Procès de Khalifa : une caricature judiciaire !

Qui se souvient de cette époque ?
Qui se souvient de cette époque ?

Chez les oiseaux, c’est la saison des amours, chez nous, celle des juges et des parodies judiciaires ! Voilà un demi-siècle que le printemps inspire à la ploutocratie qui sert de gouvernement aux Algériens, ces pastiches de procès censés brûler Ali Baba et rendre considération et respectabilité aux 40 voleurs.

Par Mohamed Benchicou

Un demi-siècle, c’est long ! Les plus naïfs ont le temps de se déniaiser, les plus enthousiastes le temps de se trouver d’autres sujets d’émerveillements et le peuple de se tourner vers des spectacles plus originaux que ces caricatures judiciaires où nos juges, affectant la gravité et le sérieux, l’indignation et la colère, comme dans le mauvais théâtre, font semblant de rendre la justice au nom du peuple, des martyrs et, parfois même de Dieu.

C’est la loi du printemps que de s’ouvrir sur la lumière : le jour et la nuit commencent par y avoir une durée identique avant que le jour ne gagne du terrain. Aussi, les trois nouvelles superproductions judiciaires "fracassantes" qui devaient marquer le printemps 2015, affaire Sonatrach, affaire autoroute est-ouest, affaire Khalifa, n’ont suscité qu’indifférence et détachement chez nos compatriotes en dehors de notre ami Khaled Bourayou jamais à court de passion pour les parties de cape et d’épée à l’intérieur des prétoires.

Un demi-siècle, c’est trop long ! Le régime est arrivé au bout de ses supercheries. À force de conduire le même procès truqué depuis un demi-siècle, de protéger les mêmes délinquants et d’incarcérer les mêmes seconds couteaux, il a fini par instruire le sien. Les scandales Sonatrach, l’autoroute est-ouest, l’affaire Khalifa resteront comme les témoignages accablants contre ce pouvoir. S’il n’était pas un pouvoir de kleptocrates, ces graves actes de pillage de l’économie nationale ne se seraient jamais produits.

Comment sortir de cette justice médiévale ? Voilà un demi-siècle que quelques magistrats sans pouvoir, mais non sans dignité, capitulent devant cette terrible interrogation dont dépend beaucoup leur honneur, du moins pour ceux qui, parmi eux, y attachent encore quelques valeurs. Ce n’est jamais bien agréable de se savoir au service des 40 voleurs, dans leur perpétuel jugement d’Ali Baba. Il se dit ainsi qu’au sein même des rangs des magistrats, dont on veut bien croire qu’ils ne sont pas tous corrompus, on réalise l’absurdité de vouloir perpétuer cette justice d’un autre âge, décidément pas taillée pour l’équité.

Il faut une peau bien tannée comme celle de l’inusable Miloud Brahimi pour la côtoyer pendant 30 ans sans perdre ses notions de droit, ce qui aurait été dommageable pour le juriste, sa patience, ce qui aurait été désastreux pour ses clients, et, surtout son humour, celui grâce auquel les meilleurs esprits de cette pauvre patrie ont appris à rire de leur sort pour ne pas en pleurer.

Encore que rire vous expose au risque de connaître le sort de Tahar Djehiche, un de ces incorrigibles caricaturistes qui, sous prétexte que tout est caricature ici-bas, s’était laissé entraîner à pasticher le chef de l’État et à publier ses diaboliques créations sur sa page Facebook. Il avait oublié, le malheureux, que plus un régime est grotesque, moins il accepte qu’on rigole à ses dépens. Tahar est alors immédiatement inculpé pour "atteinte au président de la république" et, il fallait y penser, pour "incitation à attroupement non armé". Eh oui, pour la justice algérienne, dessiner c’est pire que voler !

Plutôt que de commettre des dessins séditieux, il eût été moins risqué pour notre artiste de se rendre coupable, comme le préfet Mohamed Bouricha, de corruption, de dilapidation de deniers publics, d’usage de fonds étatiques à des fins personnelles, de trafic de terres agricoles… ou alors, s’il préfère le pétrole, de dessous de table et trafic d’influence, comme Chakib Khelil. C’est la fortune assurée et la certitude de ne jamais passer par la case prison.

Alors, comment sortir de cette justice médiévale ? Il ne suffit pas de changer les juges. Il faut leur donner le pouvoir qui leur est dû. Dans le monde démocratique, on appelle cela séparation des pouvoirs. Pour en finir avec l’absurde justice qui dresse potence au voleur de poules et lauriers aux parrains de la mafia, il ne suffit pas de changer les juges, il faut changer d’État ! Comme le dit Jean Anouilh, "le théâtre, c’est le souffleur. D’abord, il n’y a que lui qui sait toute la pièce !".

En attendant, en l’absence du peuple qui n’aime pas qu’on rende justice en son nom, et pour laisser Dieu et nos martyrs en dehors de ces simagrées, il ne reste plus qu’à ouvrir les parodies judiciaires au nom de Mickey Mouse et de Sid Ali Fernandel. Ce serait plus conforme à notre drôle de réalité.

M. B.

Plus d'articles de : Éditorial

Commentaires (10) | Réagir ?

avatar
ramo1169

Monsieur M. B. comme d'habitude, vous etes clairvoyant et necessaire; j'ai rien a dire ou commenter; c'est parfait

Merci d'exister, et surtout N'arrêtez jamais; cordialement

avatar
tiddet

La misère touzakzikou dans l’Algérie des chimères fondée par abdelkader.

visualisation: 2 / 10