonatrach, société commerciale stratégique, il est exigé que ses dirigeants évitent de s’exposer aux débats, devant laisser au Ministre seul habilité politiquement, à exposer ses arguments. À ce titre, il est souhaitable qu’une institution indépendante soit créée, relevant non d’un département ministériel, évitant d’être juge et partie, mais du président de la République ou du premier Ministre associant la société civile, de toutes les régions concernées, des experts indépendants, des représentants du Ministère de l’Energie et d’autres départements ministériels, travaillant en étroite collaboration avec les institutions internationales.
En conclusion, dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui aucun prix n’a plus d’importance que celui du pétrole brut. Plus de 80 millions de barils sont produits et consommés chaque jour, dont la plus grande partie est vendue sur les marchés internationaux. Toute hausse ou baisse des cours du pétiole( le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole) a des incidences directes sur les équilibres macro-économiques et macro-sociaux de l’Algérie. Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach qui a engrangé 760 milliards de dollars entre 2000/2014, permis des importations de 585 milliards de dollars, la différence étant les réserves de change au 31/12/2014, l’importance de la dépense publique , contribuant à la croissance du PIB directement et indirectement à plus de 80% donc déterminant à la fois à plus de 70% de la valeur du dinar et du pouvoir d’achat des Algériens. Selon le bilan officiel de la banque d'Algérie en 2014, la sortie de devises pour les importations de biens et services a été de 71,14 milliards de dollars (11,70 pour les services)sans compter les transferts légaux de capitaux des firmes étrangères approchant donc les 80 milliards de dollars alors que les recettes de Sonatrach ont été de 58,34 milliards de dollars avec un cours moyen pour 2014 de 85 dollars l’Algérie après 50 années d’indépendance exporte toujours 97/98% d’hydrocarbures avec les dérivées et importe 70% des besoins des ménages, des entreprises publiques et privées. L’entrave principale au développement en Algérie provient de l’entropie et le défi majeur, est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires pour contrôler et réduire cette entropie à un niveau acceptable. En ce monde turbulent et incertain, annonçant de grands bouleversements géostratégiques militaires, politiques et économiques à nos frontières, où les batailles futures pour le développement sont conditionnées par la bonne gouvernance et la valorisation du savoir, l’Algérie malgré la chute du cours des hydrocarbures, a l’ambition de ses choix nécessitant une vision stratégique du développement tenant compte des nouvelles mutations mondiales. Concernant l’énergie, un large débat national s’impose pour définir le futur modèle de consommation énergétique allant vers un MIX énergétique.
Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités Expert international et directeur d’Etudes Sonatrach Ministère Energie (1974/2007)
(1) Synthèse (dossier de 35 pages) de la conférence du professeur des Universités Expert international, Dr Abderrahmane Mebtoul-Direction générale de la sureté nationale-DGSN- Ecole supérieure de police Châteauneuf Alger – et diffusé à l’Ouest par vidéo/conférence avec l’école supérieure de police de Sidi Bel Abbès et à l’Est avec l’école supérieure de police d’Annaba avec un très large débat avec ces trois écoles et ce le 12 mai 2012 pendant trois heures de 10h à 13h
(2) Etude du professeur Abderrahmane Mebtoul "pour un nouveau management stratégique de Sonatrach" (HEC Montréal- Canada novembre 2011) Sur le même sujet des mutations énergétiques, et des raisons et perspectives 2025 des cours de pétrole, voir Radio France Internationale( RFI) 24 octobre 2014, débat entre le Docteur Antoine Halff responsable du suivi du marché pétrolier au sein de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), ancien économiste en chef au secrétariat d’Etat américain de l’Energie, et le professeur docteur Abderrahmane Mebtoul (Algérie) expert international, débat animé par Jean-Pierre Boris, responsable du département Afrique à RFI
Commentaires (2) | Réagir ?
merci
C'est stupéfiant... pendant que de nombreux pays européens à la pointe de la téchnologie nucléaire décident (à l'exception de FAFA) de se désintoxiquer et de se débarasser de l'énergie nucléaire... nos experts proposent de nous engluer dedans !!! et qu'allez vous faire des déchets... les bouffer !!!