Arezki Meziane, une nouvelle empreinte musicale kabyle
Arezki Amziane sort son nouvel album, le PassBioMusic ! Le jeudi 30 avril 2015. Pour cette occasion, un concert est prévu le 30 avril, à 20h30, à La Ligne 13 : salle de spectacles, 12 Place de la Résistance et de la Déportation à Saint-Denis. Avec ce nouvel opus, c'est un souffle nouveau qui se propage, le swing made in Kabylie. Le PassBioMusic, c'est un pont entre les générations, entre les cultures. Bien campé sur ses identités, le titi parisien du 11ème arrondissement nous embarque vers des univers et des destins qui se croisent. En pleine préparation de son spectacle Arezki Amziane a fait une pause pour répondre à nos questions.
Le Matindz : En quelques mots, qui est Arezki Amziane ?
Arezki Amziane : Il y a un vieux dicton chez nous qui dit : dis-moi ton nom, je te dirais d'où tu es. Avec cet héritage, on est conscient de cela, même nés de l'autre côté de la rive. On essaie de joindre les deux parce qu'on sent cet héritage en nous et on essaie de l'exprimer. Certains, par le théâtre, d'autres par la peinture, moi, c'est la musique. C'est ce qui fait de moi un être d'origine algérienne et en même temps un titi parisien qui a grandi et fait ses études à Paris.
L. M. : Comment êtes-vous venu à la musique ?
Ce n'était pas du tout prémédité. Je n'en ai pas hérité. Pourtant, j'ai commencé très jeune à écouter des chansons, je dois être le seul de mon village à ce jour à revendiquer ce que je suis en tant qu'artiste. Même si d'autres ont pratiqué la musique clandestinement, cela ne se faisait pas. J'entendais ma mère chanter ses misères, comme toutes les mères kabyles, lorsqu'elle cuisinait, cousait ou faisait le ménage. L'inspiration, l'envie vient d'elles, cependant, elle aime chanter. Elle vient aussi de mon père car il avait la force du verbe.
L M : Votre humilité, votre posture en retrait, c'est un choix, une façon d'être ? Seriez-vous timide dans la vie mais pas sur la scène ?
C'est vrai que ce sont deux facettes de ma personnalité. Je peux paraître timide dans la vie courante, mais sur scène c'est un autre personnage que je dégage, peut-être le Arezki profond. Le seul moment où je vis à cent pour cent c'est dans l'expression scénique, quand je vis mes chansons sur scène.
L M : Vous êtes un fils d'immigré en exil vous-même, expliquez-nous cela.
Tout dépend de la façon dont tu comprends l'exil. Tu peux être exilé même dans ta propre tête. Mais oui, bien sûr, je suis un fils d'immigré et en exil en effet. Je suis en recherche de cette identité. Elle n'est pas complète. Cette histoire que l'on ne connaît pas et celle du pays d'accueil qui ne nous considère pas complètement ; même en ayant le bagage nécessaire tu restes le fils d'immigré à intégrer. Comme un fardeau à porter, mais c'est une force pour moi.
L M: Votre double identité est assumée, vos pieds sont sur les deux rives, pourquoi le choix de l'expression et de la poésie en kabyle alors que votre musique est métissée ?
Justement, c'est le chemin des deux facettes de mon identité. Le kabyle, c'est une langue ancestrale qui a besoin d'être écrite même si un travail a déjà été fait par d'autres. Elle a besoin d'un nouveau souffle et d'être représentée avec sa diversité. Il faut la véhiculer cette langue. Elle n'est écrite que depuis récemment. Tout un cheminement n'a pas encore été fait, à cause de l'oppression envers cette culture notamment. En tant que jeune issu de l'immigration (même si je n'aime pas cette expression), on a le devoir de lui donner sa couleur. D'être concerné par cette culture et de la développer. Qu'elle soit véhiculée par une musique métissée ? Au contraire, le peuple kabyle est métissé par les invasions qui se sont succédé et je souhaite faire découvrir cette langue et cette culture. D'où ce choix du métissage et ce langage musical.
L M: Le PassBioMusic : un passeport pour quelle musique ?
Est-ce de la musique kabyle ou est-ce de la musique algérienne ? C'est celle-là votre question ? C'est surtout une invitation au voyage. Malgré le choix pour cet album, du métissage et de l'universel, j'ai quand même voulu revenir à mes fondamentales musicales à savoir le châabi, que j'ai retrouvé chez Slimane Azem ou Cheikh El Hasnaoui. Ce sont deux figures de l'exil, donc mes pères en quelque sorte. Justement, cette image du père qui nous a quittés très tôt me renvoie à son époque et à ces deux personnages. Ils ont vécu la même époque, mon père tenait un café, la musique de l'exil se faisait dans les cafés. Dans cette recherche du père, il y a toute cette génération.
Pourquoi le Passeport ? C'est un passeport sans formalité, une invitation au voyage, au voyage à travers le temps. Bio, c'est le retour à la musique ancestrale associée parallèlement à l'époque outre Atlantique, à la musique New Orléans, avec une façon particulière de tenir le banjo, de jouer, la musicalité de la batterie. Et Music, parce que c'est un voyage musical.
L.M. : Ce titre, serait-ce un clin d’œil taquin à la galère du passeport biométrique ?
Bien sûr, c'est pour cela que je te disais qu'il n'y a pas besoin de formalités ! Maintenant pour voyager c'est indécent de tracas. La mode du passeport biométrique nécessaire au voyage, c'est tout une procédure, des queues infernales dans les consulats... Des fois il n'y a pas besoin de toutes ces formalités pour voyager, il y a juste à choisir quel voyage et par quels moyens.
L. M. : Il semble qu'il y ait dans vos chansons, l'expression de blessures qui ne pourront jamais se refermer sur des sujets très différents (tayematt, Ayen aka)… Est-ce autobiographique ou te faites-vous le relais de l’expérience des autres ?
Un artiste qui ne ressent pas ce qu'il chante, c'est un usurpateur ou il s'est trompé de métier. On ne peut exprimer quelque chose que l'on ne ressent pas. Oui il y a du vécu dans les deux chansons citées. Notamment Tayematt. C'est volontaire de la part de l'auteur, Hamid Moualhi, avec qui on a énormément échangé.
J'ai volontairement accentué sur le sociétal et le social en Algérie principalement. Car en Algérie mais aussi pour les originaires vivant en France, le sociétal et le social se mêlent à tout. A l'amour profond, ils t'empêchent d'aimer, il y a toujours le dogme de la tribu, de la patrie… C'est tous ces états d'âme que j'ai voulu exprimer dans cet album.
L.M. : L'atmosphère de ce nouvel album est à la fois désenchanté par ses mots mais swing par la musique, est-il le souhait de traduire un état d'être par cette double ambiance ?
Tous les drames et toutes les colères peuvent être exprimés de différentes façon. J'ai volontairement choisi de ridiculiser les sujets de ces colères pour que cela passe mieux. Quand on rit de la connerie, dans un premier temps, ça passe mieux, tu ne braques pas l'autre. Quand tu passes par l'approche gaie, l'oreille de l'autre sera plus tendue.
Entretien réalisé par Saléha Belkacem
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