Histoire de jupes et maccarthysme religieux
En France on en a fait des tonnes à propos d’une gamine interdite de lycée pour avoir porté une jupe longue.
Par Hassane Zerrouky
En Algérie, c’est l’inverse. Une jeune femme mariée s’est vue interdire, par un agent de sécurité, d’accéder à la faculté de droit Saïd Hamdine d’Alger pour passer ses examens parce qu’elle portait une robe jugée "trop courte" ! Interpellé par le site TSA, le recteur de la faculté d’Alger a donné raison à son agent de sécurité, validant ainsi un acte islamo-machiste. Voilà où en est arrivée cette Algérie où l’on voyait défiler durant les années 1960 des jeunes femmes en jupes courtes, comme en attestent les documents audiovisuels de l’époque, à l’occasion des fêtes nationales (1er novembre et 5 juillet) mais aussi à l’occasion du 1er mai.
En Algérie toujours, le salafo-wahhabite Abdelfatah Hamadache Ziraoui, celui-là même qui a appelé à la manifestation anti-Charlie Hebdo au cours de laquelle des drapeaux français ont été brûlés, qui a demandé la fermeture des bars et des boites de nuit et la formation de brigades de mœurs pour faire interdire le port du bikini sur les plages, s’est de nouveau manifesté…
Cette fois-ci, cet imam autoproclamé formé en Arabie saoudite va plus loin : sur sa page Facebook, rapporte le site Algérie-Focus, il a carrément demandé la fermeture des lieux de culte chrétien en Algérie et de "transformer Notre Dame d’Afrique d’Alger, Santa Cruz d’Oran et Saint Augustin d’Annaba en mosquées" ! Pour ce faire, ne reculant devant rien, il invoque le fait que des mosquées ont été fermées dans les pays occidentaux ! Un, c’est faux. Et deux, les Etats occidentaux n’ont jamais interdit aux musulmans d’avoir leurs lieux de culte et d’exercer librement leur foi, alors que dans des pays musulmans, y compris l’Algérie, il est interdit aux chrétiens de construire des églises voire de manifester publiquement leur foi, quand ils ne se cachent pas…
Quelques semaines avant cette sortie, une campagne menée par les islamistes avait contraint le gouvernement d'Abdelmalek Sellal à suspendre la disposition n’exigeant plus l’autorisation préalable aux grossistes pour commercialiser l’alcool. En parallèle, des campagnes sont menées pour dissuader les gens d’accepter les crédits pour l’accession au logement mais aussi pour la création d’entreprises sous prétexte que le taux d’intérêt est illicite en islam.
Ce "maccarthysme religieux", selon l’expression de George Corm, de chasse aux dernières sorcières , dans un pays qui a pourtant payé le prix fort (plus de 100 000 morts durant les années 1990), s’exprime et se développe, en toute liberté et impunité, à l’ombre d’un Etat qui laisse faire et dans un contexte d’autoritarisme et de poursuite de la réduction des champs d’expression démocratique et médiatique. Car ce qui semble préoccuper le plus les autorités, ce sont les derniers espaces existants d’expression progressiste et moderniste pourtant réduits à une peau de chagrin. Ainsi, après la disparition des kiosques du quotidien Le Matin en 2004, d’Algérie News (en arabe et en français), d’El- Fadjr, d’Atlas-tv en 2014, et récemment de l’émission "al-djazaïra week-end" d’Al Djazairia-tv, d’autres médias sont dans le collimateur du pouvoir politique. Même l’opposition, qui se voit à chaque fois interdite de s’exprimer publiquement, est dans le viseur de certains clans du pouvoir.
Mais là où ce pouvoir se trompe, c’est lorsqu’il croit être en mesure de manipuler et d’instrumentaliser les salafo-islamistes (une fois de plus) contre ses opposants non islamistes. De leur côté, ces salafistes, qui ne sont jamais en manque d’imagination rétrograde et réactionnaire, sont toujours là pour divertir dangereusement le peuple, à chaque fois que le pouvoir politique est quelque peu mis en difficulté. Si ce n’est pas l’alcool, ce sont les femmes, le bikini, les laïcs, les progressistes et maintenant les églises. Mais dénoncer la corruption, il n’en est pas question car elle ne figure pas dans leur logiciel intolérant entièrement consacré, sous le regard plus ou moins indulgent des autorités, à la wahhabisation de la société algérienne, et la faire basculer dans une voie de non-retour. Au point où aujourd’hui, tout ou presque est désormais perçu, traité, décrypté sur le mode étriqué du salafo-wahhabisme. Au point où ceux qui se revendiquent de l’islamo-nationalisme sont contraints, à l’instar de ces droites européennes courant derrière l’extrême droite, de surenchérir en matière d’interdits religieux. Et dans ce jeu de dupes, où la médiocrité veut supplanter l’intelligence, l’extrémisme religieux risque d’être le grand gagnant.
H. Z.
Commentaires (9) | Réagir ?
merci
Ils sortent la bête intégriste pour faire peur au peuple, c' est leur dernière cartouche. Les barbus ne les sauveront pas ils n'ont plus de petrole pour les acheter. Leur fin approche à grands pas.